Spellforce III Reforced

Eo, Eo, on rentre du boulot !

Genre
RPG
Développeur
Grimlore Games
Editeur
THQ Nordic
Année
2022

La série Spellforce n’était jusqu’alors réellement connue que des joueurs PC. Spellforce III est paru en 2017, pour réapparaître deux ans plus tard, au fil des mises à jour, sous une version Reforged, améliorée, corrigée et disposant de davantage de modes de jeux. En 2022, THQ Nordic et Grimlore Games amènent enfin la licence sur consoles Playstation et Xbox. Mais pas question de brader leur titre, et encore moins d’y inclure les 2 énormes DLC, Soul Harvest et Fallen God. Ils sont disponibles pour une vingtaine d’euros chacun indépendamment du jeu. Ici, nous ne parlerons donc que du jeu de base. Rassurez-vous, c’est déjà un bien gros morceau.

En 2003, Spellforce surprend. Alors que tout le monde PC a les yeux rivés sur les RTS (Warcraft, Starcraft) et les RPG orientés hack and slash (Neverwinter Nights, Diablo II), le jeune studio Phenomic Game tente de concilier les deux genres. La proposition est originale, pas parfaite mais plutôt bien orchestrée. Les critiques sont relativement bonnes, les ventes suivent. Deux extensions et de nombreux prix remportés plus tard  (notamment liés à la qualité de sa bande son et ses scènes cinématiques), Spellforce finit de faire son trou dans le paysage PCiste. Une suite arrivera d’ailleurs un peu plus tard, avec une brouette entière de DLC. Même univers, même hybridation, même qualité sonore, cette suite enfonce le clou. La Deutsche qualität. Electronic Arts rachète Phenomic, pour l’engloutir totalement en 2013. La licence appartenant désormais à l’ogre autrichien THQ Nordic, ce dernier décide de confier le troisième épisode aux allemands de Grimlore Games, jeune studio fondé en 2013 passionné de RTS et de RPG. Ça tombe bien. La vie est bien faite.

Afin de rester dans l’univers d’Eo tout en apportant du sang neuf, Grimlore décide de situer l’histoire un peu plus de 500 ans avant les événements de Spellforce. L’occasion de contenter les fans tout en se donnant un minimum de liberté créative. Pour les fans et les nouveaux venus, comme diraient certains japonais. Le monde est en proie à la guerre entre les humains et les mages, tout aussi humains qu’eux mais capables de faire appel à la magie. Le plus puissant d’entre eux, Isamo Tahar, périra lors d’une gigantesque bataille, après avoir tenté de tuer son propre fils. Ce fils, c’est vous. Désormais caporal dans les armées de la reine, peu de gens vous font confiance. Alors quand vous liquidez plusieurs soldats en pure légitime défense, vous êtes tout de même incarcéré. Heureusement, très vite dehors suite à une alliance improvisée, vous voilà à enquêter, discrètement, sur une pandémie, le Brûlesang, pour le compte d’une secte religieuse désormais, officieusement, à la tête du pays. Bien évidemment, cette quête vous amènera très vite à soupçonner quelque chose de plus grand, reliant à la fois les faits présents mais aussi votre passé et tous les protagonistes rencontrés.

A la fois classique mais passionnante, l’histoire de Spellforce III donne l’impression d’avoir déjà été vécue. Héros devant prouver son innocence, orque intelligent désireux de guider son peuple, elfe aventureuse au lourd passé, nain archéologue à l’étonnant savoir, la Fantasy du jeu ne risque pas de vous surprendre. A l’inverse de certains événements pendant la première vingtaine d’heures de jeu, durant laquelle vous serez réellement en quête de vérités. La deuxième moitié n’apporte plus de grands rouages à l’ouvrage. Et, sans suspense, ce qui l’entraîne un bon cran en-dessous, se reposant essentiellement sur ses batailles façon RTS. Spellforce vous propose en effet deux types de bataille. En RPG, vous parcourez des donjons et affrontez leurs hordes d’ennemis à l’aide du héros et de trois de ses compagnons (à choisir avant de quitter votre repère). Tandis qu’en RTS, il est possible de bâtir des bâtiments et de diriger davantage de troupes, jusqu’à 200 en fin de partie. 

Vous ne choisissez pas le mode : il est imposé lors de la progression de l’histoire. Le jeu alterne intelligemment entre les deux phases, l’histoire vous amenant sans cesse à livrer des batailles “toujours plus grandes”. En RPG, vous indiquez à l’aide d’un curseur l’emplacement où aller : les 4 protagonistes y filent. Si des ennemis apparaissent sur le chemin, à vous d’ordonner l’engagement. Tous frappent de manière automatique, il est toutefois recommandé d’user de magies et compétences, à votre discrétion, afin de réaliser de bien plus gros dégâts. Les barres de magie se rechargent lentement, y compris en combat, tandis que les barres de vie attendront que vous soyez en dehors de tout affrontement. Très vite, grâce au généreux loot, vous devrez équiper vos personnages pour, non seulement modifier leur apparence mais aussi et surtout pour tenir le choc. Les montées de niveau, au gré de l’expérience glanée, permettent de distribuer un point, ponctuellement, dans les quatre caractéristiques. Et, systématiquement, un autre dans l’arbre de compétences. Chaque personnage disposera de 3 branches, et chaque feuille pourra gagner plus niveaux. A vous de choisir quelles techniques privilégier. En fin de partie, une ultime compétence se débloquera, basée sur l’entente avec votre personnage. En gros : avoir suffisamment dialogué avec lui pour qu’il se livre un minimum à vous.

Spellforce III est un RPG très classique. Elle est maintenue au sein de la phase RTS. Cette dernière tente d’amener une surcouche : les 4 protagonistes restent utilisables, de la même façon. Les déplacements sont similaires, toutefois, il vous est possible de les entourer de dizaines de soldats. Humains dans un premier temps, mais plus tard orques ou elfes. Vous disposez d’un camp de base. Il sera nécessaire d’étendre votre territoire en construisant des avant-postes, l’aire de jeu se retrouvant alors découpée en zones à conquérir. Chaque construction requiert des matières premières, trouvables un peu partout sur la “map”. Il faudra cependant construire au préalable les bâtiments permettant de les recueillir. Ainsi que ceux permettant d’amasser de la nourriture, de former vos soldats, d’améliorer vos recrues voire de loger tout le monde. Pour les hommes du moins. Chaque faction dispose de ses propres avantages et contraintes, qui devront être prises en compte avant de livrer les dernières batailles. Il n’est en effet que rarement possible de mixer les factions.

Plutôt bien pensé, et évolutif, le système RTS offre une réelle variété lors des vingt premières heures. Encore une fois, dans la seconde partie, l’absence de nouveauté, la durée de ces phases et les pics de difficulté ont plutôt tendance à lasser, voire décourager. Heureusement, le niveau de difficulté est ajustable dans les options, en pleine partie, si nécessaire. Et même en roulant sur les phases de RPG, en réalisant toutes les quêtes annexes, certains ultimes affrontements se révèlent plutôt ardus, en raison d’une IA particulièrement agressive. Celle-ci progressant beaucoup plus vite que et capable de vous étouffer sur plusieurs flancs. Attention, ne vous méprenez pas, elle reste un peu “bas du front”. Toutefois, elle possède suffisamment de ressources pour vous annihiler de manière inattendue.

Malheureusement, Spellforce III, ayant déjà perdu en intensité dramatique à mi-parcours, perd aussi en intérêt ludique. Les batailles se font plus redondantes, les situations plus convenues. Certaines sont inutilement étirées, comme pour rallonger une durée de vie pourtant tout à fait honorable. Vous enchaînez les batailles, longues et ardues, pour nouer des alliances, et rallier toujours plus de troupes. Encore et encore. Quitte parfois à retourner dans des lieux déjà connus. La quarantaine d’heures vous épuise, la fin devient une libération. Et une formalité en comparaison de certaines confrontations honteusement difficiles traversées précédemment. Même l’inventaire paraît perdu, avec ses innombrables objets amassés, mal triés, au sein d’une interface alliant austérité et lisibilité discutable. A tel point que votre serviteur a préféré traverser tout le jeu sans utiliser de potion, n’utilisant que les parchemins, pour débloquer de nouvelles capacités pour vos unités ou des points de compétences pour les héros. Le loot est tellement puissant que nul besoin d’acheter des équipements en boutique. Vous finirez riches.

En plus de la campagne principale, Burning Blood, Spellforce III Reforced vous invite à parcourir Haalayash, une mini-campagne se déroulant quelques années avant. Mais si suivre une histoire vous fatigue, plusieurs modes de jeu sont disponibles. L’arène vous propose d’affronter, seul ou à plusieurs, des vagues d’adversaires, façon RPG. Le mode Escarmouche fait plutôt appel au mode RTS, vous incitant à participer à de vastes batailles, seul face à des IA, ou en multi, toujours en local ou en ligne. Mais ce n’est pas tout, cette nouvelle version du titre de Grimlore Games amène le mode Voyage. Dans ce dernier, vous devez créer votre propre héros/héroïne, au système de création particulièrement limité. Une fois personnifié(e), à vous n’importe quelle bataille de la campagne solo. Faisant fi de l’histoire et de l’ordre d’apparition des événements, le mode voyage ressemble à un mode libre. Toutefois, votre protagoniste évolue. Evidemment, le « Voyage » peut lui aussi se faire seul ou à plusieurs.

Quelque soit le mode, la maniabilité reste heureusement très praticable. Discutable sur certains aspects (maintenir les deux gâches L/R pour afficher un certain menu, par exemple), elle reste une étonnante surprise pour une version console. Les PCistes rigoleront doucement du haut de leur duo clavier/souris, mais soulignons l’effort réalisé. La seule réelle constance du jeu tient dans sa bande son, pour ainsi dire irréprochable. Tandis que les scènes cinématiques font face à une mise en scène déplorable – personnages rigides, animations manquantes principalement – toute l’aventure baigne dans la somptueuse musique de Bastian Kieslinger, le compositeur de Grimlore Games. Il réussit à maintenir la qualité des précédents épisodes, principaux et DLC, tout en réussissant à se différencier suffisamment. Il donne une signature audio très agréable à Spellforce III, dont certaines pistes épiques accompagnent à merveille des moments cruciaux. Ajoutez à cela un doublage anglais tout juste parfait (mais sous-titres en français), et vous obtenez une bande son irréprochable. Dommage que la localisation française, globalement de qualité, voit tout de même des dialogues non traduits, tout comme certaines descriptions d’objet ou de libellés de quêtes annexes.

Spellforce III Reforced
Appréciation
Spellforce III aurait gagné à durer 25 heures. Grimlore Games a tenu à étendre son histoire sur plus de quarante heures. Le prix à payer est une accumulation de batailles dispensables, des quêtes annexes pas toujours intéressantes et une répétitivité minant le moral. Sans compter une difficulté en dent de scie dans le dernier sprint. Heureusement, visuellement très solide et aux musiques fabuleuses - un plaisir à réécouter même en dehors d’une partie - Spellforce III reste une valeur sûre dans son genre. Il reste toutefois dommage que l’éditeur n’ait pas cru bon d’inclure les deux DLC directement dans le jeu. Ceux-ci amenant de nouvelles factions et des scénarios, plus courts, mais se raccrochant parfaitement à la quête principale. Vous passerez du bon temps sur Spellforce III, n’hésitez pas à lui donner sa chance, d'autant que son impressionnante durée de vie, rallongée par les nombreux modes multijoueurs, saura vous tenir en haleine quelques heures. Attention toutefois à l'excès de batailles, le système pouvant, notamment après la campagne principale, paraître redondant.
Points forts
Une histoire intéressante
Une alternance RPG/RTS agréable
Une bande son excellente
Tout comme le doublage
Une ergonomie globale perfectible mais respectable
De nombreux modes multi
De très jolies scènes en images de synthèse
Points faibles
La deuxième moitié du jeu bien moins inspirée
Des pics de difficulté sur 3-4 batailles inexplicables
Malgré les efforts, l’ergonomie des menus reste à revoir
Parfois un petit manque de personnalité dans la progression
Des cinématiques à la mise en scène déplorable