Final Fantasy XIV : Stormblood

Tempête de sang

Genre
MMORPG
Développeur
Square Enix
Éditeur
Square Enix
Année de sortie
2017

Mon année 2020 aura rimé avec Final Fantasy XIV à n’en point douter. C’est qu’en une année, j’aurais rattrapé ses trois extensions jusqu’à quasiment être à jour du côté du contenu principal. Merci les confinements successifs donc, nul doute qu’en temps normal, le processus se serait sans doute étalé sur davantage de temps. Quoique, peut-être pas tant que cela tant il s’avère que je me suis laissée prendre au jeu. Je me suis profondément attachée à cet univers et ces personnages, sans que je ne ressente forcément de lassitude. Et compte tenu de la durée de vie énormissime – comprenez que pour chaque gros tronçon, que ce soit A Realm Reborn qui sert de base ou les extensions sorties par la suite, représente grosso modo l’équivalent d’un gros RPG solo bien poncé à lui tout seul et ce, en se cantonnant simplement à de la quasi-ligne droite – cela montre qu’il se dégage de ce quatorzième opus quelque chose de spécial qui ne trompe pas. Si Heavensward m’avait déjà bien tenue en haleine de par ses beaux moments d’epicness, l’arc suivant, Stormblood, n’a pas démérité non plus. Malheureusement, voilà bien l’extension qui fait office de grande oubliée lorsque l’on entend les différents échos des joueurs. La faute à un côté peut-être moins intense, le propos se basant sur des partis-pris clairement différents. En plus de souffrir du fait d’être pris en sandwich entre deux arcs qui ont su marquer davantage les esprits, à savoir le Heavensward pré-cité et Shadowbringers, dernière extension en date qui fait clairement l’unanimité – je tease : à raison, c’est foufou.

Pourtant, de Stormblood, il y a tout un tas de choses que l’on peut en retenir. Cette seconde extension montre une nouvelle étape dans l’évolution crescendo sur tout un tas d’aspects. On sent que les développeurs maîtrisent de mieux en mieux leurs outils techniques permettant de proposer des choses plus abouties. Je l’ai dit depuis mon tout premier article sur le sujet mais le suivi de Final Fantasy XIV par ses géniteurs, avec un sens de la communication et du marketing misant sur une certaine transparence beaucoup trop rare dans l’industrie vidéo-ludique de grande échelle actuelle, est sans doute sa principale force. Pour preuve, là où beaucoup profiteraient des avantages d’un processus de développement gagnant peu à peu en maîtrise et des bénéfices engendrés pour stagner et/ou gaver d’autant plus ses actionnaires, ici, on préfère utiliser le gain de temps, d’aisance et d’argent afin de progresser et hisser le bébé vers le haut : c’est encore sensiblement plus joli, le travail artistique d’un point de vue esthétique sur les nouveaux lieux est à saluer, plus de cut-scenes (dont le nombre profitant de doublages a encore augmenté), plus de soin à la mise en scène (qu’elle soit via des cut-scenes purement narratives, une volonté certaine d’ajouter de la profondeur aux protagonistes en les rendant sensiblement moins figés et guindés ou même le déroulé des donjons et autres combats de boss, ou encore), toujours plus d’idées de variétés de mécaniques de gameplay, toujours autant de bon goût dans le le fan-service, des musiques encore et toujours au top… Bref, au sein de l’équipe de Final Fantasy XIV, lorsque la réussite leur tombe dessus, ça ne se contente pas de se reposer sur ses lauriers, ça continue de bosser dur afin de proposer encore et toujours mieux et abouti. Et l’on sent pertinemment, que ce soit en jouant ou même en observant toute la communication autour du jeu, que la motivation n’est pas uniquement de faire plaisir aux joueurs mais également qu’ils se fassent plaisir également. Indubitablement, depuis sa remise en rail avec A Realm Reborn, on sent qu’il s’agit au fond d’un opus développé par des fans de Final Fantasy pour les fans.

Petit point scénario tout d’abord, aussi rapide que non exhaustif. A peine notre héros met fin à la Guerre Millénaire entre les Dragons et le Royaume D’Ishgard tout en parvenant à retrouver et réunir quasiment tous ses compagnons des Héritiers de la Septième Aube que l’on se retrouve de nouveau pris à parti afin de fouler les terres d’Ala Mhigo, un royaume voisin occupé par le machiavélique Empire de Garlemald depuis des années. L’idée est de prendre contact avec les mouvements de résistance locaux, de les soutenir et les renforcer d’une manière ou d’une autre afin de parvenir à libérer le territoire avec l’aide de nos alliés d’Eorzéa. Une quête nous menant de fil en aiguille vers une autre contrée plus éloignée en extrême Orient, Doma, occupée par l’Empire également, où l’on devra également prêter main-forte à la Révolution de ses habitants d’origine, bafoués et opprimés par ce dernier. Avec une telle mise en situation, vous vous douterez bien que cette nouvelle intrigue tourne principalement autour d’enjeux politiques, à l’instar de Final Fantasy XII. C’est ce qui explique en partie pourquoi cette deuxième extension est finalement moins restée dans les mémoires. Le rythme narratif est également assez différent : si Heavensward jouait pas mal sur un modèle de montagnes russes en terme d’intensité, Stormblood joue davantage sur un crescendo qui, certes, monte, mais pas de manière aussi franche et marquée. Il n’y a donc pas ici réellement de pic qui nous laissera une trace aussi indélébile et nostalgique dans notre cœur de joueur comme beaucoup ont pu le ressentir à divers moments de l’extension précédente. Malgré tout, on reconnaîtra dans ce parti-pris qu’il s’agit d’une habile manière de corriger ce qui faisait défaut à celle-ci : le début de Stormblood n’est pas forcément aussi mou du genou et parvient dès les premières quêtes à attirer l’attention et la curiosité du joueur, en n’oubliant pas de laisser des petites croustillades palpitantes d’entrée de jeu. Quand bien même les ficelles shônen ne sont clairement pas loin : l’antagoniste principal est méchant (vraiment très méchant), et quand bien même nous avons gagné en puissance et popularité, cela ne lui empêche pas de nous laminer misérablement. La carotte est classique mais au moins a-t-elle le mérite d’être efficace pour attirer l’attention du joueur, désireux de lui rendre la monnaie de sa pièce, en plus de déloger l’Empire de ces deux contrées où l’on ne cesse de le voir agir en cruel despote auprès des autochtones, sans que l’on ne puisse forcément agir pour diverses raisons. Si le ton de Final Fantasy XIV ne s’est jamais inscrit dans celui des Bisounours, il faut admettre que Stormblood va plus loin dans ses scènes aux situations dures, prémisse à Shadowbringers qui enfonce d’autant plus le clou de ce côté-là, jusqu’à carrément outrepasser certains « codes intrinsèques » propres à Final Fantasy.

Par-delà du fait que l’on préfère miser sur un propos politique qui ne parlera pas forcément à tout le monde, son autre grosse caractéristique ne ralliera pas forcément une majorité non plus. Stormblood, c’est l’invitation au voyage, aussi exotique dans ses paysages que par ses ambiances musicales. Bref, ayant toujours été très portée par les découvertes de lieu et exploration, autant dire que j’étais la cible idéale qui ne manquait pas de s’émerveiller à chaque nouvelle zone et sa musique liée, avec le bon choc des socio-culturel qui va bien. D’autant plus que la manière dont est narrée l’histoire ne manque pas de bien mettre en valeur nos différentes arrivées et découvertes de nouveaux pans de territoires, le royaume d’Ala Mhigo prenant inspiration entre cultures hindoue et tibétaine et celui de Doma s’inscrivant davantage dans les cultures chinoises/japonaises traditionnelles. Clairement, il y a quelque chose de magique en terme de satisfaction contemplative de fouler pour la première fois la nouvelle capitale de Kugane, très Japon féodal pro-samourai dans l’âme ou de découvrir les vastes étendues sauvages des Steppes d’Azim, entre inspiration mongole et clin d’œil à la Plaine Félicité de Final Fantasy X.

En parlant de fan-service, Final Fantasy XIV a toujours été très généreux de ce point de vue-là. C’est plus ou moins à partir de cette extension que Square Enix s’est rendue compte que le jeu peut représenter un bon support promotionnel. C’est ainsi que l’on peut se resituer un peu ce qui a bien pu faire l’actualité et/ou sortir à certains moments précis vis-à-vis de certains détails. On aurait pu craindre le pire de la manœuvre qui aurait pu être bassement mercantile et sans intérêt mais c’était sans compter sur l’habileté de l’équipe de développement, encore et toujours pétrie de tout plein de bonnes intentions. En terme d’idées et de résultat de contenu, on est loin de la vulgaire vitrine publicitaire gênante. Au contraire, ça peut autant être du clin d’œil qui ne pourra que faire plaisir au fan, comme le fait d’avoir inclus le fameux boss Scorpion (avec quelques capacités communes de ce qu’on lui connaît) de Final Fantasy VII au sein d’un donjon, signe que l’on marquait le coup de la sortie remastered de Final Fantasy VII sur PS4 et Xbox One en plus d’avoir le Remake qui commençait d’autant plus à se dévoiler et se concrétiser. Mais, cela peut être du contenu d’autant plus substantiel comme la grosse série de quêtes en raid 24 autour d’Ivalice où l’on explore certains lieux emblématiques de Final Fantasy XII comme Rabanastre, le Phare de Ridorana ou encore le Monastère d’Orbonne (issu de Final Fantasy Tactics, histoire d’aller plus loin dans les références). Des raids aussi intéressants que corsés dans les mécaniques des boss (avec sa petite sélection emblématique comme Ultima ou Yiazmat) avec une véritable intrigue secondaire elle également soignée et porteuse de clins d’œil qui sauront caresser le fan dans le sens du poil, entremêlant habilement contextes et protagonistes de Final Fantasy XII et Final Fantasy Tactics (premier du nom). Bref, du gros contenu bien fait et généreux mais qui n’est en réalité pas là totalement par hasard puisque la période correspond à la sortie du remaster The Zodiac Age de Final Fantasy XII sur PS4. Il est à noter qu’en terme de contenu annexe incluant d’autres univers, c’est aussi durant l’ère Stormblood qu’est intervenu la petite série de quêtes crossover avec Final Fantasy XV (une se passant dans ce dernier et l’autre, malheureusement disponible de façon ponctuelle et donc plus disponible actuellement, au sein de Final Fantasy XIV) et, plus surprenant, une autre sortant carrément du cadre Square Enix en incluant Monster Hunter.

Niveau des boss, là aussi c’est une grosse force de Stormblood tant c’est vraiment l’extension qui a fait prendre un tout nouvel essor au gameplay. Déjà, les défis (bien souvent des combats one-shots contre de grosses divinités) ont considérablement gagné dans leur mise en scène, avec des successions de phases et d’ambiances sonores épiques et jouissives au possible (ce combat entre spiritualité typiquement samourai et epicness contre Susano !). On sent également que ça s’est considérablement lâché dans la réflexion de mécaniques de patterns (on peut notamment trouver des idées issues de bullets hell ou de jeux de rythme dans certains combats) toujours plus élaborées, variées et bien pensées, ne rendant les affrontements que plus intéressants et excitants à mener, que ce soit dans la découverte sous une forme basique de l’affrontement que dans les contenus HL proposant des versions alternatives de ces mêmes combats plus complets, difficiles et exigeants. Et mine de rien, si l’on ne se rend pas forcément compte de toute l’ampleur de ce simple point lorsque l’on découvre l’extension, la tête dans le guidon, on finit d’autant plus par se prendre la malheureuse contrepartie par la suite, si l’on se retrouve à refaire des donjons, défis et raids plus vieux issus de A Realm Reborn et Heavensward, qui paraîtront quelque peu fadasses et vieillots en comparaison (à plus forte raison si notre personnage est surboosté en terme d’équipement, ramenant pas mal la stratégie à bourrer bêtement sans trop se prendre le tête). Outre tout ça, Stormblood comme chaque nouvelle extension a amené ses quelques petites nouveautés avec deux nouvelles classes (mage rouge et samourai) et la possibilité de nager et plonger sous l’eau – amenant par le même temps quelques pérégrinations sous-marines au cours de l’histoire afin de varier d’autant plus les plaisirs.

En bref, si l’on devait interroger plein de joueurs sur leurs moments et extensions qui leur tiennent à cœur, nul doute que Stormblood reviendrait (un peu trop) rarement. D’une certaine manière, cela peut se comprendre : l’orientation narrative et rythme ont clairement été changés par rapport à Heavensward. Ce qui ne donne pas forcément un résultat moins bien en terme d’histoire, c’est surtout clairement différent. Le récit de Stormblood a tout plein de qualités, avec son lot de protagonistes attachants, mais cela intervient pleinement dans le cadre de la stricte découverte et non sur le fait de laisser une empreinte indélébile qui nous suivra à posteriori comme ça a été le cas pour divers moments de l’extension précédente. En revanche, là où l’on ne pourra pas blâmer Stormblood et l’on ne s’en rend pleinement compte qu’avec un peu de recul, c’est que toutes les améliorations que cette seconde extension a amené en terme de mécaniques de gameplay, de mises en scène (que ce soit pour les cut-scenes narratives ou de combat) et de richesses artistiques en terme d’environnements et design amènent indirectement un tout nouveau standard, rendant les contenus plus anciens finalement assez caduques et vieillots. Et puis après est sorti Shadowbringers, encore l’extension en cours, qui a fini de balayer Stormblood au rang de « l’injustement oublié des cœurs », une troisième extension qui, clairement, hisse Final Fantasy XIV a un tout autre niveau et ce, sur tous les aspects. Mais ça, on y reviendra une prochaine fois.