E.V.O. : Search for Eden

L'évolution dans une coquille de noix

Genre
Action-RPG
Développeur
Almanic
Éditeur
Enix
Année de sortie
1993

L’évolution, d’un point de vue purement biologique, est un sujet relativement apprécié dans le jeu-vidéo, notamment via les productions de Maxis telles que SimEarth et Spore, mais aussi, par exemple, dans une apparition un peu plus discrète, chez l’éditeur Enix, avec un certain E.V.O. : Search for Eden. Sorti en 1993 sur Super Nintendo au Japon et aux États-Unis uniquement, il est maintenant accessible au monde entier grâce à la fée internet ainsi qu’aux joies de l’import et de l’émulation. Un titre dont on peut attester sans crainte qu’il a été écrasé par la masse des nombreux (et parfois excellents) RPG sortis sur la console, mais qui bénéficie d’une aura toute particulière auprès des joueurs pour de nombreuses raisons que nous allons tenter d’étayer ici, sans pour autant oublier de citer les quelques anomalies qui entachent un jeu fort attachant.

Ce que nous appellerons tendrement E.V.O. pour le restant du présent papier est l’adaptation de 46 Okunen Monogatari: The Shinka Ron, un bien obscure RPG tour par tour conçu par Almanic pour le célèbre ordinateur nippon PC-9801 de NEC. Cette version repensée par le même développeur pour la Super Nintendo garde de nombreux aspects de son modèle, notamment sur sa partie “évolutive”, mais il s’agit maintenant et avant tout d’un jeu de plate-formes dans la grande tradition de l’époque, où le but premier est de survivre et surtout… d’évoluer. Loin de répondre à une approche totalement darwinienne, E.V.O. nous met dans la peau d’une créature – au départ un simple poisson – choisie par la déesse Gaïa – la personnification de la Terre et la fille du Soleil – pour réaliser une mission très simple : parcourir un monde dangereux en constante évolution où la survie du plus apte sera la clef pour rejoindre Eden où notre divinité aux cheveux étoilés et l’immortalité nous attendent. L’histoire démarre il y a 450 à 500 millions d’années de cela et s’étendra sur plusieurs chapitres s’inspirant de périodes “maîtresses” de la vie de notre planète : l’époque cambrienne, le Jurassique, le Quaternaire… De quoi constater des changements donc, mais pas mal d’occasions qui nous forceront à s’adapter. Surtout quand on en voudra personnellement à notre viande.

Nous démarrons donc notre aventure au fin fond de la mer (ou presque), sous la simple forme d’un mignon petit poisson. Les premiers battements de nageoires permettent de se familiariser avec les touches mais surtout d’entrevoir qui va nous attendre pendant quelques heures : tuer, manger, tuer, manger… Et éviter qu’être victime du même sort. En effet, pour survivre dans ce nouvel écosystème où la vie n’en est qu’à ses premiers balbutiements, il va falloir user des dents et régulièrement se rassasier pour regagner vie mais surtout de précieux points d’expérience, exprimés en “Evolution Points”. Comme leur nom l’indique, ils permettront de modifier à n’importe quel moment la morphologie notre créature pour le rendre bien plus apte à affronter les dangers qui l’attendent, et ce pour un prix variable : mâchoires, nageoires, queues, structures de l’épiderme (peau, écaille), puis, plus tard, longueur du cou, cornes, etc… Une vaste panoplie de parties du corps à modifier, synonyme de compétences augmentées ou diminuées avec des impacts sur les HP, l’attaque, l’agilité, la rapidité ou encore la défense. Bien évidemment, il faudra récupérer pas mal de points d’évolution pour pouvoir s’offrir une protection ou la rangée de dents optimale… Sachant que payer la plus chère des évolutions ne signifiera pas spécialement obtenir la plus adaptée, et ne sera pas sans conséquences sur d’autres statistiques. Par exemple, une armure lourde offrira une défense maximale, mais pas vraiment de rapidité ou d’agilité. A noter que cette partie, très expérimentale et pas mal intéressante, résultera très souvent en un petit fou rire à la vue de la nouvelle tronche de la créature une fois l’évolution acquise et affichée. En face, nous retrouvons tout ce qui fait un monde : des créatures paisibles, souvent fuyantes, qui ne répliqueront que si on les attaque, et celles qui, guidées par leur instinct carnassier, s’en prendront directement avec tout ce qui font d’eux des saletés sanguinaires. Rapides, forts, ils n’hésiteront pas une seconde à nous liquider pour la simple vue du sang. A nous de réagir en conséquence et de leur montrer qui est en haut de la chaîne alimentaire. Pas trop d’inquiétude cependant, puisqu’il n’y a pas de Game Over dans E.V.O. : Gaïa nous ressuscitera contre la moitié de nos points d’expériences durement gagnés.

Le jeu est ainsi séparé en différents gros chapitres, eux même divisés en un certain nombre de niveaux dans lequel nous pourrons aller et venir à notre guise. Si la première partie se passe exclusivement dans l’eau, la volonté de conquête des terres nous fera rapidement sortir des mers pour nous faire pousser des pattes, et ceci d’une manière encore plus fulgurante que dans le mythique clip de Fatboy Slim. Ici la faculté de sauter prendra tout son sens et le jeu prendra son final pour nos offrir bon nombre de séquences de plate-formes, et encore, bien entendu, d’affrontements contre des bêtes aussi rampantes que volantes et toujours plus puissantes. Une fois encore, il va falloir tirer parti des possibilités qui nous sont offertes. Pour chaque fin de chapitre et parfois en cours de celui-ci, un boss mettra en miette notre soi-disant supériorité en nous liquidant froidement et en nous mettant face au problème principal du jeu : les niveaux sont bien trop courts, les bestioles que nous affrontons nous donnent bien trop peu de points d’expériences, et les boss sont des monstres bourrés d’énergie. En résulte, pour progresser, de nombreuses phases de grinding, d’allers retours et d’expérimentations afin de dénicher quelle la meilleure évolution pour détruire sans trop de peine le boss qui garde férocement l’accès au prochain monde.

D’avantage de niveaux ou alors une grosse extension de ceux-ci n’aurait pas été du luxe, d’autant pas été du luxe, car à force de les parcourir sans arrêt pour faire spawner de la chair fraîche, on finit irrémédiablement par se lasser. On notera également la conception plutôt simpliste de ceux-ci, avec cette tendance parfois ennuyeuse de nous coller une ligne droite d’ennemis sans aucun monticule sur lequel grimper. Les rares donjons sont quant à eux parfaitement incompréhensibles, et oblige parfois à ressortir le papier et le crayon pour noter les différents embranchements. Mauvais point pour le level-design donc, qui vient gâcher ensemble pourtant sympa à jouer. Pour remonter ça, on pourra compter un temps soit peu sur des graphismes plutôt convaincants, avec ses décors parfois (trop) répétitifs et ces multiples bestioles rigolotes, mais également sur ses musiques reprises de la version PC-9801, composées par Koichi “Dragon Quest” Sugiyama, malheureusement trop peu nombreuses, et répétées que trop souvent dans certains chapitres, mais dont on retiendra tout de même le thème d’ouverture, absolument splendide.

E.V.O. : Search for Eden
Appréciation
Malgré un abatage de mauvaises cartes, E.V.O. : Search for Eden propose au final, en plus d’un concept vraiment original et un gameplay plutôt simple mais agréable, une ambiance très marquée et très attachante. Souvent drôle de par les choix du joueur pour la “conception” de sa créature ainsi qu'avec les NPCs rencontrés, le jeu s’habille d’un univers étrange qui mêle mythologie, science ainsi que pas mal de fiction avec cette histoire parallèle qui se tisse au fur et à mesure que l’on parcourt la trame principale pour rejoindre Gaïa. La vision globale proposée par le titre s’avère plus ou moins optimiste vis à vis de notre passé mais également de notre avenir… Sans pour autant aller bousculer celle proposée par "Il était une fois… l’Homme", rassurons nous. Puis zut, contrôler un poisson, puis quelques temps plus tard, un dinosaure mauve avec des pics partout, c’était quand même trop la classe, et cela n’a jamais été reproposé concrètement depuis. Et ça, on ne pourra pas lui retirer, et c’est ce qu’il fera éternellement son intérêt, si ce n’est autre que de jouer à un jeu fort sympathique, quoiqu’un peu redondant.
Points forts
Concept original
Parfois drôle
Points faibles
Pas très poussé
Un peu trop de grinding