[dropcaps style=’2′]A la base, Spec Ops n’était qu’une simple série de jeux d’action assez sommaires dont la majeure partie des opus ont vu le jour sur la première Playstation. Une saga de seconde voire troisième zone, vite oubliée, dont rien ne laissait entrevoir un tel retour, d’autant plus que Spec Ops n’est pas vraiment un nom qui vend. Pourtant, 2K a décidé de faire appel aux allemands du studio Yager pour donner un nouveau souffle à celle-ci… Et ces derniers ont démontré avec un énorme culot que les apparences sont parfois trompeuses. Très trompeuses, même. C’est vrai, en apparence, Spec Ops : The Line ne paye pas de mine. Comme ça, on dirait juste un nouveau TPS lambda jeté dans la mare, surfant sur le succès des Gears of War pour essayer de percer. Dans la forme, ce n’est pas faux : il s’agit bien là d’un jeu de tir à la troisième personne des plus classiques.[/dropcaps]
Le gameplay s’avère être tout à fait honnête, puisqu’il s’inspire du modèle cité plus haut, mais concrètement, n’a pas grand chose de remarquable. A vrai dire, on pourrait même regretter certains choix de jouabilité assez gênants… Déjà, le système de couverture peut dérouter, puisque pour se mettre à couvert, il faut utiliser le bouton A (sur une manette Microsoft), qui est aussi la touche servant à accélérer. Résultat : parfois, alors que vous êtes sous les feus adverses, vous voudrez courir pour trouver refuge… mais non, comme il y avait un petit muret à côté, votre personnage va préférer s’adosser sur celui-ci. Inversement, vous souhaiterez parfois vous couvrir derrière un pan de mur mais là, le personnage va taper un sprint et s’exposer plus que jamais aux assauts. On peut également constater le même phénomène pour la touche du combat au corps-à-corps qui est associée à la même que pour passer par dessus un muret ou un grillage… Parfois, pris dans le feu de l’action et précipité par les événements, vous risquez fort de vous tromper et ceci peut vous coûter cher, sachant que peu de balles vous suffiront pour trépasser.
Honnêtement, quand on joue à des difficultés supérieures, cela peut vraiment agacer. D’autant plus que rien qu’en mode normal, le jeu offre déjà une belle résistance. Et dites-vous qu’il y a deux autres modes de difficulté au-dessus (dont un à débloquer), qui proposent vraiment un fort challenge… Pour ce qui est du mode facile, vous le traverserez d’une traite sans trop de problème. Le joueur qui ne veut pas se prendre la tête sur certaines gunfights y trouvera donc son compte, mais les autres se priveront de challenge avec ce mode, ce qui est un peu dommage. Il ne faut toutefois pas bouder notre plaisir malgré ces quelques bévues, car sinon, la jouabilité est très correcte et procure tout de même une bonne dose de fun lors de certaines séquences. Ceci dit, il faut admettre que le jeu manque un poil de variété, et là-dessus, ne tient pas vraiment la comparaison avec la campagne solo d’un Gears of War 2, d’un Vanquish voire même d’un Binary Domain, qui proposent des scènes plus diversifiées qu’ici. Il y a bien des passages qui sortent un peu des sentiers battus (en hélicoptère, en camion, ou du tir au mortier…) mais ceux-ci sont isolés et le reste est plus monotone, ou tout du moins, plus « commun ». En outre, la campagne solo est franchement courte, puisqu’elle peut s’achever en un peu plus de quatre heures seulement. Après, en choisissant une bonne difficulté, il faut compter plus que ça puisque vous serez forcés de recommencer plusieurs passages avec les nombreux Game Overs.
On aurait donc aimé un petit peu plus de « folie » dans cette campagne solo, même si c’est vrai qu’à cause de sa faible durée de vie, elle n’a pas vraiment le temps de se montrer répétitive non plus. Il faut malgré tout reconnaitre que les gunfights sont bien nerveuses, et que les développeurs ont su créer des niveaux souvent verticaux utilisés avec brio. Et si on ne peut porter que deux armes sur soi (en plus des grenades), celles-ci sont plutôt nombreuses au sein de l’arsenal du jeu. Au rayon des bonnes idées, notons que l’on peut donner des ordres à nos alliés (d’ailleurs pas trop mal gérés, tout comme les ennemis, qui varient un minimum leurs attaques) pour qu’ils attaquent un soldat précis. Par ailleurs, il faut soigner ceux-ci au plus vite lorsqu’ils sont blessés, dans le cas contraire, leur mort entraine également la fin de la partie. On note enfin la vraie originalité que sont les tempêtes de sables, qui surviennent à certains instants du jeu et résèrvent quelques moments mémorables. Tempêtes de sable, oui, car comme vous avez pu le remarquer grâce aux screens, ce nouveau Spec Ops s’offre un cadre de jeu original : un Dubai dévasté par la tempête, enseveli sous une tonne de sable, dont seuls les immenses buildings ressortent de ce paysage incroyable. Car en dépit d’un moteur graphique pas toujours au top (la modélisation des personnages ainsi que certaines textures laissent plutôt à désirer), l’Unreal Engine 3 commençant à se faire vieux, le jeu réussit à impressionner par sa très bonne direction artistique et son contexte fou. Certains décors en mettent clairement plein la vue.
La bande-son est elle aussi bien dans le ton, avec du rock des années 60-70 pour parfaitement soutenir l’action, et parfois, des mélodies plus effacées selon les situations. On retrouve The Black Angels ou encore même Jimmy Hendrix… Spec Ops : The Line sent l’odeur des meilleurs films de guerre, et ne s’en cache pas avec certaines références à l’inévitable Apocalypse Now. Alors, effectivement, il a des défauts, que j’ai déjà cités. Mais le titre est aussi pétri de qualités, et je n’ai pas encore parlé de la dernière, qui est finalement celle qui est la plus marquante : son scénario, tout simplement. Ne faites pas cette tête : oui, un TPS de 2012 dispose d’un véritable scénario de fond. Et, de la première image de l’introduction au prologue, il est rempli de détails lourds de sens. Le jeu démarre sur un ton volontairement jovial et classique, avec le capitaine Walker, accompagné par deux de ses alliés de la Delta Force, qui va à Dubai pour une mission de sauvetage. La première heure est ainsi plutôt basique, mais au fil du jeu, la plongée dans l’enfer de la guerre est marquante, traumatisante pour le héros… mais aussi pour le joueur. Fait rare dans un jeu vidéo, on peut réellement ressentir de l’empathie pour les personnages. La psychologie de ceux-ci est très marquée et parvient à susciter des émotions chez le joueurs lors de certaines scènes qui montrent l’horreur de la guerre sous des coutures peu habituelles pour un jeu de ce genre.
Ici, nous sommes bien loin d’un Call of Duty, d’un Battlefield ou de 99% des jeux de tir en terme de réflexion. Le message que veut faire passer Yager ici est fort, et les questions posées par le jeu le sont tout autant. Y a-t-il vraiment des héros et des méchants dans une guerre ? La réponse est inéluctable et met un joli pied de nez aux autres jeux de guerre. Là où ce Spec Ops est encore plus puissant, c’est que les subtilités de son scénario sont disséminées partout durant la campagne : dans les temps de chargements, dans des panneaux publicitaires pouvant sembler anodins, durant une fondue suivant un chargement, à l’intérieur des éternels documents à retrouver un peu partout dans le jeu (qui sont ici vraiment utiles à la compréhension globale de l’histoire) ou même… dans certains écrans de Game Over. La conclusion, elle, constitue l’apogée de tout ce travail remarquable. La fin de Spec Ops : The Line fait sans doute partie des plus réussies et des plus marquantes vues dans un jeu vidéo (elle donne par ailleurs lieu à quatre autres fins différentes). Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’un jeu de tir « basique ». Celui-ci se vit autant qu’il se joue… et une fois que vous l’aurez fini, il risque fortement de vous rester en tête au moins un petit moment.
Note : Pour ceux qui ont fini le jeu, retrouvez mon analyse du scénario du jeu ici.