Theme Hospital

Les patients sont priés de rester patients

Genre
Gestion
Développeur
Bullfrog Productions
Éditeur
Electronic Arts
Année de sortie
1997

Lors de discussions abordant, non sans une pointe de nostalgie, les jeux de gestion du siècle passé, on en viendra systématiquement à parler de SimCity, de Sid Meier et son imagination débordante, ou encore du spatial et exigeant Elite, mais aussi un nombre assez conséquent d’œuvres conçues par Bullfrog Productions. Le studio britannique, fondé Les Edgar and Peter Molyneux, fût en effet un architecte non négligeable au genre, avec notamment leurs god games Populous, mais aussi une poignée de titres aussi loufoques que cultes, avec les Dungeon Keeper, Theme Park et évidemment, Theme Hospital, qui aura particulièrement marqué les esprits à sa sortie, et même encore aujourd’hui, que cela soit sur PC, son support de prédilection, et dans une moindre mesure sur PlayStation, où bon nombre de personnes ont poncé de nombreuses fois, faute de mieux, sa démo fournie avec le magazine officielle… Vous savez, le disque 22, avec Bomberman World ! Le jeu fêtant ses 25 bougies en cette année 2022 (ouch), voici l’occasion rêvée de revenir dessus pour une piqûre de rappel qu’on espère… Pas trop douloureuse !

Pour ce second et ultime volet de leur pourtant clinquante « Designer’s Series », Bullfrog est reparti de la base qui a fait tout le succès de Theme Park, pour l’appliquer, on l’aura deviné, au monde médical. Nous voilà donc à la tête, durant une série de niveaux, d’établissements hospitaliers, avec pour mission de soigner les gens bien entendu, mais aussi maintenir une trésorerie conséquente et une rentabilité certaine tout en s’assurant de garantir au plus haut, une réputation la plus respectable possible… Au risque, sinon, de mettre la clef sous la porte et finir sous les feux des scandales. Pour répondre à toutes ces attentes, il faudra, à partir des locaux sommaires et du budget mis à disposition en début de partie, aménager l’espace de salles proposant différents équipements, embaucher du personnel qualifié, penser à son bien être et sa motivation, mais aussi au confort des patients durant leur séjour, tout en oubliant pas de financer un tant soit peu la recherche pour trouver de nouveaux moyens efficaces de soigner les malades.

Et les patients, il va en arriver en grand nombre, avec des maux tous aussi différents les uns que les autres et, assez étonnement, dans un flot quasiment ininterrompu. Si l’idée était au départ de se baser sur des maladies existantes, Bullfrog a finalement et heureusement décidé d’en imaginer plutôt des fictives et surtout très humoristiques, avec des causes et symptômes aussi farfelus que drôles (grosse tête, invisibilité, pilosité plus qu’excessive…), bien souvent dues au départ à une simple maladresse, bêtise, ou à l’ingestion de substances douteuses. En découle, après une batterie d’examens, à des remèdes tout aussi rigolos… Et parfois violents. Mais sans toujours et encore une pointe d’humour, porté par un visuel cartoonesque et coloré, sans trace d’hémoglobine. Mention spéciale à l’inoubliable personne chargée des annonces, excellente dans sa version française, qui n’oubliera pas, entre deux demandes d’intervention, de sortir quelques cinglantes répliques.

Un humour qui aurait tendance à faire oublier que Theme Hospital est avant tout un jeu de gestion et de management particulièrement intransigeant. On l’a dit plus haut : à partir d’un beau chèque , d’un semblant de biens immobiliers, et l’aide précieuse d’un conseiller personnel, il faudra construire l’hôpital le plus efficace et le plus rentable possible en construisant salles de diagnostics et de soin, qui vont du bureau du généraliste au bloc opératoire, tout en passant par la pharmacie et le cabinet de psychiatrie, sans oublier tout un tas de pièces accueillant d’imposants équipements spéciaux, souvent très coûteux, qui permettent de une unique et rare maladie. Ne pas négliger ensuite le confort de tous, avec dans les couloirs, bancs, radiateurs, plantes et distributeurs de boissons (de marque KitKat…), et la mise à disposition de salles de repos suffisamment bien équipées pour maintenir au beau fixe la motivation des employés et de toilettes pour vous savez quoi y faire. Ensuite, logiquement, il faudra du personnel pour œuvrer à la sauvegarde de la santé et la vie. On dénombre quatre métiers différents : les hôtesses d’accueil, chargées d’informer et d’aiguiller les patients dans l’établissement, les agents d’entretien qui s’occupent du nettoyage, de la réparation des équipements et de l’arrosage des plantes, les infirmières qui préparent notamment les médicaments pour le soin de pas mal de maux, et enfin, c’est une évidence, les médecins, qui possèdent bien souvent une ou deux spécialités à piocher parmi la psychiatrie, la chirurgie ou la recherche. Une lecture attentive du salaire demandé, des compétences générales en plus du niveau de minutie, permettront de faire le tri dans les embauches… Quand la situation le permet, certains niveaux n’offrant parfois, pendant des mois, que du personnel très peu expérimenté. On veillera donc parfois, avec les docteurs les plus qualifiés, à former de nouveaux internes pour répondre aux besoins constants de soigner de plus en plus de monde sans risquer l’erreur médicale ou simplement de laisser partir ou mourir un patient qui aurait trop attendu.

La vie de l’hôpital ne sera pas ainsi de tout repos et il sera nécessaire de gérer bien des aspects de celui-ci pour ne pas finir des catastrophes en cascades : veiller à la bonne avancée des recherches, répondre (positivement ou non) aux demandes de démission, suivre le bien-être général des gens et de l’état du matériel, s’assurer à ce que les files d’attentes ne soient pas interminables, prendre des décisions vis-à-vis de certains patients que nous ne pouvons pas encore ou pas du tout soigner, prioriser le travail d’employés parfois un peu mous quand il faut prendre des initiatives… Un micromanagement assez fourni, exigeant, et finalement assez fun en plus d’être addictif, qu’on devra coupler à une gestion assez précise de la trésorerie qu’on devra maintenir de manière irréprochable afin de ne pas terminer avec les huissiers sur le dos : en plus des très pratiques et indispensables prêts, il sera possible d’ajuster le tarif de chaque consultation ou soin, histoire de se faire une petite marge supplémentaire pour augmenter sa rentabilité. Attention cependant, les patients peuvent partir sans payer… A noter que ce micromanagement de tous les instants n’est possible qu’à la souris, les raccourcis clavier ne se résumant à augmenter ou diminuer la vitesse de jeu, ce qui est fort pratique en cas d’activité trop insurmontable.

Les crises et les possibilités de se planter royalement seront par conséquent assez nombreuses, et comme si ce n’était pas assez, quelques évènements viendront s’immiscer aléatoirement pour fausser la balance et parfois même ruiner deux heures de jeu en l’espace de cinq minutes. En effet, au bout d’une poignée de niveaux, interviendront tremblements de terre qui endommagement voir détruiront les équipements médicaux au point qu’il faudra tout simplement les remplacer, mais également des épisodes épidémiques dont la mécanique n’est franchement pas claire, tout comme certains aspects du gameplay en général par ailleurs : lors de la détection des premiers cas, on aura soit la possibilité d’endiguer la propagation moyennant une intervention plus ou moins onéreuse, ou alors, tenter de la régler soit même, au risque que cela empire, que le ministère de la santé ait vent de cela et qu’il nous colle une très grosse amende voir de vider tout l’hôpital. Sur le papier, cette seconde solution, à priori plus risquée mais bien moins coûteuse, se résume à débusquer et vacciner les patients infectés et à envoyer des infirmières soigner les cas les plus avancés, et ce dans le temps imparti. La réalité est tout autre : icônes de suivi pas claires, patients infectés qui quittent l’établissement sans leur piqûre sans même les voir, personnel déjà trop occupé à prodiguer d’autres soins, chronomètre qui tombe à zéro sans explication, ou tout simplement une contagion qui intervient alors que notre structure médicale est déjà bondée, sans possibilité aucune d’agir. Et quand l’amende tombe, c’est très souvent pour exploser la trésorerie vers le négatif au point que la fin de partie suivra rapidement en fin de trimestre. Et ces alertes seront très, très, et surtout trop nombreuses. On regretta par ailleurs qu’au bout d’un certain nombre de missions, à part augmenter les curseurs des objectifs à atteindre, le jeu ne se renouvela que très peu dans les situations et maladies proposées, au point de forcement lasser à la longue. Et on ne pourra pas compter par exemple sur un mode libre pour construire tranquillement son hôpital.

Theme Hospital
Appréciation
Malgré les années, Theme Hospital reste le jeu classique et culte qu'il a toujours été. Toujours appréciable et apprécié pour son humour, il saura encore réserver, pendant quelques heures, une bonne rincée de rigolade étonnement contrebalancée par une partie gestion et micromanagement poussée et mine de rien très exigeante. Les défauts sont plus apparents, mais le fun réside encore. Si l'on est tenté de s'y replonger, on privilégiera davantage la version PC, encore plutôt jolie avec son pixel-art très fin, et qui plus est peut être couplée avec de nouvelles implémentations du moteur (notamment CorsixTH) pour un visuel et un gameplay améliorés. Face à cela, la pourtant vénérable mouture PlayStation a tout de même bien plus subit les dégâts du temps, avec sa résolution faiblarde et sa maniabilité à la manette peu idéale. Étonnement, la popularité du jeu de Bullfrog, qui demeure encore très forte aujourd'hui, n'aura pas spécialement inspiré la concurrence, et il aura fallut attendre 2018 pour voir débarquer coup sur coup deux dignes successeurs, à savoir Two Point Hospital qui s'établit, avec son humour similaire, comme son fils spirituel, et Project Hospital, bien plus sérieux dans le ton.
Points forts
Humour omniprésent
Plein d'aspects à gérer et à découvrir
Bel équilibre entre gestion et micromagement
Points faibles
La gestion des épidémies, très peu claire
Pas de mode libre
Missions redondantes vers la fin