Survivance #6 : Martian Gothic : Unification

Dans l'espace, personne de vous entendra soupirer

Enfermez-vous dans une pièce, seul(e), éteignez-les lumières, branchez le casque, et (re-)plongez avec nous dans le macabre univers des survival horror. De façon occasionnelle, Mizakido et Vidok vous proposent de revenir sur un titre, dans une ambiance décontractée, pleine d’anecdotes, de tranches de vie et d’infos en tout genre. Chaque jeu sera choisi par l’un des deux rédacteurs et chacun devra justifier de son choix, certains, vous le verrez, seront des plus exotiques… Attention, âmes sensibles s’abstenir, ça va gicler.

Vidok : Je me souviens : j’avais offert ce jeu à un ami, à son anniversaire. A l’époque, il était vendu en pack avec une Memory Card. Je l’avais choisi pour son prix – il avait vite chuté – et les images à l’arrière de la jaquette étaient prometteuses. Reste qu’une fois le jeu dans la console nous avions pas mal déchanté… Qu’est-ce qui t’as donné envie de mettre ce titre dans la console ?

Mizakido : Et bien, c’est très simple : une grande dose de naïveté. J’ai récupéré pour ma part le jeu sur un vide grenier, non pas sans l’avoir vu il y a quelques années de cela dans un GIFI aux côtés de jeux bradés comme ICO ou Shadow of Memories (oui un ICO à 10 euros dans une boîte carton neuve, ça fait rêver). Le premier essai m’avait paru plutôt concluant. La cinématique d’introduction installe l’ambiance, déjà vue certes (merci Alien), mais suffisamment mystérieuse pour appâter le joueur peu méfiant, malgré une voix-off qui sonne un peu cheap. Cette dernière nous pose le scénario : une base spatiale, posée sur la planète Mars et répondant au doux nom de “Vita”, ne donne plus signe de vie depuis quelques mois (les gens qui ricanent au fond sont priés de sortir). On décide alors d’envoyer sur le caillou une petite équipe de trois personnes destinée à voir ce qu’il se passe et éventuellement (?) secourir les survivants, sachant que l’on ne sait absolument pas ce qu’il est passé. Nos acolytes se séparent pour explorer chacun de leur côté le complexe en prônant comme mot d’ordre “Rester séparés c’est vivre”… Un credo qui va nous suivre durant tout le jeu… A notre grand désespoir.

Développeur
Creative Reality
Éditeur
Take-Two Interactive
Année de sortie
2000
Supports
PlayStation
PC

Vidok : Aux premiers abords, le titre paraît plutôt propre. Resident Evil est clairement passé par là : des personnages en 3D dans des environnements en pré-calculé. C’en est presque un classique désormais chez les survival horror. Quelques beaux panoramas spatiaux. Prise en main correcte mais, très vite, première horreur : non pas le premier monstre mais découverte de l’inventaire. Limité certes, mais surtout absolument pas ergonomique et accueillant, avec les trois héros représentés à l’écran, où le moindre objet arbore un orange criard sur fond noir. Dès lors, on sait déjà que son utilisation risque de devenir une plaie. Tout comme la carte. Un dessin représentant plusieurs lignes avec des boules de couleur, les lignes étant une “direction” schématisée de couloirs et les boules des salles importantes. Enfin la plupart du temps. Des fois, c’est un ensemble de salles, représentant un quartier. Des fois non. Bref, on n’y comprend rien. Et elle n’évolue pas le moins du monde, impossible de la voir modifiée, à l’image de celle d’un Silent Hill, si ce n’est pour nous indiquer la position du personnage dirigé, position qui n’est jamais celle à laquelle on s’attend. Je me demande encore quel chef de projet a bien pu l’autoriser tant elle est imprécise et extrêmement compliquée à appréhender. Or, à mes yeux, dans un titre du genre, ce qui doit être simple, ou du moins limpide, est la carte. D’un réflexe, elle doit être accessible et claire lors du rapide coup d’œil du joueur. Elle est l’élément rassurant dans tout survival. Deux minutes de jeu et on sait déjà que jouer avec les objets va être difficile et qu’il sera quasi impossible de se repérer.

Mizakido : Une fois ces deux points passés en revue et bien digérés, l’exploration commence. Une grande partie du gameplay de Martian Gothic se base sur la séparation des personnages, puisque durant 95% du jeu (pure estimation), chacun fera sa petite vie dans une portion de la base martienne. Un menu permettra de changer à la volée de protagoniste, et autant dire qu’il va être pas mal sollicité. Pour continuer dans cette partie, on retrouve l’éternelle quête d’objets en tout genre qui serviront à résoudre des énigmes ici plus ou moins inspirées, avec en plus une nouvelle variable due au “concept” énoncé ci-dessus : un machin trouvé dans un placard ne servira nécessairement pas à celui ou celle qui l’a déniché, et il sera possible et indispensable de l’envoyer à une autre personne via un système de tuyaux pneumatiques dispersés un peu partout, pour que le nouveau propriétaire puisse l’utiliser à bon ou mauvais escient. Une idée au départ intéressante mais qui s’avère d’une lourdeur sans pareil étant donné les allers retours que cela peut impliquer et une incompréhension absolue de l’utilité finale de certains objets, qui vont de la chambre à air à un tournevis sonique. C’est pas en non plus comme si certains servaient vraiment à quelque chose, comme ces herbes marrons, toujours données en grand nombre pour appâter le chaland, qui ne font juste que retirer de la santé à chaque ingestion ou encore, comme ces mémos et bandes sonores, dont on ne pourra pas se débarrasser à la volée. Il faudra alors trouver un conteneur ou un casier, avec des emplacements libres pour pouvoir vider un tant soit peu son inventaire, qui sera de toute manière toujours bourré de conneries en tout genre. Ah oui, et pour cela, il faut faire des balades fortement passionnantes et affronter les ennemis… L’autre excellente idée du développeur.

Attention, les morts ne le sont jamais vraiment…

Vidok : En effet, la station est loin d’être inhabitée. Et après avoir rencontré les premiers ennemis, tout joueur n’a alors plus qu’une envie : changer de jeu. Plutôt laids, ces derniers se révèlent extrêmement coriaces. D’allures zombiesques, membre de la station visiblement plus très frais, ceux-ci se révèlent très résistants, à défaut de présenter une IA recherchée. Bien. Seul léger problème : écroulés après de nombreuses bastos, ces ennemis sont capables de se relever, recouvrant ainsi toute la santé initiale. Les munitions étant loin d’être illimitées, la fuite devient dès lors le meilleur moyen de survie. Encore aurait-il fallu que l’esquive soit simple. Mais non : les héros se déplacent tels des tanks et les ennemis sont capables d’attraper n’importe qui bien loin de leurs bras, comme si la hitbox était en réalité bien plus large que ce que laissent penser les modèles 3D. Avec de plus leurs cris extrêmement désagréables, mal amenés, qui font sursauter d’horreur… Cerise sur le gâteau : lorsque l’on joue avec un des trois personnages, les deux autres peuvent tout à fait être attaqués pendant ce temps-là. Une alerte survient alors à l’écran et il faut rapidement planquer le héros du moment pour secourir le second. Un moment de stress auquel les soucis de maniabilité et de hitbox s’ajoutent pour transformer le tout en énervement. Les pièces sans danger ne courant pas les rues de la station, nous en venons rapidement à déposer les personnages aux mêmes endroits, occasionnant encore davantage de longs et fastidieux allers-retours, finissant de nous lasser. Car oui, il y a bien évidemment des histoires de cartes magnétiques bleues, rouges, jaunes et de toutes les couleurs et jamais celles accessibles depuis le personnage qui l’a trouvée. Jamais ! En général, les solutions aux énigmes pas forcément innées requièrent un minimum de recherche et de parcours dans les lieux, le temps de raisonner, parcours rendu impossible par le respawn systématique des ennemis, même si l’on n’a pas quitté la pièce… Chose complètement idiote, « abusée » et tellement dommageable vu le niveau de détails du jeu.

Mizakido : De ce côté-là, les développeurs ont mis le paquet : on trouvera, au gré de nos péripéties, un bon paquet de journaux électroniques qui relateront les récents événements de la base, des conversations audio dissimulées dans des PC qui cachent aussi, en plus du système limité de sauvegardes – tant qu’à faire, autant limiter les sauvegardes sur un même point à une vingtaine de fois, histoire de – une sorte de mini-jeu, ou du moins, un semblant d’histoire d’un jeu dans le jeu, tout ça dans le but d’alimenter un background et un univers visiblement cohérent. Le principal problème, c’est que tout cela est bien chiant. Énormément chiant. Les écrits sont d’un banal… et les extraits audio sentent le réchauffé en plus d’être absolument mortels (d’ennui). Pire encore, les journaux électroniques sont stockés dans l’inventaire, il est impossible de s’en débarrasser par une simple option. Alors, il faudra, comme à chaque fois, trouver un casier, une poubelle, un cadavre, ou je ne sais quel contenant pour déposer ledit fichier dans ledit contenant – je me répète mais il le faut – et en même temps donc, affronter un ou deux invincibles zombies qui nous chopperont à 50 mètres avec une variable aléatoire quant à la manière dont il faudra bourriner les boutons. Et ce n’est pas franchement l’humour des personnages qui va rehausser le tout, celui-ci s’inscrivant dans un registre de pitoyables jeux de mots et des sarcasmes qui ne feront sourire personne, sauf les développeurs, vraisemblablement. Surtout quand il faudra se taper des énigmes incompréhensibles. Non, Martian Gothic est définitivement un jeu sans saveur, avec des idées mal exploitées, une mécanique de jeu tout sauf amusante ou ne serait-ce intéressante, un scénario et un univers tellement classiques qu’ils en deviennent très rapidement ennuyeux, et surtout, surtout, une difficulté totalement injustifiée et gouvernée par d’énormes bugs et une maniabilité crispante. A force de trop vouloir s’inspirer des plus grands, on finit la tête dans la cuvette des chiottes, et pas à boire un Martini Blanco. C’est pourtant pas si difficile de s’affranchir. Mais il faut du temps.

Abyssal (de médiocrité)
Mizakido

En orbite (après un bon coup de pied au cul)
Vidok