Interview Of Orcs and Men : Sylvain Sechi

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Archaïc : On commence donc dans la peau d’Arkaïl ?

S.S. : Oui, mais cela ne dure pas longtemps. Nous avons conçu le jeu et toutes les briques de gameplay pour qu’elles soient traversées à deux. Le jeu avec Arkaïl sert donc de petit tutorial et d’introduction à l’univers, puis très vite, il est rejoint par Styx le gobelin. Globalement, ils restent ensemble pour toute l’aventure. Il y a bien 2-3 passages où ils se retrouvent séparés – tu vas jouer l’un puis l’autre, ou tu vas jouer l’un pour faire avancer l’autre – mais c’est anecdotique.

Archaïc : Comment se déroule la progression ? On sélectionne un personnage et l’autre suit ?

S.S. : Exactement. Tu sélectionnes un des deux et l’autre te suit. Tu peux à tout moment passer de l’un à l’autre. Quand tu passes en mode furtif avec le gobelin, l’orque va logiquement t’attendre vu que lui n’est pas très furtif… Mais si tu te fais détecter et que le combat s’engage, Arkaïl vient tout de suite à ton aide.

Archaïc : Il doit donc y avoir un système d’ordre, non ?

S.S. : Tout à fait. Je citais Knights of the Old Republic qui était, je pense, l’un des premiers à le faire de manière très explicite. Dans Of Orcs and Men, c’est du temps réel et non du tour par tour comme KOTOR. Ici, tout s’enchaine, tu as un contrôle direct de ton personnage. Quand tu donnes un ordre, ce dernier va se positionner dans une liste d’actions qui se résout assez vite. C’est là où intervient un côté un peu plus action. Tous les coups s’enchainent. Tu peux sélectionner jusqu’à 4 capacités pour chacun de tes personnages, ce qui t’autorise à créer des ordres du style « Lance telle capacité sur ce gars-là, puis va soigner le gobelin, ensuite attrape ce gars-là et balance-le là-bas ». Ton personnage va donc effectuer les actions que tu lui as ordonnées. Nous ne voulions pas partir sur un truc trop tactique ou trop stratégique, tel que c’était le cas sur Game of Thrones, qui était assez posé.

Pour rendre les combats plus dynamiques, nous avons créé un système de postures. Chaque héros possède 2 postures. Par exemple, le gobelin, sa première est « Corps à corps », sa deuxième « Tir à distance ». Tu peux lui dire d’opter pour une et ainsi, quand tu ne le contrôles pas, il applique la posture demandée. Si tu es en mêlée, au milieu d’un gros combat, afin d’éviter que ton gobelin ne souffre, tu le sélectionnes, tu l’éloignes de quelques mètres, tu le mets en « Tir à distance » afin de pouvoir retourner sur Arkaïl pour te concentrer uniquement sur lui. Le gobelin se focalisant sur sa posture en attaquant les ennemis de loin et évitant tout combat. Pareil pour Arkaïl : il a « offensif » et « défensif ». Dans le cas où il y a beaucoup d’adversaires, tu le bascules en défensif – moins de dégâts mais meilleure résistance – et tu te concentres sur le gobelin pour éliminer quelques ennemis très rapidement. C’est un peu moins exigeant que Game of Thrones, en termes de « micro-management » ou stratégie, mais plus pêchu.

Archaïc : Les deux personnages disposent donc d’une Intelligence Artificielle ? Pour reprendre ton exemple, si ton gobelin est posté loin de la mêlée et qu’un ennemi en sort pour l’attaquer, que fait-il ?

S.S. : Là, c’est à toi de réagir avec l’orque. Le jeu gère un système d’agro basique, c’est-à-dire que de base, personne n’attaquera ton gobelin s’il ne l’a pas attaqué au préalable. Si maintenant, avec le gobelin, tu attaques un ennemi qui n’a pas encore subi de dégâts ou qui n’a pas été provoqué par l’orque, en effet, il va rapidement venir l’attaquer. C’est alors à toi d’intervenir avec Arkaïl en donnant un coup à l’humain pour le faire revenir vers lui ou en utilisant une capacité qui provoque. Tu disposes de tout un panel de capacités pour ce genre de situation.

Archaïc : En résumé, le système de combat est en temps réel, avec une action pêchue. Quid des menus ?

S.S. : Petits menus incrustés dans l’écran, très classiques, comme quasiment tous les jeux. Deus Ex, Game of Thrones, ou la plupart des jeux console. Un petit menu radial qui s’affiche et permet de sélectionner tes capacités. Nous avons voulu quelque chose de plus dynamique que dans Game of Thrones. C’est pourquoi nous avons créé une série de raccourcis pour y assigner des capacités. Dans Game of Thrones, sur console, il fallait mettre la pause, sélectionner la capacité, retirer la pause, … C’était plus stratégique mais un peu poussif. Nous avons donc voulu quelque chose de plus dynamique. Tu peux lancer tes capacités directement depuis le pad, mais dans l’esprit RPG.

Archaïc : J’en conclus que les personnages vont gagner de l’expérience…

S.S. : Tout à fait. Chaque personnage gagne de l’expérience, indépendamment l’un de l’autre ; même si cela ne se sent pas réellement vu qu’ils sont la majeure partie du temps ensemble. Chacun gagne autant d’expérience. Par contre, on a bien deux feuilles de personnages totalement indépendantes, au même titre que l’inventaire. Chacun possède ses propres caractéristiques à améliorer avec les points gagnés. A toi de choisir comment les faire progresser.

Archaïc : Avec, j’imagine, un petit arbre de compétences ?

S.S. : Voilà : il y a un petit arbre de compétences… en forme de roue, mais c’est le même principe. Tu y trouves des compétences que tu peux soit débloquer soit améliorer. Tu choisis alors une amélioration parmi les deux disponibles, mais tu ne peux en choisir qu’une seule. A toi de faire un choix. A partir d’un certain niveau, sans vouloir spoiler, tu peux te spécialiser dans une classe, choix parmi deux par personnage. Les héros ont aussi leur propre inventaire : on ne verrait pas Styx le gobelin s’enfiler une armure d’orque, et encore moins l’inverse ! Cela ferait, à l’orque, au mieux, un string… (rires) L’équipement se repose sur différents « slots », les bras, les jambes, le torse, les armes, etc… En plus de cela, les armures et les armes peuvent être améliorées. On a un système de forge, très simple, ce n’est pas non plus du craft, juste de l’amélioration. Comme ce sont des peaux vertes, on utilise un système un peu particulier. Au début du projet, on voulait vraiment un système de troc. Comme je te le disais au début, les peaux vertes sont vraiment très tribaux d’où l’envie de rester proche de leur simplicité. Après pas mal de réflexion et quelques tests, on s’est dit que le système de troc voulu était un peu compliqué à mettre en place. Du coup, on l’a simplifié, tout en gardant l’esprit initial. Il s’agit donc d’un système de faveurs que tu as envers certains personnages, soit en leur fournissant des items que tu possèdes – on reprend alors ici réellement le concept du troc – soit en leur rendant service au travers de quêtes annexes. Selon tes choix et ta progression dans la quête principale, tu peux obtenir des faveurs envers une personne, qui grossièrement t’en devra une. Ainsi quand il aura des objets à échanger, tu pourras lui en réclamer un ou plusieurs en fonction des faveurs que tu as accumulées.

Archaïc : Original !

S.S. : C’est vrai que l’on ne voit pas forcément ce genre de principe partout. Ce n’est pas une énorme règle du jeu, mais c’est l’accumulation de détails de ce genre qui renforce le côté unique d’Of Orcs and Men. Car c’est vraiment important pour nous de créer un univers original. La fantasy est un genre très, très, concurrentiel : il y a déjà un milliard d’univers basés sur la fantasy. C’est vrai qu’on a quand même des orques et des gobelins, des elfes et des nains, mais nous ne nous sommes pas contentés de les reprendre bêtement. Nous avons repris chaque brique de fantasy et nous nous sommes re-posés les questions. Prenons l’exemple des nains : c’est quoi un nain ? Nous sommes restés entre guillemets dans les clichés – j’utilise ce mot car cliché induit aussi convention, tu ne peux pas dire du jour au lendemain que les nains sont des êtres qui vivent dans l’espace, etc… sinon il est préférable de les nommer différemment. Donc nos nains vont vivre sous Terre, mais que signifie « vivre sous Terre ? » ? Ils sont privés de lumière. Etre privé de lumière implique une peau très blanche, presque translucide. Quand tu vis sous Terre, que se passe-t-il ? Il n’y a pas beaucoup de viande, tu seras donc plutôt rachitique. Une approche donc très darwiniste. Et nous nous sommes posé ces questions pour chaque race. Même si Of Orcs and Men aborde le domaine de la fantasy, nous avons fait en sorte de proposer des éléments vraiment rafraîchissants.

Archaïc : Sur quoi vous vous êtes vous basés pour réaliser un rythme de progression correct ? Le problème des RPG est de trouver le bon rythme, entre affrontements, progression, cinématiques, dialogues. Quel a été votre mot d’ordre ? Plus combat ? Plus histoire ?

S.S. : Thomas et moi-même avons pour philosophie que pour jouer à un jeu de rôle, il faut jouer un rôle. Et pour jouer un rôle, tu dois avoir une histoire qui va permettre de t’exprimer dans ce rôle. L’histoire est donc la brique centrale. Dès que tu pars de cette philosophie, tu te rends très vite compte que tu ne peux pas faire un jeu Sandbox, (bac à sable). Pourtant, je suis un joueur de jeux sandbox au travers des Morrowind et autres Oblivion, et j’aime y jouer en tant que joueur, mais en tant que développeur, je suis désireux de privilégier l’histoire. En tant que joueur de Fallout, j’aime créer ma propre histoire, j’aime me raconter ma propre histoire. C’est en parlant à d’autres joueurs jouant aussi à des jeux sandbox que tu réalises que chacun a sa propre histoire. C’est à la fois une force et une faiblesse. Beaucoup de gens ont décroché de Fallout en disant « Je ne vois pas ce qu’il faut faire, je ne comprends rien, il n’y a pas d’histoire, il faut que je récupère une puce d’eau, c’est quoi ce délire ? ». Donc, à Cyanide, on a opté pour le parti pris de raconter une histoire au joueur, dans laquelle on va le laisser s’exprimer au travers de nombreux choix. Mais nous avons insisté pour que ces choix soient signifiants. Le fait de devoir tuer un homme qui débarque dans l’aventure n’est pas un choix signifiant : je ne le connais pas, je ne sais pas quel impact il a sur l’aventure. Le genre de choses que l’on trouve souvent dans les jeux sandbox. A l’inverse, dans un jeu à histoire, étant donné que nous avons pris le temps de présenter ce personnage et que son récit est connecté à celui du joueur, celui-ci te sent émotionnellement impliqué dans ce choix. Si, en plus, le game design est bien fait, puisqu’il y a des embranchements de scénario par la suite, le choix est à la fois signifiant et à conséquences. Voilà ce que nous avons voulu faire dans Of Orcs and Men.

Au début du projet, Mass Effect 1 nous a pas mal servi de référence pour le rythme : chaque map du jeu est linéaire jusqu’au moment où tu atteins ce que l’on appelle un Hub, un lieu où tu reviens quotidiennement. Après chaque donjon, tu reviens au Hub où peux décider de discuter avec certains personnages, faire des quêtes secondaires ou poursuivre la quête principale. Le jeu est ainsi découpé en 5 gros chapitres, et chacun dispose d’un Hub dont part la majorité des quêtes. Si je devais résumer, le jeu est linéaire, mais pas tant que ça, étant donné qu’il y a de l’exploration à la fois dans la quête principale et surtout dans les quêtes annexes.

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  1. Hé bien oui, le temps passé en vaut bien la chandelle. Excellente interview d’une personne visiblement très sympa et a(im)pliquée dans son travail. J’attends vraiment de voir ce que va donner ce Of Orcs and Men qui s’annonce intéressant sur le papier. Le jeu-vidéo français semble repartir doucement mais surement en tout cas, avec tout les jeux de l’hexagone qui sortent en ce moment. Personnellement Renaissance m’aurait plus fait penser au film d’animation français qui a (injustement) floppé il y a quelques années.

  2. Ah ah, je te rejoins sur Renaissance que je pensais avoir été le seul en France à avoir aimé ^^.

    Sinon oui, très bonne interview Vidok. Curieux d’avoir ton avis sur le jeu. Je ne suis pas vraiment fan des univers med-fan que je trouve omniprésents dans le domaine du RPG mais si Cyanide et Spiders ont en effet réussi à insuffler leur touche d’originalité à Of Orcs and Men, ça pourrait le faire. Je suivrai ça de près ^^.

  3. Bon c’est un détail, mais il y a une question qui me chatouille et à laquelle je vais avoir besoin d’une réponse bientôt : le moteur graphique est-il réellement aussi performant que le laissent penser les images et les trailers? Parce que là c’est assez ouf comme qualité sur tout ce que j’ai pu voir pour l’instant 😯

  4. Je ne sais pas à quel point tu penses le moteur graphique performant, mais en tout cas, le jeu est visuellement identique à ce que l’on voit dans les trailers. Les angles de caméra enjolivent peut-être certains passages mais il n’y a pas mensonge sur la technique en tout cas. Je pense notamment à ce trailer qui représente bien le jeu : http://youtu.be/Gfduchqx460

    Ayant terminé le jeu, je peux juste vous dire que l’un des points forts du jeu, contrairement à ce que l’on aurait pu penser en le voyant, c’est l’originalité de son univers et de son duo. Sylvain Sechi a eu raison d’insister dessus lors de l’interview.

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