Développeur indétrônable et prolifique qui fêtera en 2021 ses 40 années d’existence (!!!), Nihon Falcom s’est toujours attaché à proposer au fur et à mesure du temps de nouvelles licences, gage d’expériences renouvelées avec des concepts plus ou moins originaux à la clef. Bien que beaucoup n’ont pas quitté le sol japonais, cela fait maintenant un petit moment que bon nombre d’entre-elles sont ressorties des cartons et adaptées sur les machines actuelles, avec un traduction au minimum anglaise en sus, notamment assurées par XSEED Games, qui s’occupent entre autres de la localisation et de l’édition des opus « Trails » de la série The Legend of Heroes ou encore d’une partie des Ys. Mais comme semble l’indiquer le titre du présent article, il ne sera pas question de ceux là, mais plutôt de la courte série Zwei, et en particulier son premier épisode, tout simplement Zwei!!, sorti à l’origine fin 2001 sur PC. Adapté en 2004 sur PlayStation 2 par Taito (qui s’était occupé également du remake d’Ys V sur le même support) et en 2008 sur PlayStation Portable, il aura fallu attendre 2018 pour le voir retourner sur son support d’origine, dans une version rehaussée, sous-titrée The Arges Aventure, et donc traduite en anglais cette fois, pour le plus grand plaisir des fanas du genre.
Au premier abord, Zwei!! semble planter une trame scénaristique et un univers des plus classiques : nous suivons les aventures de Pipiro et Pokkle, respectivement demi-sœur et demi-frère, orphelins de leur état, qui mènent une vie tout à fait tranquille dans le village de Puck, coincé sur le continent flottant Arges. Une quiétude qui va évidemment être menacée par les ténèbres : en effet, un mystérieux homme masqué s’est emparé de l’ensemble des six statues de la Déesse entreposées dans le temple sacré du village, sous les yeux forts ébahis de nos héros qui n’ont pas spécialement pu faire grand-chose mis à part d’avoir constaté l’exécution machiavélique du dessein. Comme on peut s’en douter, notre duo va entreprendre de ramener les statues au village, et plus ou moins se heurter à tous les antagonistes possibles derrière cet odieux vol. Une humble quête, assurément, qui plus est appuyée par l’ensemble des habitants du village, mais pour Pipiro, c’est surtout une aubaine idéale pour se faire facile un bon paquet de fric et éviter de faire des trucs barbants comme étudier par exemple… Au grand dam de Pokkle.
Les premières minutes de jeu permettent de cerner rapidement nos deux héros (zwei signifiant « deux » en allemand), quelque peu à contre courant de l’habituel cahier des charges du jeu de rôle japonais : véritable fashionista au caractère bien trempée Pipiro n’est pas du tout du genre timide et n’hésite pas en conséquence à dire ce qu’elle pense bien haut. Obnubilée par l’argent donc, particulièrement fainéante, elle aime dormir jusqu’à pas d’heure et éviter toute activité cérébrale, mais ne sera pas reste quand il s’agira de bousculer sa vie légèrement morne par une quête qui sera à priori remplie d’action. Pokkle, lui, est davantage plus doux, raisonnable et surtout responsable. Véritable fée du logis portant une queue parce qu’il trouve ça cool, il affectionne les jeux de mots pourris et supporte sa demi-sœur d’un impressionnant stoïcisme, lui préparant même régulièrement à manger et l’accompagnant dans cette aventure qui sera loin d’être une promenade de santé. Bon après, voyant Pipiro motivée comme jamais, il n’allait pas la contrarier. Des héros tout à fait attachants donc, avec une dualité totalement opposée qui profitera à l’histoire ainsi qu’à l’ambiance générale du titre, avec une Pipiro en roue libre, je-m’en-foutiste, qui fera connaître son mécontentement et ses avis cinglants aux villageois, à limite insulter et prendre de haut le premier boss venu, alors que Pokkle essayera tant bien que mal à calmer le jeu, balançant de tant à autres des vannes laissant tout le monde dubitatif. En résulte des dialogues savoureux et souvent hilarants appuyés par une traduction anglaise de très grande qualité, qui semble avoir pris quelques libertés sans pour autant changer le ton général. Pour la trame de fond, nous sommes dans la même trempe qu’un Ys, avec des tenants et aboutissants motivants, sans grosses fioritures ou retournements de situation alambiqués, adaptée à la relative petitesse du monde d’Arges, avec une excellente galerie de personnages, qu’ils soient alliés ou ennemis. Et franchement, c’est de très bonne facture et simplement (et parfois) suffisant : l’aventure est bon enfant, pas prise de tête, et accompagnée de graphismes en 2D fort chatoyants et très colorés, qui rendent plutôt bien sur des résolutions d’écrans actuelles alors qu’il semble que techniquement, il ne s’agit là qu’une reprise de la version de 2001 avec on imagine quelques assets repris sur les moutures antérieures. A noter d’ailleurs, que comme option appréciable, nous avons le choix entre la bande-son originale et la celle remixée disponible dans le portage sur PlayStation Portable de 2018. Toutes deux, Nihon Falcom oblige, sont tout à fait excellentes et entraînantes à souhait.
Action-RPG greffé à un dungeon-crawler, Zwei!! est structuré autour du village de Puck qui fait office de point de ralliement pour nos protagonistes, avec boutiques et PNJs, et autour duquel sont disposés différents donjons ainsi que des zones dédiées à certains évènements liés à l’histoire, avec un accès complet à tout ça dès le début du jeu. Après, évidemment, on se heurtera rapidement différents verrous nous empêchant d’aller fouiner plus loin. Dans le même ordre d’idée, les donjons demanderont d’être revisités à plusieurs reprises pour accéder à des niveaux jusqu’alors bloqués. La dualité de nos héros se retrouve ici, puisqu’il sera possible d’alterner entre Pipiro et Pokkle pour l’exploration et les combats, ces derniers offrant deux approches là aussi opposées quand il faudra tâter du méchant. Pipiro est une magicienne qui possède peu de sorts au départ mais qui saura maîtriser par la suite de nouvelles incantations avec une préférence et une adoration notable pour les projectiles. Pokkle est à contrario un amateur du combat rapproché, rapide et sans chipotage : affublé d’un dévastateur katar, il saura se montrer très efficace contre des adversaires un peu collants, se déplaçant vite et insensibles à la magie. Pas de tour par tour ici donc, mais du dynamisme assez grisant et un système de combo et de timing qui permet d’enchaîner les ennemis et, lorsque que les conditions sont validées, ce qui n’est pas toujours bien clair, de pouvoir lancer une attaque dévastatrice balayant tout l’écran. Outre des combats, Zwei!! propose en plus, étant donné que nous baladons dans des donjons, tout un tas d’énigmes nécessitant un peu de jugeote ou un temps de complétion serré. Là encore, chacun de nos protagonistes devra mettre à contribution ses compétences. Tout se contrôle parfaitement, que cela soit à la manette ou avec combo clavier-souris, avec un petit avantage pour ce dernier vu qu’il est mis à disposition tout un tas de raccourcis, notamment pour utiliser rapidement des objets. Pour l’équipement, pas de surprises : pas beaucoup d’armes, d’accessoires et d’armures, et des statistiques globalement limitées au strict nécessaire. En revanche, le jeu propose un système d’expérience quelque peu original : en effet, pour gagner des niveaux, il faudra manger. Mais alors beaucoup. Chaque type de met looté dans un donjon donnera un nombre de point bien défini, et plus l’on progressera, plus « riche » la nourriture deviendra – bonbons, brochettes yakitori, burgers, … – et donc en conséquence offrira d’expérience. Les ennemis ayant étrangement les poches pleines de bouffe et de fric, il sera possible de combiner les mêmes aliments afin d’en obtenir des plus nourrissants. Accessoirement, vu qu’il s’agit aussi d’un moyen pour se soigner, une gestion minutieuse de son garde-manger sera plus que bienvenue.
Zwei!! n’est globalement pas difficile dans son mode par défaut, le titre étant assez avenant en balisant les niveaux de gros panneaux indiquant le niveau d’expérience conseillé, et met à disposition beaucoup de points de sauvegardes. Attention cependant, les boss (qui ont l’honneur d’être modélisés en 3D) sont eux particulièrement ardus et durant les combats avec ceux-ci, seul l’inventaire « rapide » situé en bas de l’écran est accessible. Autant donc y aller un minimum préparé(e), au risque de voir ses possessions tout simplement dilapidées en cas de mort. En terme de contenu, outre la quête principale, on pourra se frotter à une poignée de donjons bonus à la difficulté décuplée ou encore se détendre sur pas mal d’activités annexes présentées sous formes de mini-jeux dont un très rigolo Typing of Ys, dont laissera à l’assistance la réflexion des inspirations et du gameplay en lui même. Dernière idée sympathique : il nous sera rapidement proposé d’adopter un chat ou un chien que l’on pourra emmener (ou non) avec nous dans nos aventures, offrant une petite aide non négligeable sur le terrain. Si l’on décide de le laisser à la maison, notre compagnon ira vivre ses aventures de son côté, aventures que l’on pourra suivre et influencer via un moniteur placardé sur notre écran.