Sorti en 1996 au Japon, Sakura Taisen est l’une des licences phares de Sega au Japon. Méconnu aux Etats-Unis et en Europe, le premier épisode a pourtant représenté le plus imposant budget de l’Histoire de Sega dans le domaine du jeu vidéo console. Rien que ça. Jeux vidéo, CD de musique, comédies musicales, anime et goodies en tout genre ont permis à la série d’obtenir une aura suffisamment conséquente pour exporter son cinquième volet, en 2010, en occident, soit après, tout de même, cinq ans de réflexion. Le Sakura Wars World Project, initié par Sakura Taisen V et son épisode 0, avait déjà été annulé en cours de route. Sega a alors mis 10 longues années à enfin proposer un tout nouvel épisode. Shin Sakura Taisen, ou tout simplement Sakura Wars sous nos latitudes, arrive en exclusivité sur Playstation 4. Difficile tâche qu’est la sienne d’allier 24 ans de traditions et le modernisme de la génération actuelle.
Dès le lancement, les fans sauront retrouver leurs marques tout en appréciant une liberté inédite. Suite à l’introduction chantée, nous retrouvons l’univers des Sakura Taisen, à savoir celui d’un Japon romancé, dont les décors rappellent le pays dans ses années 1920-30, mais dont la technologie serait bien plus avancée. Accessoirement, des démons attaquent régulièrement le monde. Les principales capitales ont créé des divisions spéciales, toutes équipées de robots géants, nommés les Kobus, afin de lutter contre l’envahisseur. Les épisodes précédents nous mettaient dans la peau de celles de Tokyo, Paris et New York. Ce nouveau volet nous apprendra qu’il existe, notamment, Berlin, Londres, Moscou et Shanghaï. Celle de Tokyo n’existe plus depuis 10 ans, laissant l’agence de Shanghaï assurer la défense de la capitale japonaise. Dans ce contexte, nous incarnons Seijuro Kamiyama, jeune capitaine sans navire, ce dernier ayant coulé récemment. Il est toutefois promu à la division des fleurs de Tokyo. Dirigée par l’emblématique Sumire Kanzaki – l’un des forts caractères des premiers épisodes – la division des fleurs tente de redorer son blason et de retrouver sa splendeur d’antan. Malheureusement, l’inexpérience de ses quatre membres et l’impossibilité pour Sumire de retourner au combat l’empêche de revenir sur le devant de la scène. Dans tous les sens du terme, puisque l’équipe, en guise de couverture et afin de redonner de la confiance au peuple japonais, se produit dans un théâtre. Le même que dans les précédents épisodes – légèrement réarrangé et aménagé pour l’occasion. L’équipe a donc besoin d’un meneur, nous.
Les premiers pas dans le jeu sont perturbants pour l’habitué de la série mais bien plus « 2020 » : Kamiyama peut se déplacer dans des environnements tout en 3D. Des déplacements certes limités mais adieu les personnages SD sur une carte ou les déplacements de curseurs. Il peut discuter avec tout PNJ disposant d’une bulle de dialogue. Dès lors qu’il entame la discussion, l’écran zoome sur l’interlocuteur – si tant est qu’il soit un minimum important – et nous retrouvons alors les phases de discussion d’avant. Toujours à ceci près que fini les dessins de Kôsuke Fujishima (Ah! My Goddess, Tales of Xillia, …) et bonjour les modélisations 3D basées sur le design de Tite Kubo (Bleach). Sakura Wars offre donc toujours son mode aventure durant lequel le héros vagabonde dans le théâtre, puis plus tard dans le quartier de Ginza, afin de discuter avec les différents membres de l’équipe et du staff. Pendant cette phase, il est vital de se lier d’amitié avec les membres de son équipe. Au travers de scénettes et surtout de dialogues à choix multiples, Kamiyama peut gagner la confiance de ses subalternes, ou la perdre. Cela aura une influence non négligeable sur leurs performances en combat et, évidemment, sur le déclenchement de dialogues spécifiques en cours de partie. Ne tournons pas autour du pot, la phase aventure des Sakura Taisen a toujours ressemblé, à s’y méprendre, à un Visual Novel. Ce nouveau volet le fait toutefois suffisamment évoluer pour désormais tutoyer les RPG. Le jeu foisonne de quêtes et discussions annexes, permettant de découvrir les différentes personnalités gravitant autour de l’équipe.
L’histoire, traditionnellement découpée en chapitres, en comporte ici huit. A l’exception du septième, tous proposent une forte partie Aventure puis un combat final. Si jusqu’à maintenant, Sakura Wars savait moderniser sa formule, le parti pris, ici, est de faire table rase du mode Tactical-RPG – Simulation RPG comme disent nos amis japonais – afin de le remplacer par de l’action pure et dure. Nous sommes donc aux commandes de Kamiyama et plus exactement de son Kôbu, équipé de deux sabres. Systématiquement épaulé par une des filles de l’équipe – en général imposée par l’histoire – Kamiyama doit se frayer un chemin à travers les donjons jusqu’au boss des lieux. La progression se fait comme un Beat’em up tout ce qu’il y a de plus classique, qui titille la série des Musô pour le nombre d’ennemis parfois à l’écran. Deux touches pour taper, une pour sauter, une pour un coup spéciale une fois la jauge dédiée à fond, un pour esquiver, un pour accélérer et enfin un dernier pour changer de personnage. Le pli se prend extrêmement vite, à l’exception de la caméra qu’il faudra apprendre à dompter au départ mais elle ne posera très vite plus aucun problème. Dynamiques, les combats le sont indubitablement. Kamiyama a même la capacité de ralentir le temps lorsqu’il effectue une esquive parfaite, à la Bayonetta, pouvant déboucher sur un coup fatal. Pas indispensable, mais intéressant, alterner entre les deux personnages peut s’avérer payant pour profiter des spécificités de chacun, et notamment des attaques spéciales, voire combinées plus tard dans le jeu.
Le système est plutôt bien conçu, et a été peaufiné depuis la réalisation de la démo jouable du Tokyo Game Show puisqu’un indispensable système de visée a fait son apparition. Les robots sont parfaitement animés et modélisés : Sakura Wars nous propose les combats tels que nous nous les imaginions dans les volets précédents. Le système, bien que répétitif, est difficilement attaquable. Sa redondance est indue par son principe de BTU, où il est nécessaire de dégommer tous les ennemis d’une salle pour atteindre la suivante. Malheureusement, c’est là que le bât commence à blesser. Afin de pallier à cette monotonie, nous aurions pu nous attendre à des environnements variés. Que nenni, le scénario nous impose de parcourir à plusieurs reprises des décors visuellement très proches, et, malheureusement, guère attrayants. L’impression de refaire sans cesse les mêmes lieux persiste un moment, d’autant que la difficulté du jeu est tout simplement inexistante. Ne pas obtenir un rang S au sortir d’une phase de combat relève de l’exploit. Vite ennuyeux, pas spécialement attrayants, sans aucun challenge, les affrontements se veulent vite le point faible de chaque chapitre. Et ne parlons pas des boss – nouvelle faute de goût : le même boss revient 3 fois sur les 8 chapitres – pouvant, pour la plupart, être démolis en une super attaque gardée au chaud pour l’occasion. Aberrant.
Les défauts de ce Sakura Taisen ne s’arrêtent malheureusement pas là. Chaque épisode nous a toujours opposé à une troupe de méchants charismatiques, chacun bien différent et au design marqué. Ici, le nombre d’adversaires diminue, et une fois occis, leurs motivations laissent perplexe. L’ombre de Sakura Taisen 1 & 2 planent sur l’histoire de ce nouveau volet à tel point que cela en devient forcé dans la seconde partie. Nous pouvions lire un peu partout que Sega tentait un reboot : pas au niveau de l’histoire en tout cas, puisque celle-ci s’appuie fortement sur les premiers volets. Et notamment les épisodes se passant au Japon, 1 & 2 (le 4 est à part). Les 3 et 5 sont abordés au travers de portraits à collectionner, sournoisement cachés dans les décors ou au sortir d’une discussion. Il n’est d’ailleurs pas exclu que, si prochain épisode il y a, le casting précédent refasse surface. En parlant de casting, à contrario, les auteurs de Sega ont su en proposer un tout à fait honorable. L’équipe de New York avait un peu déçu. Sakura, Hatsuho, Anastasia, Azumi et Clarissa de cette nouvelle équipe ont tout à fait leur place dans la série. Sega a fait en sorte de respecter la coutume, une (grande) fille d’Europe de l’est (Anastasia), une enfant Azumi (envers laquelle Kamiyama a plus un rôle de grand frère, soyez rassuré(e)), une héroïne un peu gauche (Sakura et une francophone (Clarissa vient du Luxembourg). Chacune a bien son propre caractère, qui fait qu’un même type de réponse n’aura pas du tout le même impact en fonction de l’interlocutrice. Pas de sans faute sur ce point-là, Kamiyama se voulant malheureusement bien moins charismatique que son prédécesseur, Ichiro Ôgami, quand bien même beaucoup de réponses nous sont laissées.
Terminer Sakura Wars tient à une douzaine d’heures. Nous pouvons grimper à dix sept, dix huit en s’assurant de réaliser un maximum de quêtes annexes. En somme, cela l’inscrit dans la moyenne haute de la série. Cinq filles dans l’équipe, donc cinq fins différentes. L’affinité se travaille au long des sept premiers chapitres, débloquant ainsi autant de choix possibles à un moment-clé et déterminant alors le dénouement. La série est réputée pour proposer des mini-jeux en cours d’aventure. Ils se résument ici à deux, un jeu de Hanafuda – hérité des épisodes précédents – et un simulateur de combats. Le premier est un jeu dans le jeu, avec ses deux modes de difficulté et l’intégralité du casting à affronter. Passionnant et vite addictif, il assomme l’horrible simulateur. Ce dernier propose juste de refaire toutes les phases de combats du jeu, mais en compagnie d’une fille différente. Cela donne donc plus de 45 affrontements à faire, si tant est qu’obtenir le platine soit une lubie. Certes, il est possible de gonfler les affinités grâce à lui, mais quel ennui. Ces deux jeux seront essentiellement à réaliser en New Game +, ce dernier permettant de recommencer pour compléter notre collection de portraits et de scènes (elles sont numérotées et disponibles à tout moment une fois découvertes).
Alternant entre les bons et les mauvais points, ce Sakura Wars a semble-t-il les fesses entre deux chaises, partagé entre son obligation de contenter les fans et son envie de modifier sa formule. En résultent une phase Aventure réussie mais des combats ennuyeux dès la fin une première fois atteinte, un casting féminin réussi mais un héros moins attachant, et un mini-jeu excellent, hérité de la série, mais un autre inédit et inintéressant. Seul point inattaquable, la bande son. L’excellence de l’opening, presque une marque de fabrique, laisse augurer une réussite. C’est le cas, doublage japonais comme toujours impeccable et musiques toujours de circonstance. Les seiyuu tombent toujours justes et épousent parfaitement le caractère de chacun et chacune. Les thèmes épiques, pour la plupart, repris de la série et légèrement modifiés, répondent présents. Le jeu offre finalement très peu de chansons mais pas de quoi nous gêner outre mesure.
Alors quoi penser de ce Sakura Taisen en demi-teinte ? Qu’il est difficile de féliciter complètement Sega pour le virage pris dans les combats. Beaux et dynamiques, ils n’en font pas pour autant oublier leur répétitivité et le manque de diversité des lieux et des ennemis. Le mode Aventure reste quant à lui fidèle à lui-même, tout en proposant désormais des environnements tout en 3D. Le jeu n’est pas une perle graphique, mais le style de Tite Kubo se reconnaît sans mal et l’arrivée de la 3D se fait très naturellement. Très, trop, simple, il représente un épisode suffisamment agréable pour permettre aux vieux de la vieille de retrouver leurs marques et aux nouveaux arrivants de prendre du plaisir. Heureusement, il ne faudrait pas leur dire que la série a su proposer tellement mieux. Gageons que Sega se risquera à une suite, tout en écoutant suffisamment les critiques pour rappeler les combats tactiques…