BioForge

50% homme. 50% machine. 100% lourdaud.

Genre
Action-Aventure
Développeur
Origin Systems
Éditeur
Electronic Arts
Année de sortie
1995

Particulièrement faste durant les années 80 et 90, le studio Origin Systems est connu pour ses célèbres et cultes sagas que sont Ultima et Wind Commander, mais aussi au travers de ses travaux plus restreints en terme d’épisodes, que cela soit en tant qu’éditeur avec les System Shock de Looking Glass Studios ou par ses propres moyens, avec, parmi tant d’autres, le duo Crusader, ou encore BioForge, sujet du présent article. Celui-ci, sorti courant 1995 uniquement sur PC, a été imaginé comme un « film interactif » profitant des dernières avancées technologiques du moment, notamment l’essor massif de la 3D et du support CD-ROM, ce qui sera fortement remarqué et apprécié à l’époque, et qui pousse aujourd’hui encore un peu à la curiosité, et ce davantage quand la dite galette prend place dans un univers de science-fiction à priori travaillé.

BioForge prend place aux confins de l’univers, où une organisation antigouvernementale s’est installée au sein d’un complexe militaire planqué sur une lune d’une planète inconnue afin d’y préparer de nombreux desseins, dont celui d’un savant fou qui souhaite créer le soldat ultime, récupérant toute technologie qui lui passe sous la main et s’adonnant aux pires expériences. Une éthique ? Absolument aucune. C’est dans ce contexte qu’arrive notre héros, dernière « expérience » du scientifique. Se réveillant dans une cellule d’une prison hautement sécurisée, il voit avec effroi qu’il est devenu en partie cybernétique. Totalement amnésique, il ne sait donc pas comment il est arrivé ici. Une chose est sûr, il va falloir qu’il s’échappe. Ce qui tombe plutôt bien, c’est qu’une alerte impliquant la fusion d’un réacteur alimentant l’installation militaire a créé la panique et la fuite de la plupart du personnel militaire et scientifique de l’infrastructure, et cause de nombreuses défaillances du système de sécurité. L’occasion rêvée pour notre mystérieux protagoniste pour entreprendre son évasion, mais aussi en apprendre plus sur son passé et comment il a bien pu se retrouver ici. Sur le plan narratif, le titre use de nombreux moyens pour distiller son scénario et son univers, que cela soit au travers de nombreux et longs mémos à lire ça et là, qu’il soient codé dans le jeu ou présents dans l’imposante documentation papier fournie avec la galette.

De la lecture donc, pour un scénario globalement efficace, bien qu’aujourd’hui quelque peu trop classique, avec de la science-fiction pas désagréable et plutôt bien travaillée malgré le manque assez étonnant de personnages importants non joueurs alliés et ennemis que l’on apercevra qu’une fois, grand maximum, au cours de l’aventure, ceux-ci préférant rester derrière un haut-parleur ou un talkie-walkie. Vu que nous sommes au milieu des années 90, nous avons le droit à quelques cinématiques pour illustrer les moments critiques de l’histoire, mais également à de copieux dialogues avec un doublage français encore de très bonne facture. L’univers graphique, bien cohérent, est projeté à l’écran par un moteur déjà aperçu sur Alone in the Dark et que l’on verra un an plus tard sur Resident Evil – tous partageant le même type de contrôle façon tank – proposant des décors fixes particulièrement détaillés où notre cyborg et l’ensemble des ennemis seront modélisés en une 3D certes quelque peu pixelisée de nos jours, mais étonnement bien animés pour un jeu qui tourne uniquement à la force brute d’un vieux processeur.

Avec un héros cybernétique logiquement énervé, on aurait pu penser que BioForge soit un jeu d’action bien pêchu, propulsé par un débordement de testostérone et avec moult méchants à buter. Mais dès les premières minutes de jeu, on se rend rapidement compte qu’il ne s’agit pas tout à fait de cela… Et dans un sens, que c’est probablement mieux ainsi. Le titre d’Origin Systems s’établit en fait comme un jeu d’aventure inspiré des nombreux et excellents pointés-cliqués de l’époque, les créations de LucasArts en tête. Assez classique dans son ensemble, on se retrouve simplement à se balader dans le complexe à la la recherche d’indices et autres bidules interactifs avec pour objectif final de s’échapper de ce bourbier, et si possible sans mourir. On dispose donc d’un inventaire sans fond – ne nous demandons pas où notre héros, quasiment à poil, range tout cela – avec plein d’objets à récupérer à utiliser au moment opportun. Notons la présence d’un journal où notre héros note ses dernières pensées mais aussi quelques pistes pour se débloquer d’une énigme. La principale originalité à la formule est qu’ici, on ne se dirigera pas à la souris, celle-ci ne servant qu’à naviguer plus rapidement dans le menus, mais bien au clavier, puisque viendront s’ajouter à ses phases d’exploration et de réflexion pas mal de séquences axées « action ».

C’est d’ailleurs un affrontement avec un robot qui nous attend au tout début de l’aventure, une fois la difficulté choisie. Un affrontement… Des plus chaotiques. Absolument pas enclin à mettre à disposition un tutoriel ou la moindre indication à l’écran, on découvre le mode « combat » à la dure, non sans un passage par le manuel papier afin de découvrir de quoi il en retourne. Il faudra donc presser « C » pour activer le dit mode, puis, une fois la bascule faite, maintenir « Ctrl » ou « Alt » et appuyer sur une touche du pavé numérique pour balancer un coup de poing ou de pied à la tronche de son adversaire, ou alors se protéger ou effectuer un salto arrière… A condition d’être dans le bon axe et d’avoir terminé un déplacement, de côté ou non… Qui sont assignés au même pavé numérique, mais sans pression d’une touche de fonction citée précédemment. Cet apprentissage des (très) nombreuses possibilités devra être ingurgité dès la première minute de jeu, et autant dire que si cette brutalité pouvant passer en 1995, elle agacera n’importe quelle personne du 21ème siècle, surtout avec les angles de caméra pas toujours coopératifs, les contrôles rigides inhérents au moteur graphique du jeu, et la lenteur absolument outrageante du héros. En effet, malgré d’être considéré comme une révolution technologique, ce dernier manque cruellement de souplesse et de réactivité, et bloquer, attaquer, ou même se tourner comportera un temps de latence et d’exécution assez déconcertant, obligeant à largement anticiper chaque action et à ne pas bourriner les touches, ni même de tenter des combos, comme dans tout jeu baston qui se respecte.

On perçoit une certaine ambition à vouloir pousser un système de combat complexe et profond, mais l’exécution est tellement mauvaise qu’on abandonnera vite de travailler les variations. Ah c’est sûr, les animations sont jolies et très fluides… Mais tellement lentes ! Tout ça pour une puissance d’attaque au final minime. Vu que l’on peut mourir en à peine trois coups, on finira par ne privilégier que le type d’attaque qui semble le plus puissant, avec le bon timing, et en profitant du repositionnement automatique (mais sommaire) du héros face à son adversaire. A noter la présence de quelques pistolets laser, disponibles un peu plus tard dans l’aventure et propices aux affrontement à distance, mais qui ne fonctionneront que sur certains ennemis… A condition d’avoir le temps de les viser. Sur nous par contre, tout sera efficace pour nous butter rapidement. Si nous sommes en présence d’un jeu d’aventure avant tout, se faire tirer dessus, tabasser, accéder à l’extérieur sans combinaison, ou tomber dans un précipice résultera sur une fin de partie. Et les pièges sont nombreux. Un comble pour un héros en apparence invincible, qui s’écroule par terre quand il se prend une mandale ou qui s’étale de tout son long quand il tente de courir avec une santé trop faiblarde. Fort heureusement, les ennemis sont pas vraiment nombreux au final, et les développeurs ont pensé à mettre plus de kits de soins vers la seconde moitié du disque, mais ça, on ne le sait pas spécialement au départ. On veillera par ailleurs à sauvegarder sa progression sur différents emplacements et de façon espacée, le titre comportant quelques moments où si l’on a pas activé un truc dix minutes auparavant ou sommes à cours de vie, on se retrouvera bloqué face à un ennemi invincible ou bien trop fort, nous obligeant à recommencer entièrement le jeu. Pas cool.

BioForge
Appréciation
Pas franchement désagréable mais pas vraiment de quoi s'établir comme un classique insoupçonné, BioForge se cale comme un titre suffisamment sympathique pour occuper quelques heures pluvieuses, si l'on arrive à prendre en main son ambitieux mais crispant système de combat - sans s'agacer - qui n'est fort heureusement pas fortement sollicité. On se retrouve avec un jeu d'aventure à l'univers de science-fiction plutôt réussi, une bonne VF, quelques énigmes bien pensées et un peu de lecture. Assurément pas le meilleur d'Origin Systems, mais pas du tout le pire.
Points forts
Un univers SF plutôt réussi
Techniquement convaincant (pour 1995)
Partie aventure classique mais correcte
Chouette jaquette
Points faibles
Un héros cyborg en mousse
Maniabilité lourdingue
Partie combat vraiment en dessous