[dropcaps style=’2′]En 1999 sortait Final Fantasy VIII, nouvel opus de la saga phare de Squaresoft, ayant la lourde tâche de succéder au très acclamé septième volet. Loin de vouloir se reposer sur leurs lauriers, les développeurs ont au contraire pris une grande dose de risque en modifiant plusieurs aspects importants dans un RPG, ce qui causa par ailleurs une certaine division au sein des fans de la série à sa sortie. Et encore maintenant, puisque Final Fantasy VIII continue de faire parfois l’objet de débats très animés… Les développeurs de Squaresoft étaient, à cette époque, réputés comme étant les plus créatifs et les plus audacieux dans le domaine du jeu de rôle, et fort de leurs multiples succès engendrés durant la génération de la Super Nintendo, devaient s’assurer de conserver la qualité de sa série phare, Final Fantasy, intacte à chaque nouvel opus. Le studio devait bien ça à cette saga qui l’avait sauvé de sa misère plus de dix ans avant la sortie de FFVIII, après tout. Pourtant, ce dernier volet recèle de prises de risque diverses et d’innovations qui tranchèrent radicalement avec les épisodes précédents. Mais nous reviendrons là-dessus au fur et à mesure du test.[/dropcaps]
Car il y a un premier point essentiel à aborder lorsque l’on parle de ce jeu, et surtout, un domaine dans lequel Squaresoft était alors devenu un maitre : les graphismes. Si Final Fantasy VII était l’un des premiers jeux vidéo à incorporer des cinématiques en images de synthèse, celles-ci sembleraient presque ridicules face à celles de ce huitième volet… En 1999, les cinématiques de FFVIII étaient juste totalement hallucinantes, et nous mettaient une sacré claque dans la figure comme on en avait peu l’habitude. Dès la magnifique introduction du jeu, rythmée par Liberi Fatali, une composition orchestrale qui figure sans aucun doute parmi les plus réussies de Nobuo Uematsu, nous sommes emmenés dans une cinématique splendide qui nous scotche littéralement devant notre écran…
Mais ça ne s’arrête pas là ! Car in-game, la comparaison graphique avec Final Fantasy VII fait également très mal au dernier cité. Les personnages sont ici très largement mieux modélisés, et arborent un style davantage mature, qui change radicalement du SD. Les environnements sont eux aussi souvent très jolis, même si généralement, les maps sont plus petites et s’avèrent donc être moins imposantes que les décors d’un Final Fantasy IX, par exemple. Le fait que les maps soient si petites est d’ailleurs un petit problème dans le sens où les chargements entre chacune d’entre-elles sont bien moins rapides que dans les deux autres opus Playstation… Ainsi, il faut en général compter entre quatre et cinq secondes entre chaque lieu, ce qui finit parfois par embêter et surtout, à nuire à l’exploration. Notamment dans les villes, souvent très jolies et variées (ça va d’une ville inspirée de Paris à un village souterrain…) mais découpée en de multiples parties de modeste taille. Evidemment, ceci n’est qu’un détail mineur, mais qui doit tout de même être souligné. Le reste est ceci dit très propre, et par ailleurs, Final Fantasy VIII est mieux programmé que ses deux compères, avec notamment beaucoup moins de bugs ou soucis techniques à déplorer. Tant mieux !
Avant de passer aux systèmes de jeu, attardons-nous sur l’histoire proposée ici. Encore une fois, force est de constater que cette dernière tranche nettement avec celles qui nous étaient contées dans les épisodes précédents. L’univers est également bien différent, et le jeu est imprégné d’une ambiance plutôt singulière, plus mature qu’à l’accoutumée. Squall, notre jeune héros, est un jeune diplômé de la BGU, une université qui a pour but de former des mercenaires. Il y a plusieurs universités de ce genre dans le monde de FFVIII, et les rencontres avec les autres s’annoncent donc prometteuses, puisque sans spoiler, celles-ci sont dotées de spécificités… surprenantes. Mais concentrons-nous sur Squall, ce garçon ténébreux et taciturne qui chasse des T-Rex dans le jardin de son université (la routine, quoi). Au début, il n’a tout simplement pas d’ami. Pour lui, parler à autrui n’est qu’une perte de temps, une activité sans intérêt, et il préfère par conséquent vivre en solitaire. Cette personnalité assez atypique a divisé l’opinion des joueurs : certains l’adoraient car ils pouvaient parfois facilement s’identifier à lui, mais ceux qui y jouent aujourd’hui trouveront probablement son caractère trop classique. Pourtant, il y a plus de dix ans, c’était un héros finalement assez original pour dans le monde du J-RPG. Cela change du blondinet qui veut sauver tout le monde et en profiter pour se faire un tas d’amis… et ce n’est, à mon humble avis, franchement pas plus mal.
Le reste du casting est par contre plus mitigé. Nous avons Zell (que l’on voit sur la première image de cet article), le type au caractère explosif qui est toujours très très actif, et à la recherche de bretzels pour s’empiffrer. C’est peut-être le plus amusant de la troupe, et il est à l’opposé de la personnalité de Squall. Il y a aussi Irvine, qui lui adopte un style de cow-boy refoulé et est recruté dans l’équipe grâce à son maniement des armes à feu. Il cache cependant une certaine fébrilité que l’on découvrira durant l’histoire. Quistis, une professeur de la BGU, s’arme quant à elle d’un fouet plutôt intimidant. Enfin, il y a Selphie, qui est un peu l’équivalent féminin de Zell, si on veut (et s’avère être un personnage d’un genre assez récurrent dans la série…). Ces quatre autres personnages jouables sont cependant peu marquants, car au final, contrairement aux personnages de Final Fantasy VI ou VII leur histoire n’est soit quasiment pas racontée, soit trop vite expédiée (bien qu’il y aura des explications de scénario assez ambigües, au demeurant…), et donc, on s’y attache forcément moins. On pourra ceci dit toujours en apprécier quelques uns, par choix de look ou pour leur style de combat, mais leur personnalité en soi est malheureusement vite reléguée au second plan. Pour les personnages de troisième zone, on sera par contre heureux de retrouver des références aux anciens opus, comme Wedge et Biggs (qui sont eux mêmes des références à Star Wars, dont étaient fans beaucoup de développeurs chez Squaresoft).
Ceux qui connaissent le jeu doivent se demander si je suis fou… Non, ne vous inquiétez pas, j’ai volontairement gardé les autres personnages essentiels pour la suite ! Effectivement, Zell, Irvine, Quistis et Selphie ne sont pas les seuls protagonistes autres que le héros du jeu. Je dirai qu’il y a trois autres noms importants à retenir, même si d’autres, plus discrets, s’ajoutent également à ce casting pour l’étoffer. En premier, parlons de Seifer. Celui-ci est typique du rival du héros, le leader charismatique qui se sent supérieur aux autres, plein d’arrogance et jamais avare en phrases hautaines. Il aura vite fait de basculer de l’autre côté, sans trop de surprise. Mais ce n’est jamais vraiment un pur « méchant » : plus un type un peu perdu par ses envies démesurées de pouvoir et de reconnaissance. Ses apparitions ne manquent parfois pas d’humour… Ensuite, Laguna (accompagné par ses deux acolytes, mais qui sont moins importants), qui est un chainon essentiel de l’histoire. On ne le joue que de manière partielle, dans des sortes de rêve que fait Squall à plusieurs reprises, avant de rencontrer Laguna pour de vrai. Il se présente comme un personnage aventureux, assez maladroit, mais aussi doté d’un grand coeur. Les histoires amoureuses dont il fait partie sont également pleines de sens dans le background de Final Fantasy VIII, car le parallèle avec la propre histoire de Squall apparait comme inévitable.
Pour finir, il est impératif de parler de Linoa (Rinoa en version US), un personnage central du jeu. Elle est le moteur même de l’histoire. Cette dernière va vite se focaliser sur la relation Linoa – Squall, en effet, au détriment des autres personnages. Mais cette volonté de mettre ces deux-là en avant n’est pourtant pas vraiment un défaut. Les autres restent impliqués dans les dialogues, mais c’est définitivement Linoa qui va insuffler le rythme du scénario et lui permettre se prendre son envol. L’histoire d’amour entre les deux protagonistes se fait de façon aussi savoureuse qu’inéluctable, car même si le cliché n’est jamais très loin, c’est tellement bien raconté qu’on n’y prête guère d’attention (mention spéciale tout de même à la version US où le tout est mieux traité que dans la version FR), mais c’est bien là tout le charme du jeu. Linoa est un personnage tendre et attachant, qui figure selon moi parmi les plus réussis de toute la série. Le mystère qui l’entoure couplé à sa gentillesse et son innocence en font une héroïne inoubliable sur de nombreux points. Si vous l’appréciez ainsi que Squall, nul doute que vous serez vous aussi conquis par ce duo et leur histoire… Pour finir, le fond de la trame tourne également autour d’Ultimecia, la sorcière qui semble être votre principal ennemi, qui est très difficile à appréhender et certainement l’un des antagonistes les plus mystérieux et confidentiels de la série.
Certains le jugent brouillon, et pourtant, le scénario de ce FFVIII est véritablement excellent. Là où son génie réside, c’est qu’il fait bien plus dans l’implicite que les autres opus. La relation Squall – Laguna en est une belle démonstration, ou encore la morale sur la vie de Seifer, brièvement traitée dans la scène finale, mais lourde de sens si on se remémore le parcours de ce personnage. Le mystère qui englobe Linoa est encore bien plus particulier et a affolé des tas de fans qui se sont lancés dans la rédaction de moult théories sur le web, et si on ne peut guère trop s’avancer sur le sujet, le fait qu’il stimule autant notre imagination est assurément un point fort. Le jeu nous laisse penser ce que l’on veut, imaginer toutes les possibilités envisageables à propos des multiples sous-entendus de l’histoire, et ce de la mythique introduction à la fin qui elle aussi reste sujette à discussions. Il faut surement le refaire plusieurs fois pour bien saisir tout son intérêt, et c’est là une autre de ses forces. Forte de ses séquences poignantes, dont certaines sont devenues cultes (celle du bal !), l’histoire de Final Fantasy VIII est une réussite certes contestée, mais pourtant une réussite authentique.