Sacrée arlésienne qu’Alpha Protocol. Obsidian, habituée à produire les suites de jeux Bioware, se lance dans son premier titre entièrement original. Pas de mécanismes tout prêts, pas d’univers déjà créé et encore moins de réputation toute faite. En voilà un bien grand défi. Toujours à l’affût de la perle rare à éditer, Sega apporte son soutien à l’entreprise en éditant le rejeton. Les joueurs font confiance à Obsidian depuis KOTOR II et Neverwinter Nights 2. Tout semble réuni pour offrir au marché vidéoludique un titre de qualité.
L’essentiel, c’est le gameplay. (©Nintendo)
Obsidian nous place donc aux commandes d’un héros tout ce qu’il y a de plus classique, dans une histoire vue et revue cent fois dans un gameplay d’infiltration déjà fort bien maitrisés par les compères Snake et Sam. Les premiers pas dans l’aventure nous mènent fortement à penser qu’Obsidian a loupé le coche. Si nous sommes d’entrée de jeu accueillis par des temps de chargement aimant faire durer les préliminaires, la suite n’est pas réellement plus ragoutante avec une réalisation loin d’égaler les dernières sorties. Décors simples, personnages anguleux, aliasing de sortie, Alpha Protocol met une claque technique, mais pas la même que celle d’un MGS 4 ou d’un Splinter Cell Conviction à leur sortie. Le budget n’a semble-t-il pas été dilapidé dans la technique, puisque l’animation se veut sans fioriture également, avec quelques beaux ralentissements lorsqu’il y a de l’action à l’écran. Le titre a l’art de nous motiver pour privilégier l’infiltration. Survient alors le souci de l’intelligence artificielle, digne de… de… en tout cas moins bonne que celle de MGS 1. Dans le genre, il est difficile de trouver plus risible. Les gardes ne nous sentent pas à un mètre, mais arrivent à nous repérer à trente. Ils détalent avec la grâce d’Harry Mason de Silent Hill, mais en courant dans tous les sens, à la Dragon Force. Ce savant mélange les rend désespérants. L’envie de tirer à tout va se fait vite sentir, quitte à enclencher le malheureux bullet time sus abordé.
My name is Mike. Mike Thornton.
L’infiltration perd d’autant plus son intérêt que les alarmes se désactivent très simplement. Pour cela, et à l’image du piratage des ordinateurs, portes, coffres et de toute interaction avec le décor, un mini-jeu s’enclenche. Les systèmes de sécurité se stoppent en réalisant les liaisons nécessaires entre 4 ou 7 fils en un temps imparti. Les ordinateurs réclament quant à eux de retrouver deux lignes de chiffres au sein d’une matrice en mouvement ; tandis que les serrures demanderont du doigté en jouant des gâchettes pour placer les verrous correctement. De bonnes idées qui deviennent très vite de moins bonnes idées, ralentissant et lourdant notamment le joueur désireux de tout visiter et récupérer. Une erreur et l’alarme retentira dans tout le niveau, ameutant encore plus de gardes. Alpha Protocol nous faisant ainsi remarquer que les méchants terroristes, supposés arabes (espionnage à l’américaine oblige), ont à chaque mission le temps de piéger l’intégralité des systèmes informatiques et électriques. Très fort. Nous nous disons alors qu’il va réellement falloir redoubler d’efforts pour réussir à passer incognito, à tel point qu’après plus d’une douzaine d’heures de jeu au compteur, le constat est éloquent : la meilleure combinaison d’armes s’est révélée être le flingue et le fusil à pompe. Pour l’infiltration, il n’y a rien de mieux…
C’est Evelyne Thomas qui va être contente
Si la réalisation n’a pas évolué depuis les premières images, ce n’est pas parce que les développeurs se sont tournés les pouces – enfin peut-être un peu, entre deux disputes – mais car ils se concentraient sur la narration. Et là, il faut bien avouer qu’Obsidian a réellement fait très fort, rappelant sans honte le controversé Heavy Rain. A chaque dialogue, plusieurs attitudes peuvent être adoptées, amenant chacune vers une réponse différente, vers une approche pouvant être radicalement à l’opposée de celle de départ et surtout à des événements bouleversant toute l’aventure. Toute décision impacte la suite de la progression. Nous arrêtons un chef terroriste : en le laissant partir, il nous donnera des informations ; il propose aussi une grosse d’argent ; peut-être qu’il est préférable de le questionner tout de suite ; non, emprisonnons-le ; oh et puis zut, autant le liquider. Quatre attitudes, quatre chemins, quatre dénouements. Mais ceux-ci seront suivis d’une foule de réponses possédant chacune au moins autant de suites possibles. Les matheux s’amuseront à en déduire pour leurs petits camarades qu’aucun joueur ne vivra l’aventure Alpha Protocol de la même manière. Le fil conducteur reste le même mais les événements, les missions et les amitiés/inimitiés peuvent totalement diverger d’une partie à l’autre. Le dernier chapitre sert d’ailleurs de sympathique résumé à toutes vos actions passées. La fin ne se détermine pas dans le dernier donjon mais en fonction de toutes vos actions depuis le début du jeu.
Que la force soit avec toi
A côté de cela, le jeu développe un aspect RPG plutôt bien intégré. A l’instar d’un KOTOR ou d’un Mass Effect, le héros monte en expérience à chaque action réussie, que ce soit l’anéantissement d’un objectif, la mort d’un ennemi ou une porte crochetée. A chaque niveau – 20 au total – il gagne des points de compétences qui peuvent être réparties dans des domaines comme la maitrise des fusils, la technique, l’infiltration ou encore la robustesse. Une dizaine de domaines favorisés par la classe de personnage choisie au départ. Si cela peut paraître gadget, il faut savoir que le héros évolue réellement. En parallèle, les domaines de compétences permettront de débloquer des capacités de surhomme, limitées dans le temps, comme la résistance aux coups, l’augmentation des dégâts, la précision des gadgets (ceux du jeu cette fois), … Au point que les confrontations se veulent de plus en plus simples si nous spécialisons bien Mike Thornton.