Gex contre Dr Rez

Quantum of Salace

Genre
Plates-formes
Développeur
Crystal Dynamics
Éditeur
Eidos Interactive
Année de sortie
1999

On peut affirmer, sans vraiment trop se mouiller, que 1999 fut l’année où Crystal Dynamics, déjà émérite dans son travail de développeur et d’éditeur, passa définitivement à la vitesse supérieure. Effectivement, c’est durant cette période que sortit son cultissime Soul Reaver, véritable fresque gothique ainsi que technique pour une PlayStation qui n’avait une fois encore pas à rougir face à la concurrence en place, cette dernière à qui profitera les joies du portage puisque la Dreamcast et le PC y auront le droit aussi. Mais là n’est pas le sujet. Le sujet, comme l’indique le titre du présent article, ce sont les nouvelles aventures de Gex contre son ennemi de toujours, sorties sur les étales quelques mois auparavant. Nouvelles et dernières à ce jour, étrangement, vu le succès de la franchise et qu’à ce moment-là, le gecko était encore la mascotte du studio. Signe de mauvaise qualité, vite éclipsée par le marketing engagé par Eidos pour la quête de vengeance de Raziel ? Disons-le de suite : non, car nous avons là encore un titre tout à fait convenable, mais c’est finalement à-peu-près tout. Voyons cela.

Visiblement incapable de se débarrasser définitivement d’un type qui lui a causé par deux fois des problèmes, Gex est à nouveau en mission pour défaire Rez, l’espèce de tyran robotique qui devrait peut-être mieux diriger sa Media Dimension d’une main de fer et penser à des plans machiavéliques plus aboutis. Cette fois-ci, notre méchant est parvenu à enlever la partenaire de notre lézard, l’Agent Xtra, mais a omis de couper tout moyen de communication vers l’extérieur, celle-ci ayant réussi à contacter notre héros afin de demander de l’aide. Car oui, Gex ne passe plus son temps avachi devant le poste de télévision et a à priori un boulot d’espion, et donc ici, une acolyte à sauver du vil Docteur Rez. Pour cet épisode, pas trop de changement sur le scénario : celui-ci n’est qu’un prétexte pour donner un objectif final et une once de contexte, non plus inspiré par James Bond mais visiblement par un gros succès à l’époque du développement : Austin Powers.

Le ton général de la série de Crystal Dynamics, qui n’a jamais vraiment été sérieux, se voit en conséquence être ici un pastiche d’un film parodique qui met pas mal en avant les blagues sous le dessous de la ceinture. La jaquette européenne du disque n’est pas sans rappeler celle du second opus des comédies avec Mike Myers, d’ailleurs. Suite à un brainstorming entre les équipes de développement et/ou du marketing, il a été convenu que l’Agent Xtra soit interprétée par une bien personne réelle, et c’est à Marliece Andrada, à l’époque playmate pour le magazine coquin Playboy, que reviendra le rôle. Une présence que l’on pourra trouver tout à fait discutable de nos jours, surtout à la vue du sticker sur la jaquette américaine du titre, des pages de publicités – nous laisserons le soin à l’assistance de les rechercher si le cœur leur en dit – et à ses interventions effectives dans le jeu, à savoir dans une introduction suite au lancement d’une nouvelle partie, à la complétion du premier niveau d’un monde, et à la fin du disque, où ses répliques se résument plus ou moins à rembarrer un Gex bien graveleux. Et autant ne pas s’attendre à des incrustations à la Qui veut la peau de Roger Rabbit, car ce n’est absolument pas le cas.

Reprenant quasiment le même gameplay son grand frère, Gex contre Dr Rez est un plateformer librement inspiré de Super Mario 64 avec tout ce que cela peut impliquer dans sa conception : un monde central faisant office de HUB permettant d’accéder aux différents mondes proposés avec, pour chacun d’entre eux, quatre télécommandes à récupérer sur la base d’objectifs comme réunir un nombre défini du même objet, détruire tels ou tels éléments, battre certains types d’ennemis, ou tout simplement trouver cent icônes mouches. Le cumul des dites télécommandes sera utile pour déverrouiller de nouveaux mondes et ce jusqu’à la confrontation finale avec Rez que l’on ne verra qu’à ce moment-là et dans l’écran titre… Comme d’habitude dans la série, en fait. De temps en temps, des boss seront à battre afin d’accéder à de nouvelles parties du HUB. On sent qu’un Banjo-Kazooie et sa fièvre collectiviste est passé par là car maintenant, en plus des zappettes, il sera vivement conseillé de récupérer des pattes de gecko qui offriront, toutes les vingt-cinq dénichées, un point de vie supplémentaire, ainsi que des badges dorés qui débloqueront l’accès à des niveaux bonus où il sera possible d’incarner un autre personnage (pour un intérêt moindre), et, après leur complétion, des mots de passe donnant accès à du contenu bonus, dont des cinématiques parodiant de célèbres films, quelques cheat-codes et les mêmes personnages jouables mais pour une utilisation encore plus restreinte. Si on sent une volonté évidente de bien faire, notamment en planquant souvent bien les objets à trouver, le résultat de ces quêtes retombe un peu comme un soufflet.

Après, les bonus ne sont qu’un détail face à une amélioration notable du contenu de base par rapport à l’épisode précédent. On sent que les équipes, notamment artistiques, ont eu davantage de budget ou de personnel à leur disposition et cela se répercute notamment sur le fait que le HUB est maintenant un immense niveau découpé en plusieurs sous-parties avec leurs décors propres et on dénombre une démultiplication des thématiques pour les univers que Gex va visiter : alors qu’Enter the Gecko devait en comporter cinq à tout casser réutilisés presque à outrance, ce troisième opus joue la carte de l’unicité sans pourtant charcuter le total. C’est d’autant plus appréciables que ces thèmes sont variés et opposés, plus tellement inspirés de genres de films à proprement parler mais bien d’ambiances et de décors, avec de la mythologie égyptienne, du Far West, ou encore les pirates, parmi tant d’autres. Le bestiaire sera adapté pour l’occasion et notre héros sera costumé en circonstance et ses répliques adaptées à la situation, ce qui agrémente parfois le gameplay de d’options à ce qui n’a pas trop bougé par rapport à l’épisode précédent : en effet, on peut toujours courir, sauter, donner des coups de queue, s’accrocher à des surfaces, et les mouches à gober offriront cette fois-ci des pouvoirs bien utiles, tout comme les costumes donc, comme celui inspiré d’un Gundam pour l’univers « anime », qui permettront notamment de voler sur de courtes distances pour atteindre des endroits inaccessibles à pied. Et Gex peut maintenant nager et il y a un petit lot de véhicules (tank, crocodile…) à contrôler aussi. Le level-design a été repensé en conséquence pour des niveaux globalement bien conçus, bien que parfois peu inspirés et quelque fois agaçants quand on devra les reparcourir pour récupérer toutes les mouches perdues suite à une mort stupide, le jeu ne retenant que celles en poche depuis le dernier point de passage, pour le peu que le monde en propose un.

Sur le plan technique, on voit de suite (mais pas avec les présentes images issues de la page PlayStation Store) que le moteur du second titre a été repris, car après tout, il était assez compétent, et s’il ne noie pas les gens avec des prouesses et artifices techniques ou visuels, il fait totalement le boulot à proposer des décors clairs, colorés et une distance d’affichage permettant de distinguer sans surprises où l’on va atterrir. La caméra a également été corrigée avec beaucoup moins de jurons la concernant, vu qu’elle peut être entièrement gérée à la main de manière simple et pratique. Il y a d’autres choses qui changent un peu aussi : pour accompagner les aventures de Gex, ce dernier n’a toujours pas décidé de se taire et s’assurera de balancer des répliques plus ou moins bien senties sur ce qui l’entoure, et ce à un débit indéfinissable, complètement aléatoire et à force agaçant. La nouveauté, c’est qu’ici nous avons le droit à une version entièrement retravaillée en français, que ça soit pour les noms des niveaux ou pour le doublage vocal de Gex. Et pour le coup, les personnes de l’hexagone chargées de la traduction ne se sont pas contentées de reprendre les textes de Dana Gould mais ont bien insufflé de la référence bien française avec pour chaque niveau, entre quelques blagues sur la fortune de Bill Gates, bon nombre de répliques tirées de la culture populaire avec du Astérix, Les Barbouzes (particulièrement), Goldorak, et bien d’autres encore. Le résultat est convaincant et drôle, et ce malgré quelques phrases bien beauf – mais dans le “bon” ton du jeu – et bien entendu qu’à force de les entendre, on s’en lassera rapidement.

Gex contre Dr Rez
Appréciation
Assurément le meilleur épisode de la série, Gex contre Dr Rez est un plateformer dans la pure continuité du second dont il partage le moteur graphique, avec un contenu similaire mais ici davantage de moyens du côté de l’équipe artistique pour une redondance ici moindre des univers offerts. Efficace dans son ensemble côté gameplay et level-design malgré quelques séquences agaçantes et dans le fond du déjà joué, il propose une très bonne version française avec un humour référençant plutôt bien la culture française, souvent drôle mais quelquefois un peu beauf sur les bords. En résumé, un jeu tout de même de qualité, pas désagréable à faire de nos jours, pour une trilogie mine de rien tout à fait convenable mais loin d’être révolutionnaire. Et pas de suite donc. Un rachat par Eidos intervenu en 1998 et l’arrivée des nouvelles consoles poussa visiblement Crystal Dynamics à se focaliser sur d’autres projets, surtout suite au succès de Soul Reaver et lorsqu'on leur a confié la licence Tomb Raider, ce qui signa la retraite à priori définitive de Gex, qui sera absent du nouveau logo de la compagnie et n’aura fait depuis qu’une brève apparition en tant que personnage jouable dans le sympathique Mad Dash Racing, en 2002. Pas exceptionnel mais pas pire.
Points forts
Un plateformer très convenable
Des parodies plutôt réussies
Une VF de qualité
Points faibles
Un peu beauf parfois
Gex parle encore trop pour rien (mais c'est la dernière fois)