La Cité des Enfants Perdus fait partie de ces films dont la renommée s’est faite sur la durée. En ouvrant le festival de Cannes de 1995, en bénéficiant d’un budget (à l’époque) colossal de 17 millions d’euros, en étant le film proposant le plus gros volume d’images de synthèse, il était voué à rester dans l’imaginaire de beaucoup de spectateurs. L’esthétique très particulière des réalisations de Jeunet et Caro finissait de rendre le film unique en son genre. Ce n’est donc pas pour rien que Psygnosis sort moins de deux ans plus tard une adaptation en jeu vidéo. Une adaptation plus que prometteuse d’ailleurs.
Les spectateurs du film ne peuvent qu’être étonnés : le jeu reprend scrupuleusement l’esthétisme de son modèle. Par l’intermédiaire de décors en précalculés très détaillés, les développeurs ont réussi à reproduire plusieurs lieux majeurs du film. En 1997, le jeu est visuellement incroyable. Des années après, il le reste. Le précalculé offre des décors d’une précision fascinante et réussit à dupliquer l’ambiance très particulière de La Cité des Enfants Perdus. Les personnages sont, quant à eux, modélisés en 3D, de manière un peu plus grossière, mais reconnaissable. Le titre se joue tel un point and click, à ceci près que nous ne dirigeons pas une souris mais Miette. Héroïne du film, héroïne du jeu, elle doit résoudre tout une batterie d’énigmes pour progresser dans l’histoire. Très à la mode en 1997, la maniabilité “tank” est de rigueur, à savoir appuyer sur le haut de la croix directionnelle pour avancer. Et même si cette maniabilité dispose de ses détracteurs, une fois que l’on y est accommodé, elle se laisse dompter sans trop de souci. Malheureusement, une fois que nous laissons la splendeur des décors de côté, les premiers déplacements de Miette nous ramènent à la réalité.
Miette est particulièrement lente, que ce soit en marchant ou en courant. Il est donc nécessaire d’être patient, et précis : au moindre choc avec le décor, Miette s’arrête et glousse en reculant d’un pas. Nous obligeant à attendre la fin de son mouvement, pour repartir. La “hitbox” des décors n’étant clairement pas définie, les heurter devient malheureusement une habitude. D’autant que le jeu nous demande de les fouiller soigneusement pour trouver les objets nécessaires à notre progression. La plupart est difficilement discernable, quand certains sont tout simplement invisibles. Il est alors nécessaire de se promener absolument partout, jusqu’à ce qu’une petite fenêtre apparaisse dans un coin de l’écran, dévoilant un objet à prendre. Le cauchemar n’est alors pas terminé, puisque l’utilisation des objets se fait au pixel près sous peine d’entendre Miette nous dire “Je n’y arrive pas” ou encore « Impossible« . Probablement les phrases que nous entendrons le plus de toute l’aventure. Entre la lourdeur de la maniabilité, la lenteur de Miette, les collisions et les objets invisibles, jouer à La Cité des Enfants Perdus devient vite une plaie.
Le jeu tente pourtant de nous plaire. En commençant par son respect du film : les principaux personnages répondent présents, accompagnés de leurs doubleurs, en tout cas en version française. Cette dernière se révèle globalement de qualité, même si certains enchaînements manquent de naturel. Nous retrouvons vraiment tout l’univers de l’oeuvre de Jeunet et Caro, appuyé par des caméras, fixes, stratégiquement placées. Nous retrouvons des lieux familiers formidablement mis en valeur, à l’éclairage et aux couleurs particulièrement fidèles. Pas de musique : seuls les bruitages des environnements nous accompagnent, ce qui crée un sentiment de solitude plutôt cohérent avec l’univers. Les énigmes sont globalement logiques et demandent ce qu’il faut de jugeote pour résister sans énerver. Les plus courageux mettront entre trois et cinq heures pour aboutir au générique de fin, pour peu qu’ils ne restent pas bloqués à chercher un objet invisible…