From Software a contenté ses fans en 2009 grâce à Demon’s Souls. Ils ont surtout surpris le monde entier en 2010 lors de la sortie internationale. Exclusivité Playstation 3 – licence appartenant à Sony oblige – Demon’s Souls a remis au goût du jour le plaisir de l’effort et la joie de la réussite. Dark Souls, puis Dark Souls II ont su réutiliser la formule et la sublimer, en y ajoutant lore fascinant, monde au level design organique et systèmes de jeu réglés au cordeau. Responsable de Demon’s Souls et du premier Dark Souls, Hidetada Miyazaki revient aux commandes pour mettre un terme à la saga des Souls, avec ce Dark Souls III aux allures de pot pourri mais constituant, pourtant, une admirable conclusion.
Comme diraient les critiques Musique, Dark Souls III est le jeu de la maturité. Les équipes de From Software ont semble-t-il souhaité tirer un trait et réaliser la synthèse de tous leurs précédents Action-RPG, afin d’en tirer le meilleur. Evidemment, le joueur de Souls remarquera dès les premières foulées le bouleversement majeur : la vitesse d’animation. Bloquée à 30 FPS sur consoles Xbox One et Playstation 4, elle paraît surtout beaucoup plus rapide que celle des épisodes précédents. Miyazaki a profité de son expérience Bloodborne pour ramener avec lui un gameplay bien plus nerveux. La roulade n’a jamais été aussi rapide et les coups s’enchaînent étonnamment rapidement – dans la limite de la jauge d’endurance, bien sûr. Dark Souls III se révèle donc étonnamment agréable à jouer, et bien moins lourdeau que ses prédécesseurs. Afin d’équilibrer cela, les ennemis le sont tout autant. Pire : ils sont même plus nombreux que par le passé. Se retrouver face à quatre-cinq ennemis en même temps est désormais monnaie courante. Ceux-ci conservent le gain d’IA de Dark Souls II : ils n’hésitent pas à fuir pour mieux revenir, esquiver, vous attirer et bien se protéger afin de vous enchaîner dès lors que votre enchaînement se terminera.
Dark Souls III se veut toujours aussi redoutable. Bien que l’exigence des toutes premières zones aient été volontairement diminué afin de ne rebuter personne, le jeu nous demande toujours d’être sans cesse en alerte. Ennemis cachés et pièges sournois répondent, une fois encore, présent. Les habitués retrouveront les morts-vivants cachés dans un angle et les boules qui traversent un couloir. Sans aller jusqu’au niveau de la Forteresse de Sen de Dark Souls, les niveaux de ce troisième volet ne manquent pas de piquants. Et ce ne sont pas les nombreuses mimiques – ces monstres se faisant passer pour des coffres – qui vont nous faire penser le contraire. Encore une fois, il n’est pas question de décourager les joueurs : le challenge étant toujours aussi grisant. Grâce à son univers fascinant, Dark Souls III nous encourage à progresser, la découverte d’un trésor ou la victoire sur un ennemi imposant nous amenant, sans jamais faillir, cette incommensurable joie intérieure, transformant l’avancée en addiction. Cette adrénaline des affrontements difficiles combinée à la peur de ne pas trouver de feu de camp à temps.
Rappelons-le principe : le monde de Dark Souls est jalonné de feux de camps. L’allumer permet de créer un point de retour, en cas de décès. S’y arrêter permet de regagner l’intégralité de ses barres de vie et de magie. En revanche, le contrecoup tient dans la réapparition de tous les ennemis précédemment occis dans le niveau. Il est donc parfois plus judicieux de bien nettoyer une zone, comprendre l’obtention des objets et la recherche approfondie de trésors, avant de se reposer. D’autant que décéder laisse toutes nos âmes acquises au gré des affrontements – et nécessaires à tout achat ou montée en niveau – à même le sol. S’il est possible de les récupérer en atteignant la scène de crime, une nouvelle mort sur le trajet écrasera la précédente et en créera une nouvelle, réinitialisant le nombre d’âmes. Nous devons faire toujours mieux. Pas besoin de calice royal dans cet épisode : la téléportation entre les feux de camp est disponible d’entrée de jeu. En effet, à l’inverse des précédents et rappelant énormément Demon’s Souls, Dark Souls III propose un hub central, le sanctuaire de lige-feu, d’où il est possible de se téléporter vers les différents mondes, eux, bien reliés.
Le level design de Dark Souls III se veut dans la même veine que le premier volet, à savoir un monde qu’il est possible de visiter de part en part sans chargement. Avancer permettra, régulièrement, de débloquer des raccourcis afin de relier, parfois, deux zones que l’on pensait éloignée l’une de l’autre. Le génie des équipes de From Software est, en l’absence de carte, de permettre au joueur de se repérer, non seulement auprès de fort éléments visuels mais aussi grâce à des panoramas incroyables. Vous serez évidemment sous le charme de la vue sur le royaume de Lothric, lorsque le second boss du jeu sera occis. Cette vue “waouh”, non contente d’être marquante, présente la majeure partie des niveaux que vous allez parcourir. Le moindre point en hauteur permettra de repérer les points d’ancrage des zones, et parfois même des objectifs, tels que les feux dans le marais de Farron. Les feux de camp ont semble-t-il été légèrement rapprochés, et, surtout, ont vu leur nombre s’accroître. Ils permettent ainsi de circuler bien plus facilement sur le territoire.
A l’image de Dark Souls, ce troisième volet offre des paysages des plus variés. Les territoires s’étant agglomérés à l’approche de la fin de l’âge du feu, et malgré des liants d’une formidable discrétion, nous serons amenés à arpenter de nombreuses zones radicalement différentes. Des châteaux, des cathédrales, des villes, un marais, des catacombes ou encore un lac de magma sont au programme. Comptez même sur quelques zones cachées, parfaitement optionnelles, enfonçant encore un peu plus le clou. Écoutant les critiques, Miyazaki a cette fois-ci décidé de rendre l’histoire de son jeu plus accessible. Elle se vit toujours au travers de la description des objets et des quelques lignes de dialogue auprès des rares PNJ du jeu. Mais l’introduction présente mieux les enjeux, de courtes scènes cinématiques égaient certains temps forts et les décors racontent encore plus de choses. Les designers se sont visiblement lancés à toute berzingue dans du narrative design, au point que la moindre statue peut avoir son importance. Chaque élément du jeu vous raconte un pan de la mythologie. Les fans de lore apprécieront ainsi de découvrir les liens entre les trois Dark Souls. Les joueurs de Demon’s Souls, à défaut de trouver un lien scénaristique, reconnaîtront certains personnages et éléments de gameplay – la jauge de magie citée précédemment, par exemple.
Dark Souls III demande de jongler entre pas mal d’éléments inhérents à la série et genre, mais pouvant mettre à mal le joueur débutant. En début de partie, en effet, le jeu réclame un avatar. Reprenant le système de Bloodborne, DS III ne permet, malheureusement, pas de créer un mannequin. Rassurez-vous, la tête de l’avatar sera quasiment tout le temps d’un casque. La classe de personnage choisie influe sur les statistiques de début de partie, autant dire que seules les premières heures de jeu sont conditionnées. Très vite, au fil des montées de niveau et des équipements, le profil du personnage évolue. Le magicien de début de partie peut tout à fait devenir un tank au fil des heures. Casque, armure, bras d’armure, jambières et anneaux – jusqu’à 4, comme dans Dark Souls II – sont nécessaires pour influer sur le tableau de statistiques. Arme à deux mains, arme à une main accompagnée d’un bouclier voire une arme dans chaque main, le jeu vous laisse le choix. Il n’y a pas forcément de mauvais “build”, c’est avant tout une question de goût et d’affinité.
Pendant la quarantaine d’heures de jeu de l’aventure principale – ajoutez-en vingt pour les zones annexes et encore vingt pour les DLC – Dark Souls III vous demande d’apprendre de vos erreurs. Que ce soit logiquement face aux ennemis ou dans vos combinaisons d’équipement, il est sans cesse nécessaire d’essayer, quitte à invalider la solution et à en choisir une autre lors du retour au feu de camp. Le héros étant une morteflamme, mi-vivant, mi-mort, il ne peut pas réellement trépasser : il revient donc au feu de camp le plus proche. Sous sa réputation de jeu difficile, Dark Souls III ne propose pourtant pas de Game Over, et la mort fait pleinement partie de l’apprentissage. D’ailleurs, cet épisode propose très probablement le meilleur bestiaire de la série et sans aucun doute les boss les plus incroyables. Dark Souls possédait son lot d’affrontements marquants, mais son petit frère réussit à les enchaîner de manière insolente. De part leur carrure, la mise en scène, la chorégraphie de leurs coups et leur design, les boss en imposent systématiquement. Sans compter que leurs combats mettent fin à l’absence de musique. Ils sont l’occasion de valider le formidable travail réalisé par Motoï Sakuraba (les précédents Dark Souls) et Yuka Kitamura (Bloodborne).
Dark Souls III est en cela bluffant qu’il réunit toutes les qualités de ses prédécesseurs et en gomment les quelques défauts. Le jeu est tellement bien réglé qu’il n’est que rarement injuste. Lorsque le joueur perd, il sait que la faute lui incombe intégralement, le poussant à repartir aussitôt dans la bataille. Toutefois, le joueur pointilleux saura trouver quelques faiblesses techniques. Récurrentes, malheureusement. Artistiquement, à moins d’être réfractaire à la Dark Fantasy, Dark Souls III en émerveillera plus d’un. En revanche, que ce soit sur Xbox One X ou PS4 Pro, le jeu ne décolle pas de ses 30 FPS – quand Dark Souls Remaster et Dark Souls II arrivaient sans souci à 60 FPS. Le jeu est sublime, mais sait aussi présenter des textures peu travaillées dans certains lieux moins lumineux. L’aliasing, némésis des deux premiers, est en revanche peu présent. Cela contre-balance. Ensuite, le réel défaut que l’on peut mettre en lumière tient dans la position de la caméra. Rien à dire au quotidien, mais elle est bien trop rapprochée face aux ennemis massifs. Les amoureux des dragons seront à la fois satisfaits d’en rencontrer autant mais irrités de parfois perdre en raison d’une caméra capricieuse. A l’extrême inverse : elle est également capable de se perdre dans certains cadres un peu trop exigus. Ce sont des conditions, certes, particulières mais bel et bien récurrentes.