The Wonderful 101 : Remastered

Un bien léger lifting pour un si grand jeu

Genre
Action
Développeur
PlatinumGames
Éditeur
PlatinumGames
Année de sortie
2020

Durant sa courte et chaotique existence, la Wii U aura accueilli une poignée d’exclusivités profitant, avec plus ou moins de succès, des possibilités offertes par le support et son étonnante mais quelque peu déconcertante « mablette ». Celles-ci ont depuis fait leur chemin sur d’autres plateformes, en particulier sur Switch, où Nintendo y distille régulièrement des versions « Deluxe » de titres issus de son ancienne machine, histoire de rattraper le coût de développements que l’on imagine pas des moindres. Ceci n’aura pas échappé à un de ses partenaires privilégiés, PlatinumGames, qui avait régulièrement œuvré sur Wii U avec Bayonetta 2, Star Fox Zero et The Wonderful 101. Si les deux premiers restent dans le giron du géant moustachu pour des raisons assez logiques, la destinée du troisième a visiblement pu être négociée entre les deux parties et ainsi récupérée par le développeur, avec pour perspective d’un succès mérité certes, vu les qualités indéniables du jeu originel de 2013, mais cette fois-ci, avec ce Remastered, validé. L’occasion pour nous, au travers de cet article, de mettre à jour notre avis, non sans en reprendre la substance même… Car finalement, les choses n’ont pas trop changées. Ce qui est peut-être un peu dommage.

Revoilà donc The Wonderful 101 ! Fruit d’un très long processus de conception chez PlatinumGames, et en particulier dans la tête d’Hideki Kamiya, directeur au blocage Twitter facile et une des principales têtes pensantes derrière Bayonetta, Ōkami, ou encore Viewtiful Joe, dont les similitudes avec notre titre sont des plus évidentes. En effet, pour The Wonderful 101, l’homme et ses équipes ont remis le couvert vis-à-vis d’un pan de la culture populaire japonaise, à savoir le tokusatsu, dont les licences Ultraman et Kamen Rider sont probablement les ambassadrices les plus connues. La recette ? Un cast de protagonistes masqués, de régulières explosions, de l’action à tout va, des méchants pas beaux et ultra charismatiques, ainsi qu’une mine en scène irrésistible et inégalable… Assurément une base et un vivier des plus solides pour un jeu PlatinumGames, et vu le pedigree du studio, on peut s’attendre à du lourd. Dans notre jeu, l’histoire prend place dans un futur proche durant lequel une armée d’extraterrestre s’est décidée à envahir la Terre… Mais celle-ci ne s’en est pas vraiment prise aux bons humains pour commencer. En s’attaquant à un bus transportant une classe d’écoliers, un escadron de soldat tombe nez à poing avec Wonder Rouge, maître d’école dans le civil et super héros dans le privé. Cette rencontre prendra une tournure encore plus compliquée pour nos envahisseurs avec l’arrivée totalement inopinée du prétentieux Wonder Bleu. La victoire se goupille rapidement, mais tout ce chaos aura eu pour résultat d’énerver encore plus nos aliens qui vont bien entendu tout faire pour anéantir toute l’humanité. Mais c’était sans compter que nos super-héros masqués, à bord de leur vaisseau forteresse suréquipé, étaient bien préparés pour ce genre de menace.

On l’aura rapidement deviné après quelques minutes de jeu qui font office d’une fort belle présentation de tout ce qui va nous attendre pendant un bon paquet d’heures : The Wonderful 101 n’est pas là pour faire dans les longues présentations et entre directement dans le vif du sujet avec une introduction musclée pleine d’explosions, de dialogues badass et un accompagnement musical digne d’un générique de n’importe quel tokusatsu… Avec les chants épiques qui vont bien. On se dit qu’avec un début comme cela, cela ne pouvait qu’être plus calme par la suite. C’était sans connaître PlatinumGames et sa capacité à faire toujours plus et surtout jamais assez. De bout en bout, et nous disons bien du début à la fin, le jeu propose une impressionnante rythmique qui ne se relâche absolument jamais, et qui mine de rien tient la route d’une isolante assurance en 2020. Une fois une nouvelle partie démarrée, c’est le grand huit de l’absolu dans le gros n’importe quoi, avec une montée exponentielle du nombre de méchants, de la taille de ces derniers, des retournements de situation, ou tout simplement des situations en elles-mêmes. Tout est dans l’extravagance et dans le délicieux excès, et surtout assumé avec une audace totale.

Loin de se prendre au sérieux, le titre mise sur un humour décapant, avec moult dialogues savoureux où nos héros se prendront la tête souvent la tête quant à la résolution de tel truc ou telle affaire, faisant attendre de prétentieux méchants aux égos aussi surdimensionnés que leur bêtise. La traduction française demeure excellente, les doublages anglais et japonais sont toujours au top tout comme les épiques compositions musicales, et les hommages et parodies au genre marquant qu’est la série Z règnent ici, non sans oublier un bon paquet de clins d’œil plus ou moins camouflés au jeu-vidéo, en particulier concernant le monde de Nintendo, qui pour le coup pas n’ont été gommés pour cette mouture, confectionnée sans le géant. L’ensemble est toujours délirant et d’une assommante homogénéité, avec une fin de scénario qui s’avère être une énorme jubilation tellement le générique de fin est sans cesse repoussé pour des raisons totalement abracadabrantesques. Le fait que la technique est maintenant au niveau attendu, avec du SSD pour des chargements ultras rapides et du 60 FPS pour les machines les plus puissantes, aide beaucoup. Plus vraiment le temps de respirer !

Côté gameplay, on retrouve une fois encore et sans surprise toute l’influence des jeux produits auparavant par Kamiya : nous sommes en présence d’un jeu d’action vec pour particularité que l’on ne dirige non pas une personne seule, mais bien une importante escouade toute entière de super-héros, avec pour objectif de progresser à travers de longs niveaux où se présenteront, de temps à autres, une brochette d’ennemis, ou un peu de plateforming. Dans une volonté d’appuyer le côté gigantesque propre au titre, la caméra est placée très loin de nos personnages, en vue de trois-quart, ce qui donne l’impression d’avoir une sorte de Pikmin entre les mains et devant les yeux, avec une foule de bonshommes en collants qui s’agitent à chaque inclinaison de joystick. Cette perspective, c’est surtout pour mieux appréhender la taille des ennemis communs, qui vont du petit groupe de troufions à la machine (sur)armée dont la taille peut avoisiner un immeuble de trois étages. L’évidence est là : il faudra leur exploser la tronche, avec le plus d’enchaînements et de variété possible, tout en évitant de crever si possible. Aucun problème, puisque nos protagonistes possèdent un botte secrète bien particulière : l’Uniformation, ou le pouvoir de se transformer en poing, épée, fouet et autres armes jusqu’à une taille impressionnante grâce aux civils secourus en chemin et qui s’improviseront justiciers par intérim. Visuellement, c’est plutôt drôle, puisqu’ils se collent les uns les autres pour former l’objet en question. Plus l’on sauve de gens, plus l’arme sera potentiellement grosse et en l’occurrence puissante. Cependant, la construction et utilisation réclameront notamment de l’énergie et que les dites unités ne soient dispersées. Attention donc, en plein feu de l’action, à ne pas trop abuser des transformations et à ne pas surtout frapper n’importe quoi n’importe comment.

Le jeu propose un système de combos et de parades assez classique mais plutôt efficace, tout un tas de techniques supplémentaires que l’on pourra acquérir en cours de mission moyennant quelques deniers, ainsi qu’un panel d’armes plutôt conséquent et logiquement adaptées pour chaque type d’ennemis qui pourront être achevés via différentes actions contextuelles. Il en reviendra de même sur le terrain, avec, sur le même principe, de gros boutons à tourner, murs à escalader, crevasses à traverser, etc… Où la chaîne humaine créera main, échelle, deltaplane ou pont. Cette transformation, réalisable à la volée, s’effectue à la manière d’un Ōkami : par inclinaison du stick droit, l’action se fige, et il faudra dessiner diverses formes pour matérialiser l’arme ou l’outil voulu. Ainsi une épée et un poing correspondent respectivement à un trait et à un rond. Toujours aussi simple sur le papier, on avait cependant souvenir que sur Wii U, même sans utiliser l’écran tactile, les actions étaient mieux interprétées. Sur cette nouvelle version, on a l’impression, en plus que la zone de dessin soit réduite, que les formes ne sont pas toujours bien comprises, surtout pour les plus complexes, ce qui est un brin embêtant dans le feu de l’action, quand la barre d’énergie n’est pas rechargée quand on annule notre trait.

En plus des classiques séquences de combats, dont pas mal seront des défis cachés, on notera la présence de nombreuses moments « alternatifs » propices à des hommages évidents à Punch-Out!! et Gradius, qui apportent, en plus de nombreuses situations et mondes variés, pas mal de variété à l’ensemble. Disons qu’après ça, on peut se dire que le studio sait vraiment tout faire. Plus généralement, pour ce qui est de l’action pure, le cœur du jeu, le gameplay s’avère au final très complet, nerveux et fin, avec des combats souvent épiques, surtout avec ces immenses boss (PlatinumGames oblige), mais demandera tout de même un certain temps d’adaptation pour se faire à la vue et à la perspective imposée de la caméra, et surtout à l’agressivité des ennemis qui ne se gêneront pas dès le départ à punir la moindre erreur commise, surtout si votre arme est brisée en milles héros suite à une frappe, même surpuissante, sur leur bien solide bouclier. Le niveau de difficulté reste ainsi inchangé sur cette version augmentée, c’est à dire sans pitié dès le départ, même avec la présence de tutoriels placés ici et là pour expliquer chaque nouvelle action disponible. Le jeu n’a toujours pas le temps. A l’instar d’un Bayonetta, l’efficacité à détruire toute nuisance sera jugée à chaque fin de séquence de combat par une médaille basée sur le temps pris, les dégâts reçus et la technique, avec une récompense pécuniaire – logiquement plus ou moins variable selon l’exploit – qui pourra être dépensée en vue de l’obtention d’améliorations et autres objets.

Si The Wonderful 101 demeure toujours le jeu grandement sympathique et quelque peu sous-côté qu’en 2013, les personnes ayant déjà parcouru le titre sur Wii U ne pourront cependant que rester sur leur faim quant aux apports et modifications de cette re-masterisation, ou plutôt… Ce portage. Le gros changement se situe sans aucun doute dans l’amputation logique de la mablette, qui servait de d’outil multifonctions avec radar, accès rapide aux menus, de quoi dessiner les formes d’Uniformation, mais également de mini moniteur de jeu durant d’inventives séquences « en intérieur », où les actions effectuées influençaient se qui se passait en extérieur, sur le grand téléviseur. Ici, ce second écran se voit affiché, selon la préférence de chacun, en surimpression ou en partage avec l’affichage principal, avec une taille plus ou moins ajustable. Autant dire qu’on le masquera la plupart du temps, sauf durant les moments indispensables cités plus haut – qui perdent grandement de leur panache du coup, avec une maniabilité (sans gyroscope) aux fraises, la première configuration n’étant pas spécialement pertinente et assez distrayante, et la seconde… Juste pas envisageable, à moins d’avoir un 21:9 à disposition. Si les options proposées sont louables, virer totalement l’idée du double écran n’aurait pas fait perdre grand chose à l’expérience générale, l’implémentation d’origine ayant été pensée avant tout pour la Wii U.

On notera ensuite que certains défauts du titre original n’ont pas été gommés, en particulier sur le chapitre de la lisibilité. La caméra, paradoxalement trop éloignée et trop proche pour comprendre tout ce qui se passe à l’écran, aurait pu être corrigée avec la possibilité de pouvoir manuellement l’ajuster et via l’ajout de davantage de repères visuels pour connaître la position du leader de notre escouade, des ennemis et de tout danger imminent. Dans le même sens, la lecture des mouvements et des faiblesses certains ennemis, qui peuvent nous sniper alors qu’ils ne sont même pas visibles à l’écran, aurait mérité d’être revue afin d’éviter d’agaçants moments où l’on se fait tabasser sans avoir la moindre occasion de répliquer avec la bonne arme ou le bon contre, pour le peu que cela soit possible. Ils sont colorés pourtant, mais difficiles de savoir si c’est purement esthétique ou juste pour nous aiguiller sur la stratégie à adopter. Pour la technique, c’est guère la panacée : le jeu se voit maintenant proposé dans de plus hautes résolutions, avec un nombre d’images par seconde, une qualité des modèles et de textures mieux fournies que sur Wii U, mais quelques étonnants et grossiers restes en basse définition demeurent et jurent parfois à l’écran. De même, on sent que le moteur, probablement d’époque, a du mal à rester stable sur les machines les plus puissantes, perdant régulièrement quelques frames au passage dans un processus des plus oscillants, ce qui nuit quelque peu à la fluidité d’un titre pourtant à la direction artistique toujours convaincante, mais ici pas vraiment mise en avant. Enfin, pour les nouveautés… Résumons les à une seule, à savoir de nouveaux personnages à débloquer via l’utilisation de codes fournis par le développeur, qui modifient un peu le gameplay « de manière importante ». Pas dingue pas dingue quand même.

The Wonderful 101 : Remastered
Appréciation
Même si l'exécution manque quand même de panache, la pertinence de cette nouvelle version de The Wonderful 101, maintenant disponible au plus grand nombre, n'est absolument pas à démontrer. Bon, ce lifting tient plus du portage que du vrai remaster, mais le matériau d'origine, lui, n'a pas pris une seule ride. Si on regrettera toujours une lisibilité de l'action qui rend parfois le jeu injustement difficile voir incompréhensible, on ne pourra, le reste du temps, que saluer, ou resaluer, ce grand bordel organisé, gargantuesque dans sa mise en scène, son humour à tout va, son gameplay toujours aussi frais et grisant, et sa durée de vie conséquente. Certainement pas le PlatinumGames le plus peaufiné, mais du bon (et trop boudé) PlatinumGames quand même.
Points forts
Un joyeux bordel jouissif et assumé
Mise en scène "trop c'est jamais assez"
Gameplay complet et inventif
Plus de vingt d'heures d'action non stop
Points faibles
Des défauts de lisibilité toujours présents
Pas dingue techniquement
Plus un portage qu'un remaster