Sleeping Dogs

Que serait un GTA-like sans phase de conduite ? Sans surprise, on les retrouve ici également. Et ce sont ces petits moments de beaufreries qui mettront le plus en avant une tare technique du jeu : l’intelligence artificielle. Honnêtement, échapper aux forces de l’ordre n’a certainement jamais paru aussi facile. De même que le comportement des véhicules peut se montrer très bizarre et capricieux parfois. A force de faire en sorte qu’ils restent sur le chemin tracé, on peut se retrouver confronté à quelques farces de mauvais goût. Heureusement, ce n’est pas forcément quelque chose auquel on est confronté en permanence, ce qui fait qu’on ne se retrouvera pas si dérangé par ces parties de poursuites ou de mise hors-jeu d’autres caisses ennemies. Après, elles auraient certainement gagné à être meilleures et elles l’auraient été avec une technique plus soignée mais là encore, on restera plutôt clément dans le sens où le budget alloué et le développement chaotique n’ont pas forcément facilité les choses. Et nul doute que d’autres jeux arrivent à se planter davantage alors qu’ils ont bien plus de moyens. On donnera donc une mention honorable à défaut de bonne.

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Ne chassez pas un chien sans savoir qui est son maître

Lorsqu’on nous annonce que nous aurons le droit d’incarner un flic sous couverture au plein cœur d’une Triade, on ne peut s’empêcher d’avoir des étoiles plein les yeux. Imaginez un peu le tableau : tel une sorte de Fable en moins manichéen, on pourrait décider de l’alignement de notre héros. Et à dire vrai, la communication autour du jeu pouvait laisser sous-entendre quelque chose du genre à l’époque. Sauf qu’elle ne l’avait pas vraiment dite. Et heureusement car cela aurait été clairement de la publicité mensongère. Certes, le côté flic et malfrat sont bien dissociés, que ce soit via mission que via jauge d’expérience propre à chacun des camps mais au final, cette dissociation n’a clairement aucun véritable impact sur le déroulement de Sleeping Dogs. Vous avez osé fantasmer ? Qu’on ne vous y reprenne plus alors. Mais on vous donnera toutefois raison : United Front Games aurait développé de façon jusqu’au-boutiste cette dualité, cela lui aurait ajouté une plus-value de personnalité non-négligeable. Tant pis, il faudra faire avec ce qu’on a.

Et ce qu’on a à propos de cette dualité, c’est assez maigre. Le jeu nous propose de mener des missions propres pour le compte des Sun On Yee tout en mettant à disposition en parallèle des affaires où Wei Shen portera sa véritable casquette de flic. Malheureusement, on regrettera le déséquilibre entre les deux puisque les affaires de police se révèlent bien moins nombreuses. Malgré tout, la notion policière ne se perd pas forcément pour autant durant nos activités criminelles. Chaque mission offre de l’expérience à dépenser sur un arbre de compétence dédié. De ces arbres de compétences, on en dénombrera quatre : l’un lié aux forces de l’ordre, un autre à la Triade, un autre à la réputation et le dernier aux techniques d’arts-martiaux. Pour les deux premiers, l’expérience s’acquiert au fil des missions de scénario ou via quelques quêtes annexes où notre façon de jouer et appréhender les choses aura son incidence. Si se la jouer gros bourrin rapportera plus du côté fripouille, le fait de rester plus sage, à conduire correctement sans faire (trop) de vagues, ni de victimes innocentes se verra offrir un petit bonus du côté képi. Bien entendu, les arbres de compétences des deux facettes amènent des apprentissages complètement différents mais restent à terme plus ou moins utiles et complémentaires quant aux bonus qu’ils apportent. L’arbre de réputation se base un mélange des deux, la réputation s’obtenant via réussite des missions ou services annexes rendus. Le dernier en revanche est un peu différent puisqu’il faut trouver différentes statuettes éparpillées au quatre coins de Hong-Kong et permet d’obtenir des nouvelles techniques et combos lors des affrontements à mains nues, là où les autres se focalisaient davantage sur des compétences automatiques.

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Tout vient à point à qui n’attend pas trop

Que serait un GTA-like sans annexes ? Sleeping Dogs ne déroge pas à la règle et offre son lot d’à-côtés plus ou moins négligeables. Et sur le papier, il semble y en avoir pour un sacré paquet de temps pour en voir le bout : services à rendre aux uns et aux autres contre bonus de réputation, caméras de surveillance à pirater pour aider les forces de l’ordre à l’arrestation des dealers, braquages et vols de transports de fonds pour arrondir ses fins de mois, rencards amoureux, vols de véhicules pour les mettre à disposition au marché noir, courses urbaines clandestines et autres événements… Sans oublier la collecte d’objets divers disséminés aux quatre coins de la ville tel des coffres offrant vêtements – tenues pouvant offrir divers bonus selon les cas, il ne s’agit pas forcément que d’une question de fashion-attitude – armes et argent, les fameuses statuettes citées précédemment pour développer ses compétences au combat ainsi que prier devant des autels de santé qui permettent d’augmenter d’un cran sa jauge maximale de vie. Rajoutons à cela un mini-jeu de karaoké se présentant sous forme de simili-Guitar Hero simplifié à la manette et on a à peu près fait le tour. De quoi s’imaginer avoir un emploi du temps bien chargé.

Ce qui n’est pas complètement vrai car il s’avère que le titre de Square Enix se finit plutôt vite. Notamment à cause du fait que la localisation de tous les collectibles finit par être notée sur la carte, petite récompense à double-tranchant car la quête se révèle moins fastidieuse sur le principe mais la durée de vie s’en retrouve davantage réduite. Après, n’allons pas jeter la pierre, il faudra compter entre trente-cinq et quarante heures pour voir le bout du scénario et annexes – un peu plus pour les chasseurs de trophées/succès bien entendu – ce qui est fort honorable. Mais lorsqu’on le compare à la concurrence, c’est certainement là que l’absence d’intérêt à l’aspect bac à sable porte un peu préjudice à Sleeping Dogs. Car une fois tous les objectifs complétés, que nous reste-t-il ? Un jeu à remettre dans le placard, attendant patiemment d’être repris quelques années plus tard lorsque l’envie nous prendra de le redécouvrir. Alors qu’un GTA pourra être ressorti régulièrement, le temps d’une session nawak et what-ze-fuck où l’on jouera de cheat codes et de la gâchette n’importe comment et jouissivement. Ce qu’on ne fera clairement pas avec Wei Shen où le seul éventuel argument valable serait de le remettre en selle par l’intermédiaire des DLCs parus jusqu’à maintenant. Et vu les diverses opinions qu’apporte le principe-même du DLC, ce n’est pas forcément acquis pour tout le monde si vous partez du jeu basique originellement paru et non de la très fraîche Definitive Edition sortie sur PC, PS4 et Xbox One.

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[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Au final, Sleeping Dogs réitère l’exploit qu’avait fait le premier True Crime jadis. A savoir s’imposer comme une simple alternative à GTA. Moult imperfections et d’idées inabouties l’empêchent en effet de se hisser au même niveau que les ténors du genre, encore moins à les dépasser. Malgré tout, de Sleeping Dogs, on en retient l’exotisme de son univers et de son ambiance ainsi que les combats d’arts-martiaux fort jouissifs qui forgent énormément à son identité. Mais même avec ça, les différents handicaps l’auraient amené à un rang juste au-dessus de la moyenne sur le papier, qu’on se le dise. La pratique montre un visage un peu moins strict : le jeu est doté d’un capital sympathie certain, transpirant une passion certaine, de sincérité et de bonne volonté de la part de ses créateurs. Chose à laquelle, manette en main, on ne peut rester insensible, ce qui explique qu’on lui pardonne ses imperfections et nous délectons encore plus de ses points forts au point d’y passer de très bons moments.[/section]

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[accordion_item title= »L’Année du Serpent »]Le DLC s’ouvre sur un Wei Shen, reclus en simple agent de circulation. Autant dire qu’après avoir profité de belles tenues, notamment les costards bien chers et bien classes lors de notre quête principale, on se sent ridicule avec notre chemise et képi bleus. Très vite, notre simple troufion de la police est confronté à des hurluberlus d’une secte illuminée, tantôt terroristes, tantôt kamikazes, prônant l’apocalypse prévue en plein cœur de ce nouvel an chinois qui se profile un peu partout dans Hong-Kong. Même si la ville n’a pas singulièrement changé, certains points stratégiques se sont mis en fête pour l’événement et il n’est pas rare de voir çà et là des sales gosses prenant un malin plaisir de torturer autochtones et autres danseurs en leur balançant des pétards dans les pattes. Entre toutes autres choses. Encore une fois, United Front Games a fait l’effort de s’accorder sur quelques détails renforçant l’immersion à l’univers, même si on regrettera toujours que si peu d’endroits de Hong-Kong bénéficie du même traitement. Car sorti de ces lieux-clés, on retrouve la même ville linéaire, entre carton vide et fourmilière grouillante.

En ce qui concerne le scénario de ce DLC, le rythme s’avère soutenu et comparable à celui instauré durant les dernières missions du jeu de base : du grand show quasi-hollywoodien transposé à la sauce asiatique. Les faits se passent à une vitesse effrénée, de l’action en veux-tu en voilà, des explosions à gogo… Du grand spectacle en perspective. La pilule passe plutôt bien, on ne voit même pas le DLC passer pour tout dire. Un peu dommage quand même car on a l’impression que la durée de vie en prend un coup. D’un point de vue strictement personnel, je regrette un peu cette façon de faire : dans le Sleeping Dogs de base, j’ai de loin préféré les moments plus posés, qui pouvaient parfois être tout aussi impressionnants que le pendant trompe-l’œil hollywoodien. Malgré tout, il n’y a pas à grimacer telle une vierge effarouchée trop longtemps, le parti-pris des développeurs se retrouve justifié avec le contexte scénaristique. Inutile de laisser miroiter la secte trop longtemps dans son jus, on se doit bien de l’arrêter rapidement afin d’éviter la catastrophe. En cela, le rythme soutenu de l’ensemble est logique. D’autant plus qu’un effort a également été fait pour trouver des idées nouvelles afin de ne pas se retrouver uniquement sur des missions-types qu’on aurait déjà eu dans le jeu de base. Au final, dans ce DLC, des séquences plus classiques de poursuites véhiculées ou de fusillades s’entremêlent à des phases de fusils fumigènes – bien jouissif d’ailleurs de bombarder tout le monde avec ça – ou de destructions de voitures piégées. Rajoutons à cela, quelques annexes ni indispensables, ni désagréables et on obtient un à-côté de bonne facture. Bien sûr, ça ne dépasse pas le jeu original mais admettons quand même qu’on passe un agréable moment à défaut d’être transcendant.

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[accordion_item title= »Cauchemar à North Point »]North Point se retrouve pris en proie d’un fantôme enragé assoiffé de vengeance. Son but ? Détruire les Sun On Yee et Wei Shen par la même occasion. Histoire de lui mettre la pression, le dénommé Smiley Cat, qui était surnommé le Balafré de son vivant, n’hésite pas à mettre les petits plats dans les grands en enlevant Pas Ping, une petite geek qu’on avait pu croiser et même flirter lors de l’histoire principale. C’est ainsi, Cauchemar à North Point nous ramènera à un enjeu plus classique du jeu vidéo : il ne manque plus que la casquette rouge et la moustache et on pourra penser à sauver la princesse en passant par la plomberie. Sauf qu’on ne se retrouve nullement dans un monde tout coloré où les papillons butinent les pâquerettes et les oiseaux chantent sous les rayons d’un soleil souriant comme un bébé mais bel et bien à Hong-Kong. Si le quartier où se passe tout ce DLC ne change en rien d’architecture, son visage a pourtant bien changé. Du haut de multiples halos bleus électriques transperçant une nuit floue et brumeuse, le ton est donné. Halloween est passé par là et nous amène dans sa besace son lot de démons. Mais on reconnaîtra à Sleeping Dogs un traitement bien plus singulier de la thématique – en totale adéquation avec le background accessoirement – et il faut reconnaître que ne pas être confronté à tout va par des zombies assoiffés de sang et de chair est diablement rafraîchissant. Non, l’horreur et l’épouvante se veut plus asiatique et United Front Games a par conséquent opté de mettre en scène des démons, revenants et autres formes possédées de chaque habitant de North Point, parfois laxistes, parfois agressives selon les cas quand on se retrouve dans leur champ de vision. Le tout dans une ambiance spirituelle et mystique toute asiatique. Malgré tout, le propos n’est aucunement sérieux et on a tôt fait de se dire que ce contenu additionnel est avant tout un délire des développeurs tant le côté nanardesque n’est jamais loin (des clins d’œil divers à la série B sont dispersés au sein de l’histoire du DLC). D’ailleurs, il vaut mieux pour le joueur de le voir comme tel tant Cauchemar à North Point nous montre un traitement plutôt kitsch et vraiment décalé de l’univers basique de Sleeping Dogs.

En cela, j’ai trouvé cette interprétation de « l’épouvante vidéo-ludique » très intéressante tant cela change beaucoup de ce que l’on peut voir à l’heure actuelle, principalement occidentale, misant pratiquement tout sur la notion de zombies. Certes, des survival horror – japonais pour la plupart comme notamment la série des Project Zero ont bien joué des cartes plus éthérées et spirituelles mais on ne peut pas dire que la catégorie soit forcément très représentée en ce moment. Et même s’il ne s’agit là que d’un à-côté court et aucunement sérieux, cela fait quand même du bien de revoir ça dans son téléviseur et se dire que cela existe encore. C’est aussi pour cela que j’ai largement préféré ce DLC à L’Année du Serpent, bien plus terre-à-terre. Ce, même si ce Cauchemar à North Point souffre de bien plus de tares : davantage de bugs de caméras gênants, de ralentissements et une durée de vie très courte. On peut aussi citer le système de contres – vu que le DLC est basé principalement sur les phases de combats à mains nues – bien plus capricieux qui aura de quoi faire enrager à de multiples reprises. Malgré tout, je retrouve un rythme plus en adéquation avec ce que j’ai préféré dans Sleeping Dogs, ni trop mou, ni trop effréné où l’on rapproche bien plus d’un vieux film de Bruce Lee au milieu des fantômes plutôt qu’une relecture plus moderne et occidentale d’un Jet Li.

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