Wild 9

Sur les traces d'Earthworm Jim

Genre
Plates-formes
Développeur
Shiny Entertainment / Big Grub
Éditeur
Interplay
Année de sortie
1998

1995 fût une année charnière pour Shiny Entertainement, qui brillait alors de mille feux avec les succès coup sur coup d’Earthworm Jim et sa suite. L’année où David Perry, président de la société, n’a pas vraiment eu le nez creux. Estimant que sa pourtant brillante équipe, jusqu’alors habituée aux jeux 2D, allait rencontrer des difficultés à passer à la troisième dimension, l’homme alla chercher une aide – que l’on imagine financière – qui se conclut par le rachat de sa société par Interplay. Rachat qu’il regretta plus tard, de ses propres dires, bien amèrement. Avec un socle artistique mis en branle et pas moins de la moitié du personnel historique parti fonder The Neverhood, Shiny fût remis sur les rails avec deux simples préceptes : la vision artistique et ludique d’abord, et l’interdiction formelle de réaliser toute suite. Jusqu’au commencement du millénaire, pas moins de cinq projets respecteront cette loi : MDK, Wild 9, R/C Stunt Copter, Sacrifice et Messiah. Comme nous avons déjà parlé de MDK, nous allons aujourd’hui aborder Wild 9, un plateformer exclusivement sorti sur PlayStation (bien qu’une version Saturn à un moment prévue), développé en coopération avec Big Grub et imaginé par Tom Tanaka, qui avait notamment assuré le level design d’Earthworm Jim, et qui reprendra, à l’instar des deux jeux susnommés précédemment, le soin particulier à ne pas se prendre au sérieux, et à imaginer, comme on va le voir, tout un tas de concepts loufoques inhérents, pour une réussite plus que convenable.

Partons dans les confins de l’espace, dans le système interplanétaire d’une galaxie lointaine. Le vil Karn, qui règne déjà d’une poigne de fer dans ladite contrée, veut voir les choses en plus grand : sa conquête de l’univers se fera à l’aide du « Rig », une puissante arme détenue par Wex Major, notre protagoniste, jeune résistant œuvrant sans vergogne avec son équipe des « Wild 9 » à envoyer valser le tyran hors de la galaxie. Mais l’infâme despote a conçu et exécuté un plan bien machiavélique : capturer tous les potes de Wex pour lui tendre autant de pièges qu’il faudra afin de récupérer l’arme ultime. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que notre héros n’est pas vraiment le type à se laisser berner et à lâcher l’affaire si facilement.

L’histoire de Wild 9 se résume approximativement à cela, et tel un bon jeu old-school, il faudra passer par le livret et ses quelques pages dédiées pour ne serait-ce qu’avoir une bribe de scénario et de présentation des différents personnages. En effet, une fois le disque lancé, le titre ne propose aucune introduction textuelle, préférant nous lancer directement dans le feu de l’action avec pour simples objectifs de libérer les amis de Wex. C’est dommage, quelques cinématiques durant l’aventure auraient pu fournir un peu plus de dynamisme et un semblant de contexte à l’ensemble, juste pour annoncer le prochain méchant que nous allons rencontrer ou le prochain environnement que nous allons explorer. On devra juste de contenter surtout d’esquisses durant les chargements. Visiblement, le plus important dans Wild 9, c’est l’action en tant que telle, avec en point d’orgue, le Rig.

Comme indiqué en début de papier, Wild 9 se présente comme un plateformer totalement dans la veine d’un Earthworm Jim. Wex pourra de la manière la plus classique qui soit, se déplacer, sauter, s’accrocher et grimper aux parois, pousser des trucs, et ce dans des environnements aux pièges et précipices divers et très dangereux. Wex, plutôt que de manier une bête arme de poing, est affublé du très puissant Rig, l’objet de toutes les convoitises, et pour cause : il permet de tirer un large rayon qui peut attraper à peu près tout et n’importe quoi, appliquant sur l’élément une force démentielle. Pas mal de possibilités nous sont alors offertes, qu’elles soient offensives ou utilitaires.

Ainsi, tout ennemi qui se trouvera malheureusement happé par l’effluve pourra être manipulé de différentes façons, et autant le dire, parfois de la manière la plus comique et sadique qui soit. L’attaque classique consistera à faire valdinguer le troufion de gauche à droite pour l’amener à rencontrer le sol à plusieurs reprises dans un bruit de casseroles. Tout élément contondant ou ne serait-ce qu’un peu coupant présent dans les parages pourra être mis à contribution. Un fossé de piques bloque le passage ? Pas de souci, il suffira d’y déposer délicatement dessus une bleusaille pour créer un pont. Pour la partie utilitaire, on pourra notamment user du Rig pour s’accrocher à des poulies afin de se balancer pour atteindre des endroits pas si inaccessibles, ou encore aisément transporter des caisses pour les déposer à des emplacements clés. Chaque niveau va de sa petite utilisation habile de l’outil pour apporter au gré de l’aventure pas mal de diversité dans les situations et les solutions pour répondre à tel ou tel obstacle, et ce dans un humour caustique et gore qui fait plutôt sourire. Et là où l’outil ne sera pas adapté, on pourra toujours balancer grenades et missiles pour traiter tout imprévu de manière explosive. Pour la poignée de longs tableaux dédiés à la plateforme, si l’on sent que l’on avait le potentiel pour aller beaucoup plus loin, la formule fait mouche malgré quelques accrocs que nous énoncerons un peu plus bas. Comme son modèle, il nous sera également proposé des séquences alternatives, gage d’ajout de variété tout à fait appréciable : pour la première, il s’agira, en conduisant un vaisseau, de poursuivre et de détruire un adversaire sans se manger des obstacles, et pour la seconde, de survivre à la chute vertigineuse dans un tube, en étant certain de choper et de projeter tout ennemi venant à notre rencontre, avant que le contraire ne se fasse. Vous voyez certains moments de Super Star Wars et Battletoads ? Grossièrement voilà, un peu le même concept. A la vue des images « presse » présentées avant la sortie du jeu, il semblait également prévu d’incorporer du tir ou de l’exploration à la troisième personne, mais cette idée fut abandonnée.

Wild 9, c’est enfin un univers graphiquement détonnant, peut être pas aussi délirant qu’un Earthworm Jim et plutôt sous exploité dans son ensemble, propulsé à l’écran par un moteur qui s’en sort plutôt bien quand il s’agit d’afficher de la 2.5D pour la partie plateforming ou de la 3D pour les séquences alternatives. En comparaison avec Pandemonium! 2 dont il partage pas mal de similarités, l’animation se veut dans le jeu de Shiny davantage fluide, avec des décors plus fouillés et bien moins cubiques. Pour la partie sonore, des sons « cartoons » côtoient des compositions signées Tommy Tallarico, musicien attitré du studio, sympathiques au demeurant, mais étonnement une poignée ont été directement reprises de MDK, avec de souvenir, pas de remixes très marquants. Il s’agit d’un des aspects un peu déconcertants du jeu, peut être par manque de budget, en plus d’une maniabilité pas toujours évidente du rayon tracteur, qui en fait quelque trop à sa tête et qui nous retourne un ennemi en pleine tronche ou une caisse sur le bout des orteils. Plutôt crispant ! La difficulté, tout comme pas mal de petits bugs – dont celui de nous faire crever juste après être réapparu au dernier point de passage – pourront également agacer, même s’il est possible de reparcourir d’anciens niveaux pour y récupérer de précieuses vies. Un manque évident de peaufinage, ou de temps pour peaufiner, assurément.

Wild 9
Appréciation
Super prometteur sur le papier, Wild 9 s’avère une petite réussite manette en main, même si nous bouclons ici le jeu avec un arrière goût de trop peu dans les mandibules. Clairement inspiré d'Earthworm Jim, le concept de base, qui vise à se débarrasser de nos ennemis avec un rayon traqueur et de la manière la plus sadique qui soit, est hilarant et globalement bien appliqué, mais l’enrobage manque quelque peu de tenue, coincé entre deux générations de jeux-vidéo, probablement la faute à un budget serré et les nombreux projets développés en parallèle chez Shiny. Les inspirations, l’univers, l’humour, la réalisation et le challenge sont là, et c’est sans doute là l’essentiel, mais il reste, en visionnant les crédits, que nous n’avons gratté que la surface d’un titre qui aurait pu être plus grand.
Points forts
Concept original
L'humour caustique
Plutôt varié
Points faibles
Univers sous exploité
Maniabilité parfois crispante
Quelques bugs agaçants
Des musiques reprises de MDK