Projet étudiant devenu jeu à part entière suite à une modeste mais concluante campagne de financement participatif, Risk of Rain s’est hissé comme une des meilleures surprises de 2013, avec son curieux gameplay mine de rien particulièrement fin, exigeant et inventif, malgré le chaos général affiché à l’écran. Succès d’estime mérité, Hopoo Games ne considéra pourtant pas de se mettre immédiatement au travail sur une suite directe, se focalisant plutôt sur le très bon Deadbolt, jeu d’infiltration au rythme bien moins effréné. C’est en 2017 que le nouvel opus fût annoncé, après déjà six mois de développement en secret et quelques tâtonnements, avec davantage d’ambitions affichées : la formule resterait la même, profiterait de quelques ajustements, mais c’est surtout sur le plan graphique que cela surprend : cet opus sera en effet en trois dimensions, là où le premier épisode passait par un moteur « rétro 2D » du plus bel effet, mais limité artistiquement, aux dires de ses créateurs. Un changement de scope assez énorme mine de rien, tant côté travail et sur l’influence que cela pourrait avoir sur le gameplay, avec qui plus est l’arrivée de Gearbox Software dans l’arène, via sa branche édition, qui va s’occuper de la publication du titre sur les supports hors PC. Pas de pression donc. Les carnets de développeur et des différentes mises à jour durant son accès anticipé n’augurent cependant que de bons et rassurants retours. Sa sortie courant août 2020, puis la centaine d’heures de jeu personnelles résument le résume assez facilement l’appréciation de ce nouvel épisode : c’est toujours Risk of Rain, mais en deux fois mieux, et c’est toujours incroyablement génial.
Décidément. C’est une fois encore la mouise dans les confins de l’espace. Nous voilà à nouveau les derniers survivants du crash d’un vaisseau interstellaire transportant passagers et marchandises, catapultés comme des fétus de paille dans notre capsule de survie sur une planète hostile où ne vivent que monstres agressifs et autres joyeusetés environnementales. L’objectif de nos survivants est prévisible : fuir ce bourbier, le plus expressément possible, et limiter l’exploration au minimum, vu l’hostilité ambiante. On est pas dans Alien Convenant à faire les mêmes stupides erreurs. A l’instar du premier épisode, Risk of Rain 2 ne propose pas le scénario le plus poussé du monde, vu qu’il se résume, en apparence, à un rapide dialogue accompagnant la cinématique d’introduction. Durant le jeu en lui-même, pas plus de discours alambiqués à la simple vue des combats qui nous attendent. En revanche, le titre sait parfaitement – et mieux – distiller son lore, très influencé par la science-fiction et l’espace, au travers différents logs associés aux objets, ennemis ainsi qu’aux mondes que nous allons parcourir, et ce de manière bien plus étoffée que dans l’opus précédent. On est loin d’un contenu parfois déconstruit et cryptique à la FromSoftware, mais l’intention de construire un univers plus cohérent autour de cette planète est bien là et très bien intégrée, sans pour autant nous noyer d’informations ou simplement nous obliger à les connaître. C’est d’ailleurs plus sur le terrain que la planète que cette dernière relèvera, au gré des parties, ses nombreux secrets.
Et les parties, il va y en avoir. Beaucoup. Énormément. Le socle qui avait fait l’intérêt et le succès de Risk of Rain est ici repris à la lettre près mais, évolutions attendues obligent, se voit quelque peu ajustée, pour le meilleur et surtout pour le meilleur. Mais reprenons les bases : nous avons ici un titre dans la veine directe du « rogue-lite », avec le piochage de pas mal de subtilités et particularités du jeu de rôle. Après le choix de sa classe, le déroulement ne change pas : on est lâché au travers d’une poignée de niveaux avec pour objectif final de s’échapper de cette fichue planète en un seul morceau. Rogue oblige, on démarre chaque run au niveau 1, sans aucun équipement, avec les capacités de base offertes par son personnage. Bien entendu, une fin tragique résultera sur la perte de TOUT ce qui a été accumulé jusqu’alors. Pour chaque monde à explorer, il faudra y trouver un téléporteur planqué quelque part, l’activer, combattre le boss et passer au suivant. En attendant, il sera nécessaire d’affronter des hordes d’ennemis qui apparaissent régulièrement et indéfiniment, gage de points d’expériences et d’argent à dépenser avec parcimonie pour différents types objets utiles à la progression. Les dits objets, plus ou moins rares, vont des armes complémentaires aux boosts de statistiques en passant par du pur soutien, sont cumulables, et il sera donc vivement conseillé, en plus de bien les connaître, d’en privilégier certains afin de se constituer un build de qualité. Mais cette science et ses subtilités seront fort longues à maîtriser et à peaufiner.
Rien de bien transcendant jusque là mais c’était sans compter sur le facteur temps qui vient s’emmêler. Si au passage au monde suivant, le niveau des monstres augmente, les minutes qui passent viendront exponentiellement catapulter la difficulté par paliers en balançant plus d’ennemis aux pouvoirs complémentaires à la tronche. Si l’idée de flâner quelques minutes pour grappiller quelques points d’expérience supplémentaires est tout à fait envisageable, il ne faudra cependant pas abuser au risque de se manger une cuisante défaite lors des premiers pas dans le monde d’après. Grossièrement, le générique de fin peut être vu en environ soixante minutes heure de jeu, mais celui-ci ne sera finalement visible qu’après une bonne vingtaine d’heures, au minimum, à mine de rien, pas mal galérer. Loin d’être sympathique, Risk of Rain 2 sera toujours nous rappeler qui est le patron, à savoir lui et lui seul, et le montrera sans pitié aucune, avec livraison expresse et parfois abusée d’ennemis de plus en plus nombreux et de plus en plus forts. Le titre est un éternel défi. Et on va mourir, inexorablement, mais c’est un mal bien nécessaire. Et le pire, c’est ce que l’on y retourne, toujours et encore ! Étrangement, le jeu se veut très exigeant, mais étonnement, très addictif. Il faut dire que le rythme soutenu de l’action, le visuel parfois un peu bordélique et toujours coloré, fait pas mal monter l’adrénaline lors des combats. Puis le simple fait de pouvoir recommencer rapidement une partie après une défaite pour se dépasser et progresser encore plus loin dans les niveaux, aide énormément. Par contre, nul doute qu’au bout d’un moment, et des centaines de morts pour tard, cela pourra devenir un peu redondant, voire ennuyeux, pour beaucoup de personnes.
La recette, en tout point efficace, reste la même, mais ce second épisode apporte pas mal de nouveautés. La plus évidente réside dans le fait que cet épisode passe à la troisième dimension. Outre les changements inhérents aux contrôles et au branchement de la visée à la caméra, ceci offre – littéralement – plus de profondeur quant à l’estimation des positions ennemis ainsi que de tout élément digne d’intérêt, mais en conséquence, d’en profiter pour cacher tout autant d’autres. La lisibilité s’en voit mine de rien améliorée, et le basculement est vraiment réussi. On note ensuite quelques changements dans les classes, avec quelques personnages remplacés par de nouveaux venus pour autant de choix – à distance, corps à corps, tanks, magiciens, soutien – auxquels viendront s’ajouter de piocher entre différentes capacités une fois celles-ci obtenues. Le jeu regorge également de davantage de défis et autres secrets nécessaires pour le déblocage de nouvelles classes, techniques, armes et équipements, déblocage qui sera régi par l’exploration assidue des environnements, la résolution de quelques énigmes, en plus de nombreux challenges visant à réaliser tel ou tel objectif. Genre une centaine, au bas mot. Les artefacts, qui permettent d’altérer certains éléments du gameplay, font aussi leur retour, avec un nombre décuplé d’options. On notera l’apparition de mystérieuses pièces lunaires, dont l’utilisation… Hum… Sera aux risques et périls de chacun. Et c’est bien là que réside toute la marge de progression dans ce roguelike : obtenir de nouvelles aides et les utiliser avec justesse et discernement décuple les chances de survie dans ce monde hostile, et pourquoi pas, de quitter cette planète. Et à la vue de tout ce qui est offert, on pourrait s’attendre que le titre soit au final trop facile, mais il n’en est rien : c’est juste moins… Violent. Mais étonnement, incroyablement équilibré, que cela soit en solo, où la classique aventure sera accompagnée du mode Eclipse qui viendra rendre le jeu encore plus impossible, et les challenges prismatiques, qui proposent un défi temporaire à relever, ou dans le domaine où Risk of Rain 2 brille de milles feux : le multijoueur en coopératif, qui réserve de gros moments de tension, car pas question ici d’alléger la difficulté, bien au contraire… Plus l’équipe est importante, plus cela sera compliqué, avec pour seul salut que toute personne qui a trépassé durant un niveau sera ressuscitée à celui d’après.
Toute cette belle action frénétique et cette alchimie seraient quelque peu vaines si artistiquement et techniquement, cela péchait quelque part. Fort heureusement, c’est loin d’être le cas. On repart sur la même direction artistique que le premier épisode, avec un bestiaire augmenté et propulsé ici en trois dimensions, avec un chouette moteur qui tient fort bien la route même lorsque l’écran est inondé d’ennemis et d’explosions. Enfin, sur PC en tout cas. Les environnements sont immenses et bien détaillés, à défaut de ne pas être assez nombreux. Côté emballage sonore, le compositeur Chris Christodoulou, déjà entendu dans Risk of Rain, rempile ici avec des compositions encore plus poussées, et pour le coup, qui font pas mal de références à d’autres jeux ou musiques plus conventionnelles. Ce travail d’orfèvre est globalement à saluer, d’autant plus que le développeur Hopoo Games continue régulièrement d’apporter des corrections et moult mises à jour depuis la sortie du jeu en été 2020, avec une feuille de route exprimée dès l’accès anticipé et pour le moment assurée avec brio, avec fin mars 2021 une énorme mise à jour gratuite, offrant notamment une nouvelle classe, une refonte du dernier niveau, et de nouveaux challenges. De quoi repartir au combat pendant quelques heures, en attendant l’arrivée du premier DLC payant, avec encore plus de contenu à se mettre sous la dent, prévu en fin de la même année.