Délicieusement idiot, bourrin et gore, Die Hard Trilogy avait assurément marqué les esprits en 1996 pour accompagner la VHS du troisième (et dernier opus vraiment valable) des explosives aventures de John McClane. Avec pas moins de deux millions d’exemplaires écoulés, l’éditeur Fox Interactive ne pouvait décidément pas laisser filer sa licence sans proposer une nouvelle adaptation en jeu-vidéo de la saga. Manque de pot, le quatrième film, en gestation depuis un moment déjà, ne parvient pas à aboutir. Exit donc l’idée similaire au Alien Resurrection en guise de suite à Alien Trilogy. Mais qu’importe ! Autant simplement reprendre le concept qui a fait le succès du jeu originel, à savoir trois jeux en un, imaginer un scénario inédit, et profiter de la sortie de la version Platinum du premier titre pour justifier une suite clairement opportuniste d’une compilation inspirée par différents films. Acclaim ayant absorbé Probe Entertainement entre temps, ce nouveau projet fort ambitieux fût confié à un tout autre studio, à savoir n-Space, développeur notamment responsable du sympathique Duke Nukem : Time to Kill. Malheureusement, il fallait s’y attendre, cela ne sera vraiment pas un gage de qualité. Loin de là.
Comme le suggère le sous-titre du disque, Las Vegas a été choisie pour la trame scénaristique de cet épisode relatant les péripéties du flic le plus malchanceux (ou non) de l’histoire du cinéma. John McClane, toujours et encore une vieille loque après sa fameuse rencontre avec Simon Gruber durant les évènements d’Une journée en enfer, est invité dans la ville de la ruine et tous les excès par son ami Kenny Sinclair, récemment promu directeur d’une prison de haute-sécurité, et qui organise pour cette occasion une petite sauterie pour l’occasion au sein même des murs de l’établissement pénitentiaire. On s’en serait douté : des complices parmi des gardiens font sauter la sécurité, et les plus grands criminels jusqu’alors enfermés s’échappent, non sans commettre par la même occasion, avec probablement l’aide de l’extérieur vu le nombre de personnes impliquées, moult méfaits dans la cité des casinos, avec prises d’otages, poses de bombes et même un ambitieux projet de répandre un virus mortel dans le réseau d’eau potable de la ville. Et qui va donc s’occuper à lui tout seul de tout ce bazar ? Je vous le donne en mille : McClane lui-même, et ce sans aucune aide de la police locale.
Nous sommes donc en présence du scénario typique d’un Die Hard, fort heureusement d’ailleurs, propice à placer notre héros dans les situations les plus dangereuses et à ajouter de temps à autres un peu de pyrotechnie pour ce qui s’annonce être un massacre en bonne et due forme. D’un classicisme attendu et absolu, on saluera soin certain à illustrer systématiquement l’avancée de l’histoire par l’intermédiaire de brèves cinématiques, où l’on reconnaîtra de très loin les traits s’apparentant à ceux de Bruce Willis, ce dernier n’ayant sans doute pas donné son accord pour figurer officiellement dans le jeu. On notera d’ailleurs que les équipes chargées de l’édition se sont attachées à offrir une version française de qualité, avec notamment (feu) Patrick Poivey reprenant ici son rôle de doubleur, avec sa maîtrise et son flegme légendaire, de la voix de John McClane. Et c’est sans doute, avec peut-être la bande-son originale proposée – pour le peu que l’on aime la drum’n’bass – les seules qualités indiscutables du titre…
Qui de n-Space ou Fox Interactive s’était donné comme projet de donner suite à Die Hard Trilogy l’a fait dans le respect du socle imaginé avec le jeu originel, non sans y apporter quelques modifications, et ici donc condensé sur un seul et unique angle scénaristique. Chaque mission piochera ainsi, pour coller aux situations du moment, dans du third-person shooter, du rail-shooter, et enfin de la conduite automobile typée arcade.
En mode tir à la troisième personne, on se retrouve une fois de plus à se balader et à liquider toute menace ennemie se présentant à nous, avec pour cette seconde itération et comme principal changement qu’il ne s’agira non plus de gravir les étages d’un building à la recherche d’otages à sauver, mais de répondre à de plus classiques objectifs visant par exemple à récupérer tel ou tel objet pour activer telles ou telles portes. Plusieurs pièces d’arsenal, objets de soin, gilets par balles et grenades pourront être dénichées un peu partout ou suite à la défaite d’un ennemi. Option de jeu suivante : le rail-shooter. Toujours similaire à Virtua Cop avec ces énormes cibles qui permettent de localiser facilement nos ennemis, on se déplace automatiquement dans les niveaux avec pour simple prérogative de tirer avant nos adversaires, et ce avec la poignée d’armes mises à disposition et parfois cachées dans le décor, tout en évitant de tuer d’innocents civils. Contrairement donc à Time Crisis, nous n’aurons pas la possibilité de nous planquer derrière une caisse ou un mur, mais au moins, pas de limite de temps. Notons la comptabilité avec probablement tous les pistolets du marché vu les macarons apposés au dos de la boîte, ainsi qu’avec la souris de la PlayStation. Enfin, côté automobile, nous serons amenés, avec pour limite un chronomètre serré, à mettre hors d’état de nuire une série de véhicules transportant de dangereux criminels ou des otages, mais aussi à désamorcer des bombes en fonçant dedans (!) ou en les emmenant chez un démineur avec pour obligation de ne pas rentrer en collision un élément un tant soit peu solide, ce qui constitue ici la seule nouveauté pour cette partie. Les munitions et armes en possession seront transférées au cours des dix-huit missions que comporte la galette (peu importe le mode, tant que l’on pourra effectivement s’en servir), et l’on ne disposera maintenant que d’une seule vie : une fois toute notre énergie vidée, c’est la fin de partie, avec la possibilité de recommencer au début du niveau avec le même équipement qu’auparavant, fort heureusement.
C’est fâcheux, mais après quelques missions complétées, nous arrivons rapidement à la conclusion que la copie restituée par n-Space se rapproche plus de l’hommage maladroit, voire de l’inspiration paresseuse, que de la véritable évolution au titre proposé quelques années plus tôt par Probe Entertainement. En effet, là où une jeune équipe inexpérimentée mais passionnée – les développeurs seniors du studio étant sollicités au même moment sur Alien Trilogy, n.d.l.r. – avait à l’époque composé avec du matériel obsolète et codé une expérience techniquement potable, ludiquement très réussie par sa nervosité résolument arcade, et en plus rétrospectivement pas dégueulasse esthétiquement, on se retrouve quatre années plus tard, avec peut-être des conditions similaires mais un hardware à priori davantage maitrisé, face à une suite générique, absolument sans âme, qui reprend ici quelques éléments marquants du jeu d’origine, mais grossièrement appliqués.
Tout est maintenant mou, lourd et laborieux : durant les séquences en TPS, on reconnait clairement le moteur de Duke Nukem : Time to Kill, avec une visibilité étonnement plus réduite et une maniabilité plus frustrante, pour un John McClane qui ne peut plus sauter et qui s’accroche ou se cogne constamment aux murs, alors que des adversaires surarmés peuvent le réduire à néant sans la moindre nuisance. Maigre signe d’espoir, la partie rail-shooter s’avère bien constituée en apparence, si l’on met de côté la difficulté assez poussive durant les niveaux finaux, où le développeur s’est amusé à planquer les ennemis à des endroits incongrus derrière la bouillie parfois illisible du décor, ou carrément derrière l’interface graphique. Par contre, outre son gameplay très simplifié, toute l’interactivité qui fait aujourd’hui encore tout l’intérêt du 58 minutes pour vivre d’antan, avec ces environnements qui tombent en morceaux sous les tirs et ces grotesques effusions de sang, a presque ici totalement disparue. Côté conduite, on en vient à regretter l’ancêtre avec sa gestion désastreuse des collisions mais qui au moins proposait un peu de fun dans la variété des environnements. Là, on se demande pourquoi ce mode existe tant on s’ennuie fermement, avec des objectifs basiques au possible, un déroulé constamment de nuit et limite plus de bugs. Et comme pour tout le reste, on subit la notable inconsistance du moteur graphique à proposer, en plus d’une lisibilité attendue pour un jeu de l’année 2000, un framerate un brin supportable.