Mine de rien, la Saturn aura accueilli bon nombre de bons jeux ainsi que d’excellentes d’exclusivités qui auront eu parfois la chance d’atterrir aux États-Unis et en Europe avec malheureusement, à plusieurs reprises, des tirages tellement limités qu’ils ne font aujourd’hui le bonheur que de vendeurs peu scrupuleux. Et puis il y a Virtual Hydlide. Un titre lui aussi unique au support, pas spécialement rare et dont la réputation parmi les internets n’est plus à faire tant il suscite incompréhension, rires, dégoût et multiples vues sur YouTube. Pourtant, à bien y regarder, il y a bien pire sur ce support. Il y a bien meilleur, c’est absolument certain, surtout parmi les jeux japonais qui auraient pu être édités à sa place par Sega ou Atlus qui se sont occupés de l’édition hors du Japon. Mais si l’on s’en réfère au calendrier grégorien, la console était tout juste sortie, et il fallait bien l’alimenter de galettes numériques, quitte à un peu mentir sur la marchandise. Cette nouvelle mouture de la plus ou moins populaire série de A-RPGs développée par T&E Soft, qui sent bon les années 2000 par son nom en plus d’être un clin d’oeil non dissimulé à la console en rouge et noir de Nintendo (dont le studio aura d’ailleurs signé trois des vingt-deux jeux de celui-ci), n’est en fait pas une suite mais un remake du tout premier Hydlide, sorti en 1984 sur ordinateurs NEC, qui s’incrustait dans la seconde vague du genre au Japon après le ras de marée Dragon Slayer et sa suite Xanadu, tous deux issus de l’écurie Nihon Falcom. Si l’idée de réinterpréter un jeu vieux de vingt années était intéressante, qu’en est-il aujourd’hui ? Finalement, tout comme à sa sortie en 1995 : une fascinante monstruosité.
L’introduction du jeu, qui présente très brièvement l’histoire, ne tente pas de balancer,du rêve bien au contraire : on assiste à une cinématique bien sommaire et pixelisée, avec un mélange de prises de vues réelles pas crédibles et d’effets spéciaux dégueulasses, où l’on peut apercevoir, après un travelling très forestier, la princesse Lina, dont l’apparence a été librement piquée à un quelconque Disney, courir dans son château avant d’être littéralement décomposée en trois fées afin d’être sauvée de Varalys, le terrible méchant du jeu. OK… Et à c’est à nous, joueurs ou joueuses que nous sommes, de retrouver ces créatures volantes pour rendre à la princesse son corps d’origine, on s’en doute. Dans ce sens, on incarne Jim, un héros qui se paye le luxe d’être un des moins charismatiques de tous les temps. Nous n’irons pas plus loin en ce qui concerne ce sublime scénario puisque nous avons son résumé qui tient en une phrase : parcourir des donjons, chercher de l’équipement, butter des boss, terrasser le malfaisant démon et délivrer la princesse de son « maléfice ». Mais tout cela… Plus ou moins aléatoirement. Une des principales originalités de Virtual Hydlide résidait en effet dans sa génération aléatoire d’univers à chaque nouvelle partie. Un concept aujourd’hui particulièrement généralisé grâce par exemple à Minecraft pour n’en citer, mais en 1995, c’était clairement un argument de vente, surtout un titre qui se vantait d’être en 3D, comme nous verrons juste après. Mais pas vraiment de quoi faire trembler Chunsoft, qui sortit en décembre de la même année le premier Shiren the Wanderer… Sur Super Famicom. Pour Virtual Hydlide, son overworld et sa poignée de donjons, les cartes ont déjà été conçues par les développeurs, et le jeu s’occupera de mélanger tout ça via la génération d’une chaîne de caractères. Si le côté aléatoire est quelque peu factice, mais offrira tout de même un bon million de possibilités, avec donc une expérience différente à chaque fois. Les gens imaginatifs ou salaces pourront par ailleurs créer leur monde à partir d’une phrase clef de leur choix, histoire de personnaliser leur plongée dans cet enfer.
Et là, c’est la baffe. La baffe graphique. Certes, nous étions aux balbutiements de la 3D et la Saturn, sur laquelle il n’était pas spécialement facile de développer, était juste sortie, mais tout de même… Virtual Hydlide aborde un style visuel très particulier, composée grossièrement de sprites 2D à la Mortal Kombat placardés sur une surface et entre des murs qui sont eux bien en trois dimensions. En résulte tout ce qu’on peut attendre de ce procédé : de près comme de loin, le rendu n’est qu’une bouillie de pixels souvent illisible qui, en l’absence de vues présentant différents angles, fera toujours face à la caméra, même quand celle-ci bouge. Puis de manière générale, cet aspect “photoréaliste” ne donne vraiment pas bien, avec ces couleurs pâles et une modélisation des plus sommaires. Et le pire c’est quand tout ça bouge. Enfin, si l’on peut appeler ça bouger. Virtual Hydlide doit être un des seuls jeux sortis officiellement, avec une diffusion massive, probablement une campagne de pub, des éditeurs et tout le bazar, à tourner AU MAXIMUM à dix images par seconde. Et à l’époque, il n’était pas question de patcher ça, c’était définitif. Et il ne faudra pas avoir espoir que ça rame moins dans les donjons où c’est souvent bien pire, le framerate descendant encore plus sans raison. Le volcan, avec sa visibilité de cinq mètres, en est probablement le meilleur exemple. Le plus génial dans tout ça c’est que T&E Soft, Sega et Atlus ont jugé ça parfaitement acceptable et ont pressé la galette comme si rien n’était alors que cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Et le plus culotté est d’avoir vendu ce moteur révolutionnaire sur la boite du jeu avec, je cite, “une 3D super réaliste”.
Bon… C’est définitivement mal parti pour le BGE, mais qu’en est-il du gameplay ? C’est encore raté. Raide au possible. On part et on reste sur une base très rudimentaire d’action-RPG, avec gestion de l’équipement, exploration de mappemonde et de donjons, des trésors à découvrir, un boss à la fin en de niveau, et un objet ou une fée pour aller au prochain. Notre héros dispose d’une épée, un bouclier, et la parfois la possibilité de pouvoir utiliser de la magie selon ce que l’on porte. Petite particularité par rapport au genre cependant : même si nous sommes en présence d’un jeu de rôle, nous ne gagnons pas de points d’expérience. La montée de niveau est réalisée après avoir battu le boss du donjon et portera principalement sur les HP, les armes et armures s’occupant du reste des statistiques. On récupère bien des points, mais ceux-ci représentent l’or servant à l’achat de différents objets dans une boutique disposée aléatoirement dans le monde extérieur, mais aussi au score général pour remplir le tableau en fin de partie. Autrement dire que peu de personnes tiendront compte de ce second point. Mais pas d’inquiétudes : vu la gueule du jeu, ses perspectives immondes, ses soucis de collisions, et ses saccades constantes, la seule difficulté pour la maîtrise totale de ce gameplay fichtrement basique sera d’arriver à se placer correctement devant un ennemi pour parvenir à le frapper comme il faut. Et ça loupe pas mal, vu que les hitbox sont complètement pétées. On peut aussi ajouter que bon nombre d’objets récupérés doivent être analysés avant d’être utilisés sous peine de voir son superbe équipement transformé en une vulgaire herbe dont l’utilité restera à déterminer.
Mais alors… Toutes ces lignes pour dire que nous sommes bien en présence d’un jeu tout moisi ? C’est une question de point de vue, en fait. En effet, à l’instar du le cinéma, il est possible qu’une « oeuvre » soit médiocre voir très mauvaise, mais tellement assumée et réalisée avec un tel niveau de naïveté et de sérieux qu’elle en devient hilarante. Cela peut être le cas pour Virtual Hydlide, même si cela dépend de l’indulgence du spectateur qui pourra le considérer comme un nanar à l’ambiance peu ordinaire ou simplement comme une bonne grosse bouse. Votre serviteur, en toute subjectivité, ira dans le premier sens. Il est difficile d’exprimer le pourquoi du comment, mais cette combinaison de jeu moche au possible qui rame constamment, de héros au charisme de moule, à la démarche enjouée mais crétine et aux armures particulièrement immondes, de boss qui débitent un charabia incompréhensible avec des patterns de combat complètement prévisibles… Puis tous ces choix graphiques ou de gameplay… C’est juste fascinant. En plus, pour sa défense, contrairement à beaucoup d’autres titres proposant la même qualité et disponible bien après la sortie de la console, Virtual Hydlide n’est pas un jeu vraiment éprouvant : en mode normal, un radar nous indiquera exactement où la prochaine destination se situe, que se soit sur la mappemonde ou dans un donjon. Pour les plus flemmards, en facile les cartes seront en plus totalement dévoilées. Pour le niveau de difficulté maximal par contre, rien de tout ça, bien évidemment. Ensuite, l’IA est d’une telle bêtise qu’elle sera facilement évitable, chose qu’on fera très rapidement vu qu’elle ne donne pas d’expérience et pas vraiment de loot intéressant. Enfin, c’était sans compter sur la possibilité de sauvegarder sa partie n’importe quand pour la reprendre exactement au même point, mais aussi et surtout sur sa durée vie absolument pas artificielle, que le titre de T&E Soft pourra être torché en environ cinq heures. La récompense ? Le même mix que pour le générique du début, avec un message de félicitations des plus… sobres.