Survivance #17 : Nightmare Creatures

Pas mal non ? C’est français.

Enfermez-vous dans une pièce, seul(e), éteignez-les lumières, branchez le casque, et (re-)plongez avec nous dans le macabre univers des survival horror. De façon occasionnelle, Mizakido et Vidok vous proposent de revenir sur un titre, dans une ambiance décontractée, pleine d’anecdotes, de tranches de vie et d’infos en tout genre. Chaque jeu sera choisi par l’un des deux rédacteurs et chacun devra justifier de son choix, certains, vous le verrez, seront des plus exotiques… Attention, âmes sensibles s’abstenir, ça va gicler.

Vidok : Et si nous intégrions un survival-horror français ? Il en existe quelques-uns. Il en est un qui m’a particulièrement marqué à la fin des années 90. Je ne le possédais pas mais je faisais et refaisais la démo – fournie dans un numéro de PlayStation Magazine : Nightmare Creatures. L’ambiance était folle. Je ne l’ai possédé que de nombreux mois plus tard, acheté 99 francs en promotion. Et ne parlons pas de cette version Nintendo 64, découverte encore bien plus tard. Sur le papier, nous pourrions le classer dans la catégorie des Beat’em Up (ou Beat’em All si vous lisiez la presse JV française de l’époque). Dans les faits, le jeu a toutes les caractéristiques du genre.

Mizakido : Ah cette démo, que de marquants souvenirs ! Et c’est sans doute pourquoi ce titre imaginé par le studio bordelais Kalisto a maintes fois été repéré (et tout autant évité) par nos personnes avant de finalement passer grill. En effet, dans son univers et bon nombre de ses aspects, Nightmare Creatures se rapproche fortement du survival horror, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons, comme nous allons le voir. En ce qui concerne son pitch, nous sommes tout à fait dans le ton : prenant place à Londres durant les années 30, l’histoire narre les faits d’une confrérie ancienne et diabolique, notamment responsable du grand incendie de capitale anglaise 1666, qui aide un scientifique du nom d’Adam Crowley à pratiquer ses expériences aux méthodes plus que douteuses et tout à fait occultes, expériences qui sèment une panique totale dans la ville, vu que cette dernière est maintenant le fief de nombreux démons et aux créatures étranges et malfaisantes. C’était bien entendu sans compter sur l’intervention de Ignatius, prêtre spécialiste de l’occulte et d’art martiaux, ainsi que de Nadia Franciscus, experte en maniements d’armes blanches, qui vont se voir chargés de retrouver et liquider le scientifique. La tâche sera loin d’être facile. On va ainsi parcourir, pour retrouver l’homme, bon nombre de localités londoniennes aussi peu attirantes que dangereuses, avec des cimetières lugubres, des rues poisseuses, des docks brumeux, avec un petit passage plus luxuriant dans l’abbaye de Westminster. L’ambiance se veut être, évidemment, malaisante, surtout avec tout le bestiaire que nous allons rencontrer, avec mine de rien un fort aspect gothique et horrifique qui fait encore mouche, avec un jeu aux couleurs lavées, constamment plongé dans le noir et avec une visibilité sommaire compte tenu du brouillard permanent et, pour tout dire, de limitations techniques évidentes.

Développeur
Kalisto Entertainement
Éditeur
Activision
Année de sortie
1997
Supports
PlayStation
Nintendo 64
PC

Étonnement, sur PlayStation, la version japonaise du jeu comporte une introduction bien plus longue que sur les moutures européennes et américaines. Sur Nintendo 64 ? Un bête texte.

Vidok : Mais intelligemment utilisé, puisque le jeu en profite pour faire surgir ses créatures des ténèbres sans crier gare. Le jump scare est donc d’actualité, mais également la pression de mourir sous les coups ennemis. Les monstres cognent fort, très fort. Heureusement, que ce soit Ignatius ou Nadia, les deux personnages peuvent enchaîner les combos pour se défendre. La panoplie de coups est étonnamment large pour le genre, et certains enchaînements seront même capables de démembrer les adversaires. Très utile notamment sur le menu fretin, pour “one-shot”. Évidemment, Nadia ne se manie pas exactement comme Ignatius puisqu’elle se veut bien peut-être plus faible, mais autrement plus rapide. Il est donc nécessaire de davantage esquiver. Ignatius, plus brut de décoffrage, doit privilégier la protection et les coups forts. Nous pourrions être tentés de prendre notre temps, et d’avancer à tâtons. Mais, vicelards comme ils sont, les développeurs ont intégré une jauge d’adrénaline qui ne cesse de chuter. Dès lors qu’elle est vide, ce sera au tour de la jauge de vie de chuter, jusqu’à ce que mort s’en suive. Pour contrecarrer le phénomène, qu’un seul moyen : abattre des monstres. Très vite, le jeu nous incite à alterner exécutions et exploration. Les guet-apens et la difficulté générale du titre requiert très vite de se tourner vers les objets pour compléter notre arsenal offensif. Fusils, mines, bâtons de dynamite, feus sont autant de trouvailles indispensables pour progresser. Mais attention, leurs utilisations sont limitées, tout comme leur nombre dans les décors. Idem pour les soins. C’est même pire pour les soins. Il est donc indispensable d’être rapidement économe pour ne pas se retrouver bloqué. Rien ne nous est épargné, pas même les commandes.

Mizakido : Il faudra en effet faire une maniabilité pas toujours coopérative du fait de nombreux critères insidieux impliquant une manette, une caméra, un système de combat peu adapté et un équilibrage assez douteux. Pour un titre visiblement pensé pour profiter des avantages offerts par les contrôleurs analogiques de la PlayStation et donc de la Nintendo 64, on ne va pas dire que cela se ressent vraiment lors des déplacements, semblant régis ici par les huit axes proposés par une croix directionnelle, donc forts rigides, et dont il faudra tant que bien que mal maîtriser afin de bouger et combattre non seulement les monstres qui se présentent à nous, mais aussi la caméra automatique d’une paresse assez déconcertante, cette dernière s’ajustant toujours avec retard de nos mouvements, et ne se positionnant jamais dans le bon angle lors des combats. Un problème déjà rencontré dans n’importe quel jeu de cette génération, mais c’était sans compter sur le fait que les ennemis, rapides au demeurant, ont qui plus est une allonge de dingue leur permettant de nous atteindre sans même nous laisser le temps de réagir, voir même de les apercevoir d’un coin de l’écran. Évidemment, si nous ne sommes pas pile poil en face d’eux, le bouton de protection activé, ils s’en donneront à cœur joie, enchaînant coups sur coups avec un vidage de barre de vie souvent dévastateur, voire mortel. Et encore, il faut que la protection fonctionne et avoir le temps de répliquer facilement, la fenêtre de réaction étant assez courte. Et puis avec quoi? S’il est tout à fait saluable d’avoir mis à disposition une panoplie de coups et de bottes secrètes, les apprendre et surtout les sortir quand on se fait littéralement vider sa barre de vie en clignant de l’œil n’est guère aisé. On voit clairement que la disposition des boutons de la Nintendo 64 n’a pas été étudiée longtemps durant le développement de ce portage, pour une compréhension pas du tout intuitive, au point d’utiliser par inadvertance un objet alors que l’on souhaitait juste lancer une attaque. Mais je n’ai pas souvenir que c’était franchement mieux sur la console concurrente. On ne va pas aborder, enfin, les sauts durant des séances de plateforming assez hasardeuses…

Vidok : Oh, les sauts permettent de perdre encore quelques vies supplémentaires. La rigidité des personnages n’aide pas du tout à être précis. La durée de vie en est logiquement rallongée. Tout compris, nous avons mis un peu moins de neuf heures à boucler le scénario d’Ignatius, c’est correct. Cela représente tout de même seize lieux et quatre boss, soit vingt niveaux. L’air de rien. Les niveaux sont assez disparates, certains se finissant vraiment en quelques minutes. Les boss, quant à eux, font bonne figure, avec des patterns à apprendre pour espérer les vaincre. Ils ont un niveau entier pour eux, sont gigantesques – l’hydre, notamment, est impressionnante lors de la première confrontation – et ont pour eux un design réellement repoussant. Dans l’esprit du titre finalement. L’ultime confrontation se révèle être la plus épuisante mais rien d’insurmontable. Si Nightmare Creatures sait récompenser le joueur curieux, il se montre bien plus radin sur la fin, expédiée au travers de quelques lignes de texte, en tout cas sur Nintendo 64. D’ailleurs, nous pouvons aborder l’histoire de cette version, demandée par Activision, l’éditeur de la version PS1 aux États-Unis. Le jeu se vend plutôt bien au Japon – pour un titre occidental, à l’époque, 50 000 exemplaires est plus qu’honorable – et en Europe, fortement soutenu par Sony, mais le titre ne convainc pas suffisamment les américains aux yeux d’Activision. L’équipe du jeu déjà tournée vers la suite n’a pas la bande passante pour ce portage, et seule une poignée de membres de Kalisto sont dépêchés pour le mener à bien. Console Nintendo oblige, certains détails sont retirés, tels des crucifix muraux, ou édulcorés, comme le sang qu’il est possible de retirer ou de colorer. Activision ne souhaitant rentrer dans ses frais que sur ce territoire, il laissa Nintendo éditer le titre sur les autres continents. Ces derniers, désireux de conserver leur image familiale – malgré la sortie récente de Killer Instinct Gold – ne remplaça pas Sony pour l’Europe et le Japon. D’où l’exclusivité US de cette version Nintendo 64. Une version avec certes aucune image de synthèse – remplacées par des lignes de texte peu engageantes – mais aux graphismes plus fins. 

Mizakido : Quand même, il est fort dommage que ce Nightmare Creatures pêche autant sur sa maniabilité et l’équilibrage poussif de son gameplay, car du côté de sa réalisation, c’est tout le contraire. Propulsé par un moteur compétent ainsi qu’une direction artistique de qualité, le titre de Kalisto reste encore aujourd’hui tout à fait agréable pour les yeux, avec un univers comme attendu pour un jeu surfant à fond sur l’horrifique. Les niveaux, qui prennent place dans des endroits systématiquement différents et souvent peu ragoûtants du vieux Londres (et c’est une qualité), sont accompagnés par des visuels proposant décors variés et très détaillés, des monstres au design bien dégueulasse, une panoplie d’effets – brume, pluie, explosions, gerbes de sang – ainsi qu’un travail assez réussi sur la lumière, les évènements ne se déroulant que de nuit, si bien que le brouillard purement technique n’est pas forcément gênant. La musique, bien que discrète, se veut tout aussi réussie, et saura appuyer cette ambiance sombre au possible. Dommage que pour la version 64, la qualité CD et les dialogues de fin de mission ont disparu. En tout cas à sa sortie, et compte tenu de ses qualités indéniables tout de même, le jeu fût un énorme succès quelque soit la plateforme, ce qui poussa évidemment le studio à remettre le couvert, non sans être passé sur d’autres projets auparavant, dont l’adaptation du film Le Cinquième Élément, qui reprend sans aucune retenue le même moteur, le même gameplay et… les mêmes défauts. Mais dans le futur ! Une autre idée de l’horreur, tout de même. Le temps passant, c’est sur PlayStation et cette fois-ci Dreamcast, que  Nightmare Creatures II sera développé… Et étrangement, c’est Konami qui s’occupera de l’édition. Nul doute qu’on en parlera bien un jour.

Du potentiel mais un brin poussif.
Mizakido

De l’horreur (déb)ridée mais attirante.
Vidok