The Saboteur

En voiture, Simone

Genre
TPS / Infiltration
Développpeur
Pandemic Studios
Éditeur
Electronic Arts
Année de sortie
2009

Lorsque l’on associe jeu-vidéo et seconde guerre mondiale, on tombera assurément sur des FPS avec l’uchronie des Wolfenstein, aux premiers Call of Duty ou encore, du côté de chez Electronic Arts, aux Medal of Honor. La période, très chère à l’éditeur depuis maintenant longtemps, aura mainte fois été traitée par ses nombreux studios internes, de DreamWorks Interactive à DICE, en passant, fin 2009, par Pandemic Studios, pour leur ultime création avant une fermeture brutale et définitive par le courroux de l’économie. Le développeur, à qui l’on devait notamment la suite de Battlezone ou les deux hilarants Destroy All Humans!, avait en effet, avec The Saboteur, décidé d’aborder le conflit non pas sous l’angle d’un énième et bien trop vu soldat américain, mais bien au travers d’un monsieur tout le monde – mais pas trop quand même – œuvrant dans l’ombre pour la Résistance et les services secrets en lutte contre l’occupant nazi. Le résultat mine de rien, dix ans plus tard, reste encore digne d’y passer quelques heures.

The Saboteur nous plonge donc en plein Paris occupé par l’Allemagne nazie – l’année n’est pas précisée – et nous propose de suivre la quête de vengeance de Sean Devlin, pilote automobile irlandais de son état. Alors qu’il boit comme un trou accoudé au bar du Belle, un cabaret de Pigalle très affectionné par la junte militaire de l’Axe, il est accosté et pris en pitié par Luc, résistant dans l’ombre, et bien décidé à faire rejoindre notre protagoniste dans ses rangs et ce malgré le défaitisme de se dernier. Et pour cause : maintenant ex-pilote, il a dû fuir puis se cacher de la Gestapo pour avoir mis le nez dans les affaires d’un très haut gradé nommé Dierker à la suite d’une affaire de tricherie durant une course entre les deux hommes. Pire encore, dans la bataille, son meilleur ami a été sauvagement tué. Sean s’en voulant énormément pour tout cela, il souhaite avant tout la mort de Dierker. Et il se trouve que Luc a des informations qui pourraient l’intéresser. Mais comme tout ce négocie ou se troque durant cette période sombre, notre irlandais va devoir rendre quelques menus services… Quelques broutilles au départ, qui vont rapidement se tourner, on s’en doute vers un enchaînement d’évènements qui vont donner un rôle plus important à Devlin et l’emmener aux quatre coins de Paris mais aussi, durant quelques missions, en dehors de la Ville Lumière, avec pas mal de rencontres avec les membres du réseau clandestin de résistants, mais aussi, Commonwealth oblige, avec le Special Operations Executive anglais.

Autant dire que si The Saboteur ne propose certes pas un scénario des plus alambiqués, il s’avère suffisamment efficace pour qu’on s’y penche et s’y implique durant la poignée d’heures qui constitue la trame du jeu. Sean est un héros sans grandes peurs, doublé d’un homme à femmes légèrement porté sur la chose sans être nécessairement trop lourd, et surtout disposé à prendre quelques bastos dans le bide et quelques chutes dans les rotules pour le peu qu’on lui donne des nazis à dézinguer. Et on va être servi. Mais le contexte général, à savoir la lutte interne contre l’occupant au sein même de Paris à la fin de la drôle de guerre, reste un sujet fort peu traité dans le jeu-vidéo, à l’exception peut-être du bien nommé Medal of Honor : Resistance, qui nous proposait de prendre les traits d’une résistante française, avec un passage mémorable au pied de la Tour Eiffel en début de jeu. Mais nous digressons… Évidemment ici, volonté romanesque et quelque peu explosive en tête, les approximations et égarements historiques sont légion, mais il faut saluer tout de même tout le travail de reconstitution de Paris en version réduite comme nous le préciserons plus bas, avec ici une discrète trouvaille visuelle pour symboliser le désespoir de ses habitants, avec une action qui se déroule, au début du moins, dans un univers, quasiment en noir et blanc, avec quelques éléments du décor qui ressortent en couleur, comme le rouge (…la couleur de la violence…) et qui appuient généralement l’écrasante propagande nazie… Ainsi que tous les moyens et conséquences mis en œuvre pour l’enrayer.

Paris occupé, Paris martyrisé, mais Paris nullement abandonné ! Pour répondre à sa quête de vengeance et d’obtention d’informations, et surtout que bon, il a plus grand chose à perdre, Sean va se rendre utile et va donc se voir confié toutes sortes de larcins et de tâches plus ou moins ingrates et dangereuses demandant de mettre les mains non pas dans le cambouis, mais bien dans le sang. Vous pensez Grand Theft Auto ? C’est le cas, mais pas que. The Saboteur est un open-world où il nous sera proposé tout un tas de missions qui passeront toujours par une petite balade pour aller à la rencontre à un point donné de la ville avec le chef de la résistance du quartier. La discussion terminée, on se rendra sur le lieu d’action et d’effectuer la demande. Sean est quand même plutôt débrouillard, conduisant bien entendu les voitures comme personne, maniant les armes comme il se doit et étant plutôt agile quand il s’agit de grimper sur les murs des bâtiments pour atteindre plus discrètement les lieux les plus surveillés. Pas la grâce d’un Altaïr dans Assassin’s Creed, mais suffisant pour courir sur les toits de Paris et s’agripper aux câbles tendus ici et là. Et pour la notion de saboteur en tant que telle, autant dire qu’il sait particulièrement bien exploser des trucs. Les missions se déroulent très classiquement, vu qu’il s’agira grossièrement de se préparer avec l’arsenal adéquat et aller réduire réduire en cendre une installation, sauver des gens ou en tuer, puis de fuir rapidement des lieux du méfait, les militaires et la Gestapo appréciant moyennement tout ce remue ménage.

Si le déroulant des missions reste demeure très classique en soit, le contexte, l’époque et les lieux restent là encore la grande force de The Saboteur. En effet, entre récupérer la bagnole d’un haut dignitaire pour la filer au marché noir près du Moulin Rouge, détruire une base d’accostage de dirigeables place des Vosges ou arrêter un autodafé sous l’Arc de Triomphe, nous allons voir du lieu historique et iconique, et ce vraiment beaucoup, mais pas nécessairement pour y faire du tourisme. Il nous arrivera d’ailleurs de s’échapper pendant quelques temps du tumulte de la grande ville pour se rendre dans d’autres coins de la zone occupée, notamment dans les contrées environnantes où d’autres installations demandent d’être quelque peu compromises. On notera d’ailleurs que le développeur, et en toute logique compte tenu des limitations techniques de 2009, a choisi de proposer ici une version réduite de Paris et ses environs géographiques, pour un résultat assez drôle et parfois déroutant, vu qu’on se retrouve directement au cœur de la Picardie en marchant un peu au nord de la butte Montmartre.

L’armée nazie s’est particulièrement bien installée, et maintenant, en plus des hauts-parleurs scandant la supériorité du troisième empire, les rues pullulent de soldats et de points de contrôles, et les toits de tours à sniper et de canons DCA. Comment accomplir nos sabotages et autres opérations coup de poing, et ce sans mourir, sera à la libre appréciation de celui ou celle qui tient la manette. The Saboteur propose en effet deux manières d’agir, et si parfois une viendra en remplacement de l’autre suite à une erreur ou par le scénario en lui-même, il sera possible d’aborder les missions de manière posée ou avec la méthode explosive. Pour la première, le titre dispose d’un système d’infiltration couplé à une barre de discrétion, où dans les parties « normales » de la ville, sortir une arme, tirer ou faire sauter quelque chose finira toujours par attirer l’attention voir une patrouille. Dans les zones dites « suspectes », entourées sur la carte d’un barbelé, il faudra vraiment se montrer discret ou tout simplement assommer un soldat afin de lui piquer ses vêtements… Et faire profil bas, ce qui ne sera pas toujours facile ou possible, les agents de la Gestapo cramant notre irlandais en trois secondes. D’où l’arrivée de la seconde méthode, à savoir faire parler la poudre, que cela soit pour se débloquer d’une situation fâcheuse ou simplement, notamment durant le mode libre, pour gagner un peu de points de contrebande. Ces derniers, obtenus par exemple en détruisant tout élément cité au dessus ou en sauvant un civil d’une exécution sommaire, permettront de débloquer et d’acheter du nouvel équipement.

Tout cela mis bout à bout, difficile de nier que le titre de Pandemic Studios est un jeu fun et plutôt varié, avec beaucoup de moments épiques, notamment durant les moments d’alerte maximale où le seul moyen de faire retomber la pression sera de prendre les armes avec les révoltés du moment qui ont barricadé un coin de la ville et qui se livrent à une lutte acharnée de leur côté. Si l’on compte le scénario principal, les missions annexes et tous les trucs à détruire dans toute la ville, autant dire que l’on va avoir de quoi s’occuper, même si ce dernier point ne plaira qu’aux personnes désirant de terminer le jeu à 100 %, tellement il y en a et tellement cela peut être rapidement lassant, à force. Techniquement, The Saboteur donne tout ce qu’il a pour un jeu de 2009, c’est à dire plutôt joli sur PC mais avec du clipping à tout va, pour des contrôles globalement sans grosses tares, si ce n’est quelques séquences d’escalade qui peuvent mal se passer à cause de corniches mal placées ou trop collées les unes trop proches des autres, les toitures parisiennes étant particulièrement sournoises en petits éléments bien casses-pieds.

The Saboteur
Appréciation
Malgré quelques errements dans un scénario assez classique, propulsé par une version entièrement française parfois pas trop dans le ton malgré la présence de grands doubleurs, The Saboteur reste encore de nous jours un titre tout ce qu’il y a plus d’honnête ainsi qu’un joli baroud d'honneur pour Pandemic Studios qui n'assistera même pas à la sortie de son propre jeu, le développeur ayant fermé ses portes quelques mois avant. Loin d’être parfait, avec des inspirations évidentes des gros jeux populaires de l’époque, il n’en reste pas moins un titre très fun, avec pas mal de variété dans son gameplay, et se déroulant dans un univers d’autant plus intéressant vu son contexte historique et les lieux reconstitués dans cette version de poche de Paris et ses environs. Pour un peu plus de dix heures d’action bien pêchue et sans interruption pour une difficulté juste comme il faut, on peut franchement pas trouver de quoi en redire.
Points forts
Le contexte historique
Plein de moments épiques
Gameplay varié
Contrôles globalement bons
Points faibles
Une VF pas toujours dans le ton
Quelques ratés dans le plateforming
Des objectifs annexes un brin lassants