Icarus

Man vs. Why

Genre
Survie
Développeur
RocketWerkz
Éditeur
RocketWerkz
Année de sortie
2021

Chaque année voit débarquer son nouveau lot de jeux de survie, et 2021 n’aura pas dérogé à la règle, avec notamment la sortie remarquée de Valheim et son univers inspiré par la culture viking ainsi que, dans une certaine mesure, d’un certain Icarus, objet du présent article. Derrière ce titre qui n’a rien à voir avec une célèbre série de Nintendo se cache RocketWerkz, un studio néo-zélandais fondé par Dean Hall, à qui l’on doit le très populaire DayZ. Lui-même et son équipe se sont donnés pour mission de proposer une fois encore une approche réaliste au genre, que cela soit par rapport à son gameplay et, à la vue des premières images, concernant sa partie visuelle. Garanti sans aucun zombie. Disponible en accès anticipé courant mars 2021, le jeu aura vu sa première itération complètement finalisée durant le mois de décembre de la même année, pour un résultat, quelques semaines et patchs plus tard, encore bien mitigé, comme nous allons le voir.

Retour à l’instinct primaire

Icarus, c’est une planète située aux confins de l’espace, créée de toutes pièces par l’Homme avec sans doute l’aide d’énormes moyens techniques, et ce en vue de d’accueillir une future colonie d’humains. Manque de pot, la terraformation a quelque peu raté et le caillou est à l’état actuel des choses tout simplement inhabitable : air pas vraiment respirable, faune agressive, et conditions météorologiques assez imprévisibles. Ce cafouillage a cependant permis l’apparition de nouvelles matières inconnues jusqu’alors, très rares donc prometteuses financièrement et scientifiquement, appelées « exotismes », qui ne demandent maintenant qu’à être récoltées. C’est ainsi que nous intervenons, prospecteurs motivés bossant pour de gros conglomérats, envoyés sur Icarus pour diverses missions évidemment payées une misère surtout l’on s’attarde un instant sur les nombreux dangers qui vont nous attendre.

Ces missions commencent systématiquement de la même façon : on est largué à endroits spécifiques d’Icarus au moyen d’un vaisseau spatial (seul ticket de retour) avec, du moins au début, aucun équipement. Il faudra donc très vite récupérer les ressources nécessaires afin de se fabriquer de quoi bosser sommairement à base de bâtons, fibres végétales et pierres, puis se bricoler un abri de fortune, et enfin de quoi se réchauffer et dormir. Dès lors, on pourra sereinement attaquer les objectifs de la mission, en gardant en tête l’inhospitalité importante de la planète. Quelques données vitales seront en conséquence à surveiller pour ne pas mourir dans d’atroces souffrances, avec notamment l’oxygène, la santé, la faim, la soif et la température corporelle. Chaque action relatives par exemple à la cueillette, la chasse ou au minage permet de cumuler de précieux points d’expériences permettant de débloquer des schémas utiles à la réalisation d’une multitude d’objets qui seront d’une grande aide à l’exploration et à la survie (arcs, couteaux, potions, mobilier, établis, éléments de maçonnerie, etc…), ainsi que des points de talent offrant boosts permanents des statistiques de notre personnage. Le travail terminé, on pourra reprendre notre vaisseau et retourner à la station pour y toucher notre maigre salaire, ce dernier pouvant être revalorisé à la hausse avec d’éventuels éléments exotismes ramenés, tous deux servant à l’achat d’outils qui pourront être mis en soute lors d’un prochain voyage, ce qui offre mine de rien un petit coup de pouce non négligeable lors du démarrage d’une nouvelle excursion.

Les premières heures de jeu permettent réellement d’apprécier le socle de gameplay proposé par RocketWerkz, avec un nombre réellement impressionnant de ressources et de différents équipements à fabriquer à partir de celles-ci. Étrangement, si le titre se déroule dans un lointain futur vu que l’humanité maîtrise un tant soit peu la terraformation, les premières armes seront faites de pierres et de bois, avec une évolution par des paliers dignes des passages à l’âge du fer et de la révolution industrielle. Mais qu’importe, pourquoi pas, les entreprises qui nous exploitent étant déjà peu disposées à nous fournir de l’équipement de base, et encore moins à venir nous récupérer si jamais dès que le contrat arrive à expiration. Puis le plaisir de découverte des possibilités et des utilités prodiguées par ces nouveaux objets confectionnés après quelques escapades visant à récupérer tels ou tels ingrédients, est certes un classique inhérent au genre, mais toujours aussi agréable sur le papier. En résulte, pour les personnes les plus motivées, la possibilité de construire d’énormes bases aux formes et mobiliers divers. Un mode « création » en dehors des missions est d’ailleurs prévu spécialement pour ça. A noter que compte tenu du système d’expérience volontairement assez lent, il sera nécessaire de se spécialiser dans un domaine en particulier (chasse, maçonnerie, pharmacie). Ainsi en solo, on essayera d’être un couteau-suisse en prenant un peu de tout pour un jeu équilibré, mais durant les parties en coopération, ici jusqu’à 8 joueurs, chaque prospecteur aura vraiment sa carte à jouer dans ce bourbier si chacun se focalise sur certaines compétences.

Icarus est en effet loin d’être une balade de santé et le fera régulièrement savoir. Au menu : des environnements qui vont de la forêt luxuriante aux localités plus hostiles comme un dessert caniculaire ou un rigoureux arctique glacier où se balade un bestiaire sous OGM plus ou moins agressif avec de nombreux cerfs, loups, hyènes, ou encore ours. Dehors, c’est tout un tas d’événements météorologiques aléatoires qui peuvent ravager en quelques secondes une simple construction en bois et ainsi ruiner de nombreuses heures de labeur. Dans les grottes, c’est d’étranges vers qui se chargeront de nous cracher du poisson au visage. Il y a donc de quoi mourir de toutes les façons, et d’après la liste des modifications et altérations possibles de statistiques, c’est réussi : isolation, hypothermie, fractures, commotions et tout un tas de maladies bactériennes ou parasitaires apporteront régulièrement joie et la panique générale quand elles débarqueront au bon moment, à quelques kilomètres de notre avant-poste. Il faudra notamment y penser à deux fois avant de boire de l’eau de la rivière ou de manger de la viande crue. Et parfois se méfier du feu d’une torche allumée au milieu d’une forêt.

Une approche très réaliste, propulsée à l’écran par un Unreal Engine 4 plutôt bien exploité pour appuyer cela, avec un très chouette travail effectué pour donner vie à la faune et la faune et la flore, que cela soit au niveau des modélisations et de l’animation en général, malgré quelques ratés dans la physique qui pète parfois un câble. Les nombreux effets de lumières et d’ombrages et le choix des couleurs, en particulier durant l’aube et le crépuscule, sont vraiment agréables pour les mirettes. Les moments où la météo s’emballe, notamment durant les orages où la foudre s’abat sur des arbres qui peuvent également s’écrouler suite à un violent coup de vent, sont aussi réussis que flippants, il faut bien l’avouer.

Mais… Il y a des mais. En effet, une poignée d’heures supplémentaires révèlent malheureusement que malgré son socle indéniablement prometteur, Icarus montre certaines limites et, plus rapidement encore, de nombreuses tares.

Anguilles sous roche

On pourra d’abord regretter un manque assez déconcertant de variété dans les missions proposées. Celles-ci, en grossissant à peine le trait, se résument à se rendre aux quatre points de l’immense carte pour récupérer un objet et l’utiliser ailleurs, souvent par trois fois, avec les mêmes ennuis de bêtes sauvages qui se disent que toute technologie doit être détruite. Alors oui, le dit objet et la finalité peut différer un peu, mais cela reste la même chose, qu’il s’agisse de poser un radar ou d’enquêter sur un vaisseau mystérieusement détruit. Les autres contrats consisteront à construire un bâtiment avec une liste spécifique d’équipements, remplir des capsules de vivres et/ou minerais, ou encore d’aller traquer et tuer un animal mutant et pour le coup surpuissant. C’est sympa au début, mais plus très passionnant et particulièrement répétitif au bout de la troisième fois, d’autant plus que ces péripéties peuvent être sacrément longues selon les distances à parcourir à pied et le travail à effectuer pour valider les objectifs.

Puis il faut juste imaginer qu’après un retour à la station, tout ce qui a pu être réalisé au sol est tout simplement… Oublié. En effet, même si tout se passe sur la même planète, chaque mission est indépendante l’une de l’autre, et toute construction réalisée, aussi importante soit-elle, ne sera pas conservée pour réhabilitation au cours d’une prochaine prospection, de même que tout l’équipement fabriqué sur place et qui aurait été mis dans la soute pour le retour. Seuls les objets achetés dans la station et ramenés pourront être utilisés de nouveau. Une idée assez discutable, et ce n’est pas la seule, qui fait grimper artificiellement la durée de vie du jeu vu qu’à chaque nouvelle excursion, il faudra absolument tout refaire de zéro. La patience, elle, descendra irrémédiablement. Dans ce monde non créé de manière procédurale (hormis la disposition des ressources), où nous nous baladons souvent dans les mêmes coins, il aurait été plus appréciable de garder nos réalisations telles quelles, non sans les soumettre à la merci de quelques aléas climatiques peu avant notre arrivée. En parlant de suppression, il est intéressant et important de noter que chaque mission est chronométrée selon un temps réel, variant selon le niveau de difficulté, qui continue de tourner même quand Icarus n’est pas lancé. Si le chrono est dépassé et que notre personnage est toujours sur place, ce dernier ne sera pas ramené automatiquement sur la station, sera considéré comme mort et ne pourra simplement… Jamais être récupéré. Oui, oui, oui. Une interprétation plutôt extrême du permadeath, toujours et encore discutée entre les joueurs et le développeur, si bien que ce dernier a gracieusement ramené à la vie vingt bons milliers de prospecteurs en guise de cadeau de Noël, puis retiré cet aspect des premières missions, et enfin mis à disposition dans le menu principal un bien pratique bouton pour rapatrier son personnage sans avoir à véritablement reprendre sa partie… À condition, tout de même, d’être encore dans les temps.

Une répétitivité certaine donc, doublée en plus d’un équilibrage au niveau de l’artisanat assez aléatoire. En effet, pour la création d’objets avancés, certaines missions les exigeant, il est notamment nécessaire de récupérer des quantités astronomiques de fer et de cuivre, ce qui est à la longue extrêmement fastidieux et très poussif : on passe ainsi des heures à rechercher des grottes où le précieux métal est présent, tout autant à récolter les minerais, avec de bonnes séances d’allers-retours en évitant divers dangers vu que ça pèse une tonne, pour finalement les voir être dilapidés en quelques secondes pour de l’équipement qui ne semble pourtant pas réclamer tant que ça dans la réalité. Fabriquer un thermos pour y stocker du thé réclame presque autant qu’un pistolet ! Et ne parlons pas des munitions ! Logiquement, puis il y aura de joueurs, puis il faudra de matériel. Autant dire qu’on s’amusera pas à boire beaucoup de bière et de chocolat chaud malgré les boosts qu’ils offrent.

Tout cela pourrait être limite acceptable si l’on connaissait la raison de notre véritable présence sur Icarus. La finalité de tout ça. Le but. Pourquoi les entreprises ne font pas leurs repérages eux-mêmes avec des sondes et des drones pilotés de l’espace. Du lore quoi. Sur cet aspect, Icarus n’en a pratiquement pas. Les briefings sont courts et nébuleux, les injonctions et commentaires de « Sol », notre seul point de contact, se répètent et ne sont franchement pas très recherchés. La planète ne comporte – hormis pour deux ou trois missions, et encore c’est ridicule – aucune trace d’autres prospecteurs qui auraient pu trépasser sur place. Pas de restes d’abris, de vaisseaux abîmés, ou de simples journaux de bord. Pas de rébellion, pas de pirates de l’espace. On découvre seulement de nouveaux biomes et que les conglomérats peuvent pas se piffrer entre eux. Nous ne sommes pas obligés d’avoir un scénario et les ambitions narratives d’un Subnautica, mais un minimum de fond, à la manière par exemple de Don’t Starve ou Astroneer, aurait été fortement le bienvenu, histoire d’apporter un peu de liant à cet univers et tout simplement une base de motivation pour explorer cet hostile caillou, surtout durant les passages très à vide dans les déserts et des glaciers polaires. A priori, le développeur souhaite étoffer cela au travers de deux autres chapitres prévus dans un avenir incertain, l’Icarus actuellement disponible (vendu une trentaine d’euros) étant sous-titré « First Cohort ». Cependant, à la vue du contenu proposé, cela ne donne pas spécialement envie de claquer les soixante euros supplémentaires demandés pour le « season-pass++ » disponible sur Steam en parallèle du jeu de base.

On constatera enfin que si l’habillage sonore est très réussi, la technique assez globalement perfectible, avec de nombreux problèmes d’optimisation même avec une machine plutôt puissante, qui résultent sur des saccades et ralentissements réguliers en plus de soucis d’affichage avec des textures qui savent pas vraiment comment s’afficher. En plus des classiques bugs de collision. On rigolera tout de même qu’une tempête augmente étrangement la luminosité durant la nuit, ou encore de l’IA complètement idiote des herbivores , ceux-ci nous fonçant dessus plutôt que de fuir à notre approche, se coinçant très souvent dans les rochers ou entre deux arbres. Leurs prédateurs préféreront d’ailleurs toujours venir nous attaquer plutôt que de chasser le pourtant abondant gibier. Les ours bruns et polaires, qui constituent accessoirement de véritables sacs à PV, ne sont pas absolument concernés par ces bugs, ou disons qu’ils s’en affranchissent complètement, tout comme les lois de la gravité et de la physique en général, pouvant nous détecter à des kilomètres à la ronde, détruire une base entière en deux minutes, nous asséner un coup de griffe à distance et en décalé malgré une esquive plus que parfaite, et surtout, surtout, grimper sur des falaises au dénivelé parfaitement vertical pour venir nous tuer, en toute simplicité, par l’intermédiaire de deux pauvres mais mortelles morsures.

Icarus
Appréciation
Pour résumer, Icarus arrive les bras chargés de belles intentions et de plein potentiel, se prend les pieds dans le tapis, et s’étale de tout son long. Sur le papier, et durant les premières heures de jeu, le titre de RocketWerkz propose une expérience solide, avec un système d'artisanat complet, tout un cas de maux et bienfaits pouvaient impacter en bien ou en mal notre survie, et un visuel plutôt clinquant. Mais après avoir rebâti pour la dixième fois une base et passé les trois quarts des missions à accumuler des ressources pour fabriquer un équipement qui ne pourra au final même pas être réutilisé, on commencera à trouver l'aventure fastidieuse voir poussive, surtout si un ours s’incruste inopinément pour tout ruiner d'un coup de patte. Bien qu'elle soit secondaire pour un titre de ce genre, l'absence d'une véritable ligne narrative n'arrangera l'ensemble qu'en rien. Cependant, avec un développeur pour l'instant très à l'écoute des suggestions et commentaires de la communauté, on espère vraiment et avec intérêt que les patchs hebdomadaires parviendront à corriger un équilibrage pas toujours cohérent et une technique perfectible. Et si le titre a plus de choses à raconter en dehors de ses futurs chapitres, cela ne sera pas de trop ! Reste à voir si dans quelques mois, le courage sera présent pour apprécier le travail accompli depuis la sortie du jeu, auquel cas le présent article sera mis à jour en conséquence.
Points forts
Socle de gameplay solide et complet
Globalement très joli
Très sympa en multijoueur
Points faibles
Missions répétitives et fastidieuses
Équilibrage discutable
Univers au final vide de sens
Techniquement perfectible