Heavy Rain – Avis de Linanounette

Adulé par les uns, décrié par les autres, Heavy Rain a été au cœur de l’actualité vidéoludique du mois de février 2010, du moins avant la sortie du « trèèèès » attendu God of War III (attention euphémisme inside). En guise de préambule à cet article, il me semblait intéressant de souligner qu’il est presque étonnant qu’un jeu qui, a priori, n’est pas grand public fasse autant de « buzz » et ce, dans de nombreux médias y compris les plus généralistes. Cela tend à prouver que, d’un point de vue marketing en tout cas, Heavy Rain est l’une des vraies réussites de 2010 et ce d’autant plus que cette campagne de communication a abouti en un vrai succès commercial. Apparemment novateur et inspiré, celui que certains ont qualifié de renouveau des jeux vidéo est-il vraiment à la hauteur de sa réputation ?

Heavy Rain est ce que l’on peut qualifier de récit interactif. Il met en scène quatre personnages dont les destins s’entremêlent sur la piste d’un mystérieux tueur aux origami dont le hobby principal et de noyer de jeunes garçons dans de l’eau de pluie (en octobre, pendant la saison des pluies, sinon ce ne serait bien évidemment pas drôle). Les éléments qui apportent à Heavy Rain sa particularité, son originalité, et donc son intérêt sont de trois ordres : son ambiance particulière, ses thématiques résolument plus adultes que ce à quoi nous sommes généralement habitués dans le jeu vidéo et enfin sa narration particulière.

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Dans Heavy Rain, vous ne dirigez pas un héros mais quatre :

– Ethan Mars, le père de la dernière proie du tueur, qui fera tout pour retrouver son fils à temps
– Scott Shelby, un détective privé qui souhaite aider les familles à retrouver le tueur
– Norman Jayden, un agent du FBI qui est sur la piste du tueur aux origami
– Madison Paige, une jeune photographe insomniaque qui ne trouve le repos que dans les chambres d’hôtel.

A cette liste de quatre personnages principaux, s’ajoutent des personnages secondaires qui, s’ils ne sont pas jouables, n’en demeurent pas moins importants à l’instar de Lauren la mère d’une des jeunes victimes ou bien Carter Blake le coéquipier de circonstance de Norman Jayden.

Le premier élément qui fait la force d’Heavy Rain saute aux yeux dès les premières minutes du jeu : il s’agit de son ambiance. Là où David Cage se différencie de la plupart des réalisations actuelles est qu’il prend son temps (une bonne heure) pour poser son intrigue et présenter celui qui fait figure de personnage principal : Ethan le père de famille. Celui-ci, suite à un drame personnel (à mon sens un peu « capillotracté »), se retrouvera à devoir endurer les pires épreuves pour espérer revoir son fils vivant. Ce qui correspond en fait à ce que l’on pourrait qualifier de « tutoriel » du jeu se passe dans la vie quotidienne de ce personnage qui se prépare à fêter l’anniversaire de son fils aîné avec toute sa famille, bien avant que la véritable histoire ne commence puisque l’intrigue réelle du jeu ne se déroulera que deux ans plus tard. Cette présentation du jeu et son univers est très agréablement soulignée par des tons chauds symbolisant le bonheur de toute la famille, tons chauds qui seront vite remplacés par le gris des orages et le temps de la souffrance pour le pauvre Ethan.

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Bref, Heavy Rain est un jeu à ambiance, qui dit ambiance dit émotion et là est le premier pari du jeu : jouer avec nos émotions, toucher aux choses les plus viscérales chez l’être humain à savoir la peur de la perte de l’être aimé. Dans Heavy Rain, la notion d’instinct paternel est au cœur de toute l’intrigue et, ressentir cette émotion c’est ce qui fera que le jeu dès le début fonctionnera (ou pas) auprès des joueurs. Bref, le titre de Quantic Dream amène une certaine dose d’implication émotionnelle de la part du joueur. Soyons clairs, si vous n’êtes pas touchés par le jeu, il aura du mal à vous séduire par ses mécaniques qui se reposent quasi uniquement sur cet élément. En effet, Heavy Rain, n’est pas un produit qui s’évalue de façon « objective » en faisant une revue de « tout ce qui fait un bon jeu vidéo », il fait partie de ces rares jeux qui, aussi imparfaits, qu’ils soient fonctionnent parce que le joueur, dont les émotions font écho avec celles des personnages virtuels, se sent impliqué dans l’aventure Cette mécanique est, dès lors, à double tranchant, car il suffit d’une maladresse dans le déroulement narratif pour nous faire sortir du jeu et, croyez-moi, parfois, il est difficile de rester impliqué…

Est-ce que cette implication émotionnelle fonctionne ? Vous pourrez me reprocher de faire une réponse de normande (de toute façon c’est le cas..) mais pour ce qui me concerne oui et non… Je m’explique : J’ai trouvé les ficelles du début du jeu un peu grosses, et du coup le jeu n’a pas fonctionné immédiatement pour moi. A contrario, d’autres personnes ont clairement été touchées, question de sensibilité probablement. Cependant, s’il y a bien une chose qu’il faut reconnaître à Heavy Rain, c’est qu’une fois le jeu vraiment lancé, il devient difficile de lâcher la manette malgré les défauts parfois criants du titre de Quantic Dream sur lesquels je reviendrai plus tard. Au-delà des émotions déclenchées par les événements-même du jeu, il y a cette atmosphère lourde et pesante qui nous suit tout au long de la partie. Cette atmosphère électrique et presque poisseuse du temps qui tourne à l’orage, mise en exergue par une bande son sympathique (mais répétitive) renforce le ressenti des joueurs, un peu comme en été, quand l’orage est sur le point d’éclater est que l’atmosphère en devient irrespirable. Bref, sous réserve de se laisser embarquer par son atmosphère, côté ambiance et implication du joueur, Heavy Rain, fait très fort…

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Comme je l’ai précisé un peu plus haut, ce n’est pas que par l’intermédiaire d’Ethan que vous vivez l’aventure de Quantic Dream. Autour de ce personnage un peu paumé gravitent d’autres acteurs importants du jeu qui, par effet de miroir, vont faire avancer l’intrigue en poursuivant eux aussi le tueur pour des motifs plus ou moins clairs d’ailleurs. Bien sûr, thriller oblige, chacun a ses petits secrets et des motifs plus ou moins valables de poursuivre le tueur mais tous, en tout cas, possèdent – à mon sens – un certain charisme. Cette narration à 16 mains (je vous laisse le soin de faire le calcul), est d’autant plus intéressante qu’elle permet au joueur d’obtenir de nouveaux éclairages sur l’histoire d’une part mais aussi qu’elle permet de vivre des scènes du jeu par l’intermédiaire de plusieurs personnages simultanément ce qui donne un véritable plus à certains passages. On peut toutefois déplorer le fait que les personnages ne soient pas tous traités de la même façon, en ce sens que si l’on comprend bien le « background » et les motivations de certains (Ethan en priorité), d’autres nous restent quasiment étrangers tant et si bien que leurs névroses, si elles apparaissent clairement, ne trouvent pas d’origine explicite dans le récit. Il est, par conséquent, plus difficile d’éprouver de l’empathie pour ces derniers. Les DLC autonomes devaient éclairer un peu nos lanternes, mais l’avenir a montré que Sony ne comptait pas laisser Quantic Dream finir leur récit. Et, à moins d’être fan du saucissonnage de jeu, tant mieux…