L’Amerzone : Le testament de l’explorateur

Sa place est dans un musée !

Genre
Aventure
Développeur
Microïds
Éditeur
Casterman
Année de sortie
1999

L’avènement du CD-ROM et de la modélisation 3D ne sont pas passés inaperçus auprès de nombreux développeurs de jeux-vidéo, surtout après le succès critique et commercial de Myst au début des années 90. On a ainsi vu débarquer de nombreuses productions de la même trempe, en particulier venues de France, avec deux nettement plus marquantes auprès de quelques personnes, à savoir Atlantis : Secrets d’un monde oublié, déjà abordé sur Archaïc, et L’Amerzone : Le Testament de l’explorateur, objet du présent article. Sorte de réponse quelque peu tardive au premier titre cité, il constitue un objet fort intéressant quand on regarde de plus près sa genèse. Le jeu a en effet été imaginé et conçu sur quasiment tous les aspects par Benoît Sokal, dessinateur et scénariste de bande dessinées, principalement connu (à l’époque) pour Canardo ou Sanguine. Voyant l’essor de l’infographie, il réussit à convaincre son éditeur – Casterman – à tenter l’aventure dans le monde vidéoludique. Le développement fût pour le peu chaotique et s’étala entre 1996 et 1999 : un travail d’abord en solo devint celui d’une équipe de moins en moins réduite, des problèmes à trouver des financements du côté de Casterman faillirent faire capoter le projet, l’arrivée de Microfolie’s pour palier cela mais qui finit sur un raté puis, enfin, ultime récupération du projet par Microïds qui s’occupa d’apporter les derniers fonds et ajustements de production nécessaires. Heureusement, tout ce travail en valait la peine : le succès fût au rendez-vous avec un jeu s’inscrivant dans un genre toujours populaire et glissant pile-poil dans le sillon notamment tracé par Cryo quelques années auparavant, pour pas moins d’un million d’exemplaires vendus de par le monde. Le titre ayant fêté ses 20 bougies il y a quelques temps et étant personnellement toujours embarqué dans une mouvance d’aventures pixelisées made in France, votre serviteur s’est dit qu’il serait sympa de dépasser le simple souvenir d’une lecture dans un magazine ou d’une démonstration sur un disque PlayStation, et de regarder à quoi s’en tenir aujourd’hui, de L’Amerzone.

Comme semble le suggérer son nom pris de manière complète, LAmerzone – inspiré de l’album Canardo du même nom – nous propose de partir sur les traces d’un explorateur pour lequel nous assistons, durant les premières minutes de jeu, aux derniers instants sur Terre. Ainsi nous voilà, journaliste tout à fait anonyme que nous sommes, envoyé(e) par votre boulot pour interviewer ce vieil homme, et après avoir voyagé bien loin et pendant bien des jours, la dite personne nous conjure de boucler la quête qu’il n’a jamais pu conclure, à son très grand regret, avant de passer l’arme à gauche. Pourquoi nous spécialement ? Aucune idée. Toujours est-il que l’explorateur nous confie, alors qu’il débite ses dernières paroles, un imposant journal relatant un lointain voyage effectué il y a bien des années de cela, dans L’Amerzone, une contrée isolée dans un pays paumé au milieu de la forêt amazonienne. La fameuse quête y est également abordée, et concerne un mystérieux oiseau blanc, dont l’homme c’était juré de prouver l’existence au point que cela lui prenne toute la vie. Différents déboires puis la vieillesse auront eu raison de cette poursuite jugée par beaucoup comme insensée, et c’est donc à nous, on l’aura compris, qu’il reviendra de prendre la suite. Ce carnet de notes, richement et superbement illustré, constitue ainsi la pierre angulaire du récit, puisque les informations indiquées colleront parfaitement qu’il va nous être amenés à visiter, tout en offrant une bible indispensable à la compréhension globale de son univers (sur le pays, la faune, …), ainsi qu’une aide précieuse à la résolution d’énigmes, comme nous le verrons un peu plus tard. Toujours est-il que l’histoire, logiquement remixée ici par rapport à la bande-dessinée originelle, s’avère tout à fait agréable à suivre, avec une aventure plutôt posée, propice à l’exploration, et loin de proposer autant d’action qu’un Atlantis par exemple, mais suffisamment haletante et distillée de mystères pour tenir en halène.

Les premiers pas dans le titre de Sokal confirment bien ses inspirations, puisée dans Myst ainsi que dans les jeux du studio français Cryo. Pour ainsi dire, à en voir les graphismes, on pourrait croire que L’Amerzone a été développé par la même équipe, alors qu’il n’en est absolument rien… On y retrouve cependant beaucoup d’éléments : concernant le gameplay tout d’abord, qui s’établit comme un jeu d’aventure à la première personne où, grossièrement, on se balade d’écrans en écrans avec pour objectif principal de fouiller le décor à la recherche d’éléments pouvant faire progresser l’histoire : objets divers, papiers, interrupteurs et autres éléments interactifs, tout cela sera plus ou moins caché avec plus ou moins d’application pour proposer un minimum de challenge. On dispose bien évidemment d’un inventaire qui servira à accueillir nos différentes trouvailles qui seront un jour utilisées dans un certain nombre d’énigmes proposées par le jeu, genre oblige, dont la difficulté exponentielle ne posera guère de problèmes aux personnes les plus aguerries, surtout celles qui ont défié les titres de Revolution Software et Lucas Arts. Les seuls obstacles qui pourront se présenter seront une fois une lisibilité pas toujours idéale du fait d’un retour pas toujours compréhensible de certaines actions qui se déroulent à l’écran ou tout simplement que le jeu n’est pas spécialement adapté pour un affichage sur un écran autre que cathodique. En parlant d’action, si on s’étonnera pas de grosses séquences explosives, on soulignera la volonté d’avoir voulu incruster quelques séquences de balades en véhicule (avec tout ce que ça suppose pour le faire fonctionner avant), ainsi que certaines parties où il sera possible de périr, mais sans pour autant que cela se termine sur une fin de partie brutale, ce qui n’était pas du goût de Sokal qui voulait proposer une expérience accessible à tous. Mais globalement, L’Amerzone est un jeu à la cool, tout jouable à la souris, ce qui permet une navigation fluide et, à l’instar d’Atlantis, de pouvoir visionner les décors sur 360 degrés. Nous sommes en effet en présence d’un système similaire de l’Omni3D de Cryo, avec un niveau de rendu similaire et plutôt convaincant, appuyé par une direction artistique de qualité et de belles modélisations, même si il manque assurément d’animations pour apporter davantage de vie aux environnements que l’on visite… Mais à bien y regarder, quand nous avons d’un côté de superbes mais pré-calculés et tout aussi « fixes » décors de Resident Evil ou Grim Fandango, et de l’autre des titres comme Blade Runner et ses bluffantes cinématiques en guise d’environnements, ruinées par un encodage vidéo drastique pour que cela loge sur le moins de disques possible, le procédé utilisé par L’Amerzone semble un bon compromis, d’autant plus qu’il apporte un peu du dynamisme avec des transitions vidéos entre chaque écran. Rien de fou, mais c’est toujours ça de pris. On notera enfin que le jeu ne propose que très peu de dialogues, ce qui semble être associé au fait que modéliser et animer des personnages demande pas mal de moyens et de temps, ce que le projet n’avait définitivement pas. Ce qu’il ne pourra pas être retenu aussi, pour faire une dernière fois le rapprochement avec Cryo, c’est bien du côté de la bande-son. Loin de là d’être mauvaise, celle proposée par L’Amerzone se résume essentiellement à un thème principal et une ribambelle de sons d’ambiance en lieu et place de classiques compositions qui pourraient accompagner une aventure.

L’Amerzone : Le testament de l’explorateur
Appréciation
S’inscrivant parfaitement dans le moule des jeux d’aventure à la française de la fin des années 90, L’Amerzone : Le testament de l’explorateur reste aujourd’hui une belle pièce de musée, simple dans son gameplay et son déroulement, mais un éternel joyaux de l’industrie issu d’une époque plus ou moins révolue, du moins dans son procédé graphique, bien statique et limité en possibilités de nos jours. De quoi rêver, mine de rien, d'un remake avec les technologies d'aujourd'hui... En reste un titre intéressant pour les nostalgiques ou les personnes désireuses de s’attarder sur la ludographie de Sokal. En effet, l’homme, malgré le développement éreintant, a beaucoup apprécié l’expérience, et revint remettre le couvert en 2002 avec le premier épisode d’une série d'aventures vidéoludiques, peut-être plus connue et appréciée : Syberia.
Points forts
La direction artistique
Gameplay encore solide
Points faibles
De soucis de lisibilité à l'écran