Xenogears

Si on devait retenir… une référence culturelle

Si Xenogears a été en son temps souvent comparé à Evangelion, ça n’est pas un hasard. Tetsuya Takahashi adore adosser ses histoires à des références religieuses, scientifiques ou philosophiques. Dès son premier grand jeu, il ratisse large en convoquant à la fois la Kabbale (une de ses obsessions récurrentes), la nanotechnologie et la psychologie jungienne. Entre (beaucoup d’)autres. Mais ce qui sépare Takahashi des autres, c’est un certain talent à tirer de ce genre d’ensemble un tout cohérent qui fait sens. Alors qu’un autre que lui aurait sans doute obtenu un gloubiboulga indigeste, Takahashi construit un univers dense, foisonnant et intelligent. Car c’est avant tout pour ça que Xenogears s’est fait connaître. Certes quand on se lance dedans, on embarque pour un monde complexe, mais dont il n’est pas exclus qu’on en sorte un peu plus savant qu’en y entrant.


Yggdrasil

yggdrasil_xenogearsyggdrasilComme la tradition le veut dans beaucoup de RPG des années 90 et 2000, la troupe de héros dispose d’un vaisseau pour se mouvoir, l’Yggdrasil. Il appartient à la famille Fatima, dont Bartholomey (Bart) est l’héritier. Véritable mini-ville avec sa population et son hangar à Gears, le vaisseau ressemble à un sous-marin, capable de naviguer aisément dans le désert d’Aveh.

Le nom Yggdrasil fait référence à l’arbre-monde de la mythologie scandinave, arbre sur lequel se repose les 9 mondes composants l’univers. Le vaisseau de Xenogears représente sans problème cet aspect stabilisateur et cette sérennité implicite, véritable lieu de repos entre deux opérations dangereuses. L’Yggdrasil scandinave a aussi pour lui son immortalité. Bien que simple arbre, et par définition périssable, il reste majestueux et éternel : le vaisseau de Xenogears saura disparaître pour revivre aux travers des Yggdrasil II (capable d’aller sur l’eau) et Yggdrasil III (capable de voler). Trois vies et trois statuts (sous-marins, bateau, avion) comme une référence aux trois types de mondes hébergés par l’arbre :les mondes souterrains, les mondes terriens et les mondes aériens.

Les scénaristes finissent l’allusion franche à l’arbre dont le nom, Yggdrasil, signifie littéralement « Destrier d’Odin » (Ygg représentant Odin), le maître de tous. En effet, il était simple pour le dieu de se déplacer entre les mondes, comme il l’est pour nos héros de se mouvoir sur la planète en fin de jeu.

Vidok


Le Zohar

Mémoire vive XG - ZoharFigure emblématique de Xenogears (et un peu plus tard sous une autre forme de la Xenosaga), le Zohar fait quelque peu office d’objet magique ultime dans toute sa splendeur. A la fois origine de l’humanité sur la planète qui sert de cadre au jeu, prison qui enferme l’entité qui se rapproche le plus d’une puissance divine et source du pouvoir de celle qui fait office de démiurge gnostique, le Zohar est aussi la source de presque tous les ennuis de ce pauvre Fei (et de ses incarnations passées) et la relique qui cristallise le plus les appétits de toutes les forces en présence. Son nom vient directement du Sefer Ha Zohar (ou Livre de la Splendeur), rien de moins que le texte fondateur dans l’étude de la Kabbale, la tradition ésotérique juive si souvent « empruntée » par les créateurs japonais. Une source mystique qui résonne dans l’univers de Xenogears à travers d’autres références comme les représentations de l’Arbre de Vie ou le char divin Merkabah.

Sa forme, le Zohar l’emprunte plutôt à l’iconographie du grand cinéma de science-fiction : en l’occurrence le monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace. Ces deux imposants cailloux partagent le même rôle d’initiateur de la civilisation humaine et les mêmes proportions (1 d’épaisseur pour 4 de largeur et 9 de hauteur, soit respectivement 1², 2² et 3²). L’œil doré qui orne la surface du Zohar fait bien évidemment référence à l’iconographie divine de l’Œil de la Providence dont les origines pourraient remonter à l’Antiquité égyptienne et qui a depuis nourri tous les fantasmes des théoriciens de la conspiration. Quant à la surface dorée du monolithe, elle évoque toute la symbolique occulte associée au plus précieux des métaux. Le Zohar n’est donc pas une unique référence, mais une véritable condensation symbolique dans laquelle chacun pourra venir puiser ce qui l’inspire.

Et c’est sans doute ce qui fait la force du monolithe et l’impact qu’il a pu avoir sur mes souvenirs de Xenogears après avoir été présenté de façon presque omniprésente dans le background du jeu. Takahashi ne s’y est d’ailleurs pas trompé en baptisant sa société Monolith Software après son départ de Squaresoft. La boucle est bouclée…

Hyades


Le Soylent System

Mémoire vive XG - Soylent SystemSûrement un des passages les plus dérangeants de Xenogears. Et quand on connaît le jeu, ça veut tout dire. Dérangeant parce qu’il y a une double-référence avec cette organisation du mal. La première, assez facile quand on connaît ses classiques, revient au film de 1973, Soylent Green, où les morts sont recyclés en nourriture pour la population, résultant en une forme de cannibalisme indirect. Et la deuxième, moins agréable, renvoie au tristement célèbre Troisième Reich, lui bien réel, avec ses expérimentations sur le genre humain et l’extermination rationalisée.

Advenaze