Rencontre avec Hironobu Sakaguchi

JulienC : Abordons plus profondément le cas de The Last Story. Pour ceux qui ont pu y joué ou vu des choses, on a l’impression que ce n’est qu’une histoire d’amour. Une simple histoire d’amour. Alors qu’en fait le message est beaucoup plus profond que ça. C’est d’ailleurs souvent le cas dans les œuvres de Sakaguchi, il y a plusieurs niveaux de lecture.

M. Sakaguchi : Evidemment, il y a un peu de romance dans cette histoire mais ce n’était vraiment pas le but que je m’étais fixé dans The Last Story. Ce qui était important pour moi, c’était les liens entre les différents mercenaires, les six mercenaires qui vont vivre cette aventure. Et peut-être que pour beaucoup de gens, ce sera un détail mais, pour moi, c’est extrêmement important : les liens que l’on peut créer avec ces personnages se ressentent dans leurs discussions. Par exemple, en cours de jeu, au moment de traverser une grotte, l’un des personnages va par exemple dire « Mais ça sent mauvais ici ! », Zael va dire « Mais moi je ne sens rien » et là, il y a tout de suite quelqu’un qui va lui répondre « Mais t’as oublié de te moucher ce matin ou quoi ? ». Ce sont des détails qui, au bout d’un moment, tissent des liens vraiment forts, des liens qui n’ont peut-être même jamais été utilisés jusque là dans le jeu vidéo. Mon but était de vous faire ressentir cette impression de créer des liens avec six mercenaires. Et à la fin de l’aventure, quand vous l’aurez terminé, vous vous direz, j’ai vraiment traversé une aventure avec six potes.

Les « Iwata demande » sont des interviews menées par le président de Nintendo Japon, Satoru Iwata, de créateurs japonais. Ici en l’occurrence de Hironobu Sakaguchi et Kimihiko Fujisaka. Une interview passionnante que nous vous conseillons fortement de lire.

JulienC : Dans la « Iwata demande » avec M. Sakaguchi, on apprend pas mal de choses intéressantes, et parmi celles-ci, j’ai vu qu’il y avait une anxiété autour de ce projet. Et qu’il avait été pensé de façon à faire quelque chose de différent de ce qui avait été fait par la passé par M.Sakaguchi. Et cela se ressent dans le système de jeu avec beaucoup de subtilités dont par exemple les ordres en temps réel qui ne sont pas, dans ses productions habituelles.

M. Sakaguchi : Oui, j’ai vraiment fait beaucoup d’efforts et de concessions pour créer un nouveau game system. Cela ne nous était pas arrivé depuis Final Fantasy VII, où l’on est passé d’un RPG en 2D à un RPG en 3D. On se posait la question « comment faire un RPG en 3D ? ». C’était une question qu’on se posait réellement à l’époque. On a passé 1 an à faire des recherches pour trouver les bonnes solutions, et c’est devenu depuis lors les RPG en 3D que l’on connait aujourd’hui. On avait notamment travaillé sur des machines de développement comme les Silicon Graphics. Pour The Last Story, j’ai revécu à peu près la même chose : pendant de nombreux mois, plus d’un an, on a créé pas mal de game systems novateurs, et sur tout ce qu’on a programmé et développé, on en a vraiment jeté une grande majorité. On a gardé que ce qui nous semblait le plus intéressant, le plus nouveau, pour un RPG comme ça.

JulienC : Alors du coup, est-ce qu’on peut ne l’appeler que RPG ? Vu qu’il y a du RPG, de l’infiltration, de la tactique, il y a énormément de composantes dans le titre qui font que ce n’est pas juste un JRPG comme on a l’habitude de le dire.

M.Sakaguchi : De toute façon, il faut se dire une chose : cela reste un jeu vidéo. Pour moi, le plus important n’est pas de le cantonner dans une case. Peu importe que ce soit un RPG ou pas, ce n’est pas le but. Nous nous sommes posé la question « Qu’est ce qui va être intéressant ? Quelles idées peuvent rendre le jeu intéressant ? » Effectivement, c’est un peu plus tourné vers le temps réel, mais on n’avait pas besoin de se focaliser sur un type de jeu pour le faire rentrer dans une case. Le plus important pour nous, c’est de faire plaisir aux gens. Ne vous attendez pas à faire un RPG.

JulienC : Pour conclure, j’aurais une dernière question sur l’avenir, la suite. Qu’est-ce qui motive M. Sakaguchi dans le jeu vidéo de nos jours ? Quels projets a-t-il en tête pour le jeu vidéo de demain ?

M.Sakaguchi : En ce moment, je travaille sur des jeux pour les plateformes iOS, ou plutôt pour l’iPhone. Je suis en cours de développement de trois jeux. Vu que je suis un fan de surf, le premier à sortir sera un jeu de surf. Ce qu’il y a de sympa avec cette plateforme, c’est que ça me rappelle l’ambiance qu’il y avait quand je développais le premier Final Fantasy : un développement avec de petites équipes, qui ne demandait pas des années de travail et dont on voyait l’évolution tous les jours. C’est un vrai plaisir de travailler sur ces petites plateformes. Je me fais en ce moment plaisir avec ces petits jeux là et j’espère que vous apprécierez également quand ces jeux sortiront.

JulienC : Merci à M.Sakaguchi pour ces belles réponses.

M.Sakaguchi : Merci. (en français dans le texte)


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  1. Franchement, je tire mon chapeau sur ce compte-rendu. Très intéressant, très complet, très instructif. A se demander pourquoi tous les CR d’events ne se présentent pas sous cet aspect complet et instructif (le décor, buffet et le goût du champagne, ça nous avance vachement quand même).

    Bon, par contre, c’est à se demander ce qu’on peut faire de cette paumée qui a osé poser la question interdite. Faut-il la pourchasser dans la nuit avec les fourches traînant dans les vieilles bicoques de jardin ou la brûler vive ? Pas que le côté remake de FFVII me dérange tant que ça (oh que si en fait) mais autant poser la question à la personne concernée par la chose ^^ »

    1. Oui, j’ai préféré me concentrer sur les dires du monsieur… faute de buffet et de champagne…
      Et heureusement qu’il n’y en avait pas d’ailleurs : moins c’est bling bling, mieux c’est. 🙂

      J’aimerais souligner la réponse de M.Sakaguchi à la dernière question, qui bien que totalement à côté de la plaque, a eu le droit à une réponse extrêmement polie et sérieuse. Certes, il était là pour faire de la promo mais je ne suis pas persuadé que d’autres réalisateurs/directeurs/producteurs auraient tenu pareille réponse. ^^

      1. Ouais, ni champagne, ni petits fours, ni places assises d’ailleurs. C’est pas que c’était organisé avec les pieds, mais on n’en était quand même pas trop loin.

        En tous cas, excellent compte-rendu Vidok. Bon, bien sûr pas vraiment de nouveautés par rapport à ce que j’avais déjà entendu du discours de Sakaguchi, mais un travail très sympa de complément et de documentation pour approfondir le truc, à la manière ce que tu avais fait pour l’interview d’Eric Chahi et de Jehanne Rousseau aux Utopiales. Personnellement, j’aime beaucoup la formule : c’est simple, ça reste fidèle à la rencontre, mais tu apportes une valeur ajoutée.

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