Atelier Shallie

Atelier Shallie boxart

Même les plus grandes séries peuvent chuter. Atelier, qui a produit parmi les meilleurs RPGs de la génération PS3, la termine sans éclat. Entre pertes de repères et actes manqués, le crépuscule est sombre pour le dernier épisode en date. Atelier Shallie est le troisième (et dernier?) épisode de la trilogie Dusk entamée avec Atelier Ayesha et Atelier Escha&Logy. C’est le premier problème de ce jeu, puisqu’il clôt la trilogie de manière particulièrement insatisfaisante. Aucune des questions soulevées dans les deux précédents ne trouve de réponse : l’histoire de Linca n’est qu’effleurée, la vérité sur la sécheresse qui touche le monde à peine expliquée, on attend toujours une illustration claire des dérives passées de l’alchimie si souvent en toile de fond, Logy et Ayesha ont purement et simplement disparu des écran-radar.

Dans sa narration, cette suite ressemble davantage a un spin-off qui reprendrait certains personnages des précédents. Il comprend deux histoires distinctes, celle de Shalistella et Shalotte (diminutif Shallie pour les deux). Shalistella est l’archétype de l’héroïne Atelier classique, alors que Shalotte, plus joviale est dynamique, s’inscrit sur un registre plus moe. Malheureusement, aucune de ces deux approches n’est maîtrisée, et les différences très minces entre les deux aventures ne viennent pas relever l’intérêt. Shalotte est insupportable au bout de 2 chapitres et fait pâle figure face à Meruru par exemple. La partie Shalistella s’est révélée monotone (elle veut sauver son village, point barre). Plus largement, c’est tout le scénario qui ne décolle à aucun moment et qui m’a plus paru être au final une succession d’events au ton plus ou moins léger. Plus que moins d’ailleurs, car à chaque fois que Atelier Shallie essaie de se donner une tonalité un peu plus grave ou sérieuse, ça sonne faux.

Milka e

Faute à des enjeux anecdotiques et mal posés, mais surtout à des personnages qui ont largement perdu en profondeur. C’est simple, de tous les nouveaux arrivants, seule Miruca a fait l’objet d’un travail un peu consistant : c’est la seule à avoir une backstory un peu étoffée et pour qui on en vient à éprouver une véritable empathie. Les autres sont quasiment transparents, au point que les events et l’humour deviennent assez rasoir. Wilbell, Escha et Keithgriff reviennent mais leur rôle est tellement périphérique qu’ils n’apportent rien en dehors de de leurs capacités de combat. Reyfer fait une ou deux apparition bien trop discrètes, c’était pas vraiment la peine de le faire revenir pour 5 minutes…

Dans son gameplay général, Atelier Shallie change radicalement en plusieurs aspects. Déjà, il abandonne le temps limité pour revenir à une structure classique divisée en chapitres dans lesquels vous avez tout votre temps. Il y a deux écoles qui s’affrontent sur cette «problématique» : certains (comme moi) pensent que le temps limité faisait tout le sel du jeu et que le disparition de celui-ci appauvrit l’expérience, mais on peut aussi imaginer que les fans de JRPGs au sens plus large pourront en profiter plus tranquillement. Choisis ton camp, camarade! Pour favoriser toujours plus l’accessibilité, Gust a décidé d’adopter la méthode Xillia et laisser la difficulté modifiable à tout moment. Ce qui est plutôt bien, car si le jeu est généralement très simple pour les habitués (même en hard), le challenge augmente brusquement dans la dernière ligne droite, ce qui peut surprendre, voire choquer. Cet épisode introduit aussi une jauge de moral, mais je vous avouerais qu’après près de 70h passées sur 2 playthroughs, j’en cherche encore l’utilité et le fonctionnement…

Lifetask

A l’instar d’un Lightning Returns, vous ne gagnez plus (ou pratiquement pas) d’XP lors des combats! Toute l’expérience devra être glanée lors des Lifetasks, système d’objectifs très similaire à celui de Atelier Ayesha. Certains défis sont immédiats (fabriquer tel objet, utiliser telle action, faire apparaître tel trait alchimique, aller battre X monstres, explorer tel endroit, etc.), mais certains vont s’étendre sur le long terme. Même sans le paramètre temps, la gestion ne disparaît pas pour autant puisque vous aurez souvent dix, vingt, trente tâches disponibles en même temps, relativement variées de surcroît, qui vont sans cesse s’empiler les unes sur les autres car les unes débloquent les autres. Le formule prend donc malgré tout et la frénésie managériale occupe à plein temps, surtout que bien sûr il vous revient toujours de préparer et améliorer minutieusement votre inventaire si vous voulez faire face à l’adversité. Ceci dit, impossible de nier que la densité gameplay a quand même reculé. Un exemple tout bête mais qui m’a extrêmement choqué : à un moment s’ouvre un concours de pâtisserie et je m’attends naturellement à passer trois heures dans mon atelier pour faire le gâteau ultime. Que nenni! L’event se lance automatiquement et le trophée m’est filé gratos sans aucune action de ma part… là, médusé, je réalise que le Atelier que je connais appartient au passé. L’exploration est en outre rendue monotone par le temps infini, la désagréable impression d’être sur des rails (les quêtes principales sont vraiment envahissantes) et le level-design d’une platitude à faire peur : on ne sent plus l’appel de l’aventure et l’excitation de la découverte.

Les combats eux aussi se voient réformés sans qu’il y en ai eu le besoin (voir ci-dessus ma vidéo de gameplay préparée avec amour). Atelier Shallie introduit un système appelé Burst : à chaque fois que vous touchez l’ennemi, une jauge de Burst se remplit et quand celle-ci dépasse 100%, vous pouvez infliger de gros dégâts. Vous l’avez compris, c’est un système de Break comme on en voit partout depuis Final Fantasy XIII. Ca n’apporte vraiment rien, sinon du temps perdu entre les phases de Burst. Pire, l’ennemi peut freiner l’obtention du Burst s’il vous touche trop souvent, ce qui dans certains cas (heureusement très rares) donne envie de lancer sa manette contre le téléviseur. Sorti de ce «dérapage», notons que la phase de Burst vous permet sous certaines conditions de déclencher le Field Burst, sorte de cercle magique qui va booster vos stats pendant un temps donné : une innovation bienvenue qui dynamise les affrontements. Les combats restent fidèles à l’héritage de Dusk, c’est-à-dire suffisamment tactiques et nerveux pour passionner tout au long du jeu. Attention toutefois, comme je l’ai précisé, le jeu est assez simple avant la toute fin, ce qui est dû à la profusion des sorts de soin qui rendent la fabrication de nourriture et d’élixirs quasiment facultative. Ceci pourrait être toutefois ajusté si KoeiTecmo rend le mode No Hope disponible dès la sortie du jeu, Despair étant réservé au deuxième playthrough.

Shallie b

La bonne nouvelle, c’est que le jeu progresse encore visuellement, dans la droite lignée de Dusk. Si les décors apparaîtront encore une fois fades, les combats témoignent d’une bonne maîtrise aussi bien technique qu’artistique : la modélisation est fine, le niveau de détail plus que satisfaisant et les animations diablement réussies! La palette de coups des 8 personnages est plutôt variée, leurs mimiques sont drôles et les attaques assez spectaculaires. Toujours sur le plan artistique, les illustrations de Hidari sont toujours aussi appréciables et l’OST reste d’excellente facture, notamment sur les thèmes de combats très prenants.

Finissons sur la seule chose qui a été conservée telle quelle et c’est très bien : l’alchimie. Le système reprend celui de Atelier Escha&Logy avec les skills divisés en fonction des 4 éléments, sauf qu’ils sont encore plus identifiables et intuitifs qu’avant, ce qui offre une alchimie toujours plus claire et conséquemment plus précise, sans perdre en complexité par rapport à l’épisode précédent.

Atelier Shallie a tous les symptômes du jeu développé et sorti trop vite : manque de richesse, manque d’ambition mais aussi des bugs qui le font freezer encore 9 mois après sa sortie, Atelier a perdu son âme en chemin. Pas un mauvais jeu, ce nouvel Atelier n’en est pas moins une grande déception qui laisse beaucoup de regrets.