Back To The Future : The Game

Retour Vers Le Futur 4 ?

Genre
Narratif / Point'n Click
Développeur
Telltale Games
Éditeur
Deep Silver
Année de sortie
2012

L’annonce tonitruante de la fermeture de Telltale Games a été on ne peut plus surprenante. C’est qu’après tout, le studio ne semblait pas dans une posture aussi délicate. Il suffit de voir le fait qu’il soit parvenu à atteindre un statut de référentiel en matière de format épisodique qu’il était parvenu à démocratiser avec énormément d’intelligence et de cohérence. Pour vous en convaincre, allez donc jeter un coup d’œil au cas d’Esports Life qui, en plus d’être médiocre, nous démontre à quel point un jeu de gestion n’est vraiment pas fait pour l’épisodique. Et puis, Telltale est parvenu à marquer les esprits par l’intermédiaire de ses jeux narratifs à choix (illusoires) basés sur des licences plus ou moins prestigieuses, tout particulièrement avec The Walking Dead, sa première grande déflagration en terme d’accueil et de retours positifs, The Wolf Among Us, considérés par beaucoup comme le meilleur Telltale, ou encore, dans une moindre mesure, Tales From The Borderlands, arrivant brillamment à proposer une aventure fidèle à l’esprit et l’ambiance de la licence de Gearbox Software qui se veut accessible à tous, des fans des jeux originels aux simples profanes. C’est peut-être là où il a récolté l’envers de la médaille : le studio s’est toujours montré un peu fainéant dès lors qu’il a atteint sa formule de prédilection avec The Walking Dead, qu’il s’agisse de son approche du gameplay et de sa notion de choix que sur les technologies utilisées qui n’ont pas évoluées d’un pouce, trahissant au bout du compte d’une certaine vieillesse. Mais avant d’en atteindre cette position, Telltale, c’était aussi les trois saisons de Sam & Max, basé davantage sur le point’n click, ainsi que quelques candidats préparant peu à peu la mutation à sa formule « gagnante mais pas tant que cela au final ». Parmi eux, on pourra compter Back To The Future : The Game. Qui représente également la première licence acquise qui parle à un public très large. Et surtout le tout début d’estomper l’aspect point’n click afin de privilégier le côté narratif.

C’est d’ailleurs assez amusant tant l’on peut regarder la doublette des jeux transitoires, ce fameux Back To The Future : The Game et Jurassic Park : The Game sorti l’année suivante qui enfonçait davantage le clou, d’un nouvel œil aujourd’hui. Parce qu’à l’époque de leurs sorties respectives, l’accueil s’inscrivait davantage dans la méfiance, la sévérité et la controverse. De la même manière qu’un Heavy Rain ou un Beyond : Two Souls attiraient moult réactions liées à leur essence-même de film interactif alors qu’un Detroit : Become Human ne semble plus récolter autant de pinaillages sur sa formule pourtant identique à ses deux grands frères. Parce que de Back The The Future : The Game, on l’attendait davantage dans du point’n click pur et dur. Certes, très accessible comme son géniteur nous avait habitué avec Sam & Max mais demandant quand même de faire jouer un minimum ses méninges, quitte à partir vers le grotesque et déjanté à l’image de l’âge d’or de Lucas Arts dont les fondateurs de Telltale sont d’anciens employés. Mais voilà, ça n’a pas été spécialement le cas. Certes, il y a bien un peu de mécaniques point’n click mais elles ont été tellement simplifiées que cet aspect est relégué au plan purement anecdotique. Et Back To The Future : The Game a poussé le bouchon encore plus loin sur les versions console, extrêmement limitées dans les interactions (à grands coups de curseur fixe pouvant être déplacé d’un élément à un autre sans aucune liberté), alors que la version PC en offrait encore l’illusion avec son curseur libre. Ce qui n’était peut-être pas plus mal au final tellement l’inventaire et la gestion de celui-ci était extrêmement mal pensé, autant dire qu’on se retrouvait d’une certaine manière soulagé de ne pas y être trop confronté, d’autant plus que les rares énigmes sont simple comme bonjour, au fil des cinq épisodes qui composent le jeu. Autant dire, l’amateur pur et dur de point’n click pourra passer son chemin et aura tôt fait de réinstaller Myst afin de torturer ses neurones comme il se doit. Surtout s’il n’est pas coutumier de la trilogie cinématographique de Retour Vers Le Futur.

Parce que c’est bien là tout ce qui fait à la fois la plus grande force et faiblesse du titre. Loin de nous faire une copie l’un des films, Back To The Future : The Game nous propose une toute nouvelle aventure de Marty et son acolyte Doc. Se situant après les événements de la trilogie de films mais vraisemblablement sur le même continuum espace-temps que le premier qui sera finalement exploité d’une manière totalement différente, au point de nous montrer de tous nouveaux paradoxes temporels propres au jeu, alliant à la fois des personnages du film et de tous nouveaux protagonistes. Au point qu’on pourrait presque dire que nous avons affaire là au quatrième volet de la saga d’une certaine façon. Mais de la même manière que les films fondateurs, tout tourne ici de divers clins d’œil, jusqu’à jouer à fond la carte du comique de répétition, et autres effets de causes à conséquences issus des volets précédents qui seront considérés là comme pleinement acquis par le joueur. Plutôt bien exploités, ce qui donnera une aventure crédible et intéressante dans l’ensemble même si elle n’est pas dénuée de quelques maladresses – pardonnables étant donné que l’on joue davantage dans les détails – dans sa narration. Autant dire que pour celui qui n’a jamais vu la trilogie de Spielberg, il aura tôt fait de se montrer paumé par toutes les subtilités de ce nouveau voyage temporel. Et n’ira pas non plus cerner les références qui sont omniprésentes dans le jeu. Ce qui bloque Back To The Future : The Game dans la case du fan-service pur et dur.

Telltale nous a jeté là un pur cadeau pour les fans. Et uniquement pour eux. Mais au moins le fait-il bien sur divers plans. Que ce soit dans son fond narratif (le propos et la construction globale ainsi que les dialogues en général) que dans sa forme. D’un point de vue sonore, on retrouve les thèmes des films et les autres frasques musicales inventées pour l’occasion revêtissent du même esprit. Le développeur a même les petits plats dans les grands au niveau du doublage, s’octroyant les services de Christopher Lloyd – l’interprète de Doc donc – lui-même et autres comédiens de doublage très justes dans leur rôle. Amenant même une belle fidélité par rapport aux œuvres originelles comme celui interprétant Marty. On notera toutefois que Michael J. Fox qui jouait ce dernier à l’écran n’a pas totalement été mis en retrait vu qu’il donne également de sa voix en cours d’aventure (William McFly et le Marty du futur). Au niveau visuel également, même si l’on ne peut que reconnaître la modestie technique – on se retrouve avec le même moteur que les Sam & Max bien qu’il y ait ici bien plus de détails – et son côté un brin vieillissant, on n’aura aucun mal à identifier les protagonistes et autres lieux emblématiques des films. Un point qui fera, là encore, plaisir à voir pour le fan. D’autant plus que l’aspect cartoon d’ensemble fait finalement bien passer la pilule, bien plus que si Telltale avait cherché un rendu plus emprunt de photo-réalisme qui aurait sans doute été rapidement terni par un cruel manque de budget.

Back To The Future : The Game
Appréciation
Si vous n'avez pas vu les films de la trilogie de Spielberg et/ou que vous soyez allergique au narratif, passez votre chemin. Pour les fans des films, en revanche, Back To The Future : The Game est un bien beau cadeau que Telltale a laissé là. Même s'il n'est pas parfait dans sa narration ou son rythme, le jeu s'avère tellement solide, bien exploité, cohérent et pétri de plein de bonnes attentions qu'on pourrait presque le percevoir comme l'opus numéro 4 de la saga. Le tout dernier vraisemblablement d'ailleurs si Spielberg ne tombe pas dans les travers de faire une suite ou un remake dans un but bassement mercantile comme on le voit tellement dans le cinéma grand public aujourd'hui. En tout cas, une chose est sûre, ce n'est clairement pas Telltale qui nous pondra une potentielle suite.
Points forts
Une excellente réappropriation de Retour Vers Le Futur
Ce ne serait pas ça ce fameux Retour Vers Le Futur 4 ?
Du fan-service à la pelle
Quelques invités de marque pour le doublage (Christopher Lloyd et Michael J. Fox)
Points faibles
Une formule tirant vers le narratif pas encore rôdée
Une interface d'inventaire pénible