[dropcaps style=’2′]Si on peut dire aujourd’hui que Double Fine et sa tête à penser Tim Schafer nous offre des œuvres sympathiques mais qui souffrent d’un côté très inabouti sur la durée, il ne faut pas oublier que le monsieur a grandement marqué son époque. Il serait en effet fort dommage de s’arrêter à des softs comme Brütal Legend – pourvu d’une ambiance excellente bourré de bonnes idées mais se montrant fort maladroit à partir de la seconde moitié de jeu – , un The Cave – où il se ré-amourachait avec son ex-compère Ron Gilbert – , un Broken Age tous deux en demi-teinte ou encore le second Costume Quest on ne peut plus régressif. Non, il faut plutôt regarder dans le rétroviseur et s’attarder sur des Monkey Island ou encore Indiana Jones qui ont fait les belles années de Lucas Arts en terme de point’n click. Et bien entendu, des plus moments plus confidentiels mais tout aussi cultes et oufissimes à travers Grim Fandago et Day Of The Tentacle. Avantage de toutes ces vieilleries : une force d’écriture intemporelle. Malheureusement, à l’heure d’aujourd’hui, le gameplay issu d’un autre temps a de quoi rebuter, de même que son esthétisme archaïque. Si Lucas Arts s’est chargé avec brio de dépoussiérer les deux premiers Monkey Island, Double Fine s’est employé à récupérer les droits sur Grim Fandago et Day Of The Tentacle afin de se charger lui-même de leur faire bénéficier d’une petite cure de jouvence. Un Day Of The Tentacle Remastered qui nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui.[/dropcaps]
Les tentacules à l’assaut du monde !
En 1987, Maniac Mansion nous contait l’histoire d’un petit groupes de jeunes amis partis en quête de la petite amie de l’un d’eux qui avait été kidnappée par la famille Edison. Famille de scientifiques devenus folle suite à la chute d’une météorite, passant d’expériences plutôt innocentes et inoffensives à d’autres plus douteuses prenant comme base les cerveaux humains. Day Of The Tentacle en est la suite directe sortie six ans après l’épisode fondateur. On y retrouve un des héros de celui-ci, Bernard, jeune binoclard aussi intello que peu courageux, retournant chez les Edison afin d’arrêter la course au pouvoir d’une de leurs créatures, un tentacule violet, devenue follement mégalo après avoir ingéré de l’eau irradiée.
Afin d’éviter le désastre de voir le monde contrôlé par une nuée de tentacules asservissant la race humaine en les rabaissant comme de vulgaires animaux de compagnie, Bernard sera aidé de ses deux amis : Hoagie, un gros roadie metalleux aussi cooool que concon et Laverne, une jeune surdouée quasi-psychotique. Ensemble, ils rendent visite à la famille Edison où le chef de famille leur promet d’utiliser une de ses brillantes inventions afin de faire un petit bond dans le passé afin d’éviter que son ingrate expérimentation tentaculaire ne boive le breuvage maudit. Malheureusement, les finances étant ce qu’elles sont au sein des Edison, l’utilisation de matériaux trop bon marché fait que rien ne se passe comme prévu. Chacun des trois amis est séparé, Bernard se retrouvant coincé dans le présent, Hoagie dans le passé et Laverne dans le futur. Il appartient donc à chacun de faire en sorte de se retrouver dans le présent tout en faisant en sorte de faire ravaler les plans de conquête du monde du tentacule violet à la source.
Les tentacules dans le cabinet du chirurgien esthétique.
Si le Remaster de Grim Fandago sorti l’année précédente ne bénéficiait pas forcément d’un travail titanesque en terme de refonte graphique, Double Fine a vraiment mis les bouchées doubles sur ce point avec Day Of The Tentacle. En même temps, il faut admettre que le premier était sorti basiquement cinq ans après le second, d’autant plus que les deux softs s’appuient sur des bases esthétiques très différentes. Si Grim Fandago affichait déjà de la 3D volontairement cubique, Day Of The Tentacle arborait un design 2D cartoonesque. S’il s’avérait déjà fort joli lors de sa sortie initiale en 1993 et aurait presque pu se contenter d’un léger lifting sans que ce ne soit trop choquant, l’émergence de la scène indépendante ayant grandement aidé les joueurs à se dire que l’enjeu n’est plus forcément à chercher du côté de la course aux graphismes comme c’était le cas dans des générations plus anciennes comme l’ère 32/64/128 Bits, reconnaissons que le résultat visuel est plutôt bluffant. Bien en deçà de la capacité d’une Playstation 4 bien entendu mais loin d’être dégueulasse. Beaucoup d’adoucissement de textures, un travail plutôt bien foutu sur les couleurs, on se retrouve plongé là dans un dessin animé très net et bien moins pixelisé qu’auparavant, tout en conservant un petit goût d’old-school charmant. C’est bien simple : ce Remaster aurait bénéficié de plus de soin sur les animations qui trahissent leur âge, on aurait pu le placer aux côtés des productions des Allemands de Daedalic Entertainment à qui l’on doit les belles esthétiques des Chroniques de Sadwick et sa très récente suite Silence ou encore la série des Deponia, entre autre chose.
Si la couverture fonctionne fort bien, c’est plutôt en terme de gameplay qu’on attendait le plus au tournant ce Remaster. Parce qu’honnêtement, sans aller critiquer l’âge d’or du point’n click qui compte quand même de jolis monuments du genre, ce fameux gameplay à base de choix de verbes qui ont fait la marque de fabrique de Lucas Arts est quand même hyper désuet et paraîtra lourdingue à plus d’un joueur, quelque soit son âge, voire rédhibitoire. A cela, on pourra renvoyer à cette riche idée d’avoir conservé un bon point du jeu originel, à savoir d’intégrer une mise en abîme en proposant de se faire les doigts sur Maniac Mansion, version intégrale d’antan, au détour d’un ordinateur du manoir Edison. Un léger petit aperçu pour se rendre compte de tout le travail effectué en terme de lifting global sur Day Of The Tentacle, même s’il n’est pas complètement représentatif, les deux opus ayant été séparés d’une période de six ans. Si l’on souhaite réellement s’adonner au doux jeu de la comparaison inter-versions, il est possible de le faire puisque Double Fine a prévu la même approche que Lucas Arts a utilisé avec ses Remasters de Monkey Island, à savoir de switcher librement entre original et lifté d’une simple touche. Le tout avec la possibilité d’avoir un mode commentaring de l’équipe technique, ce que les vieux fans apprécieront grandement.
Afin de palier à ces petits soucis d’archaïsme, Day Of The Tentacle Remastered réussit là encore plutôt bien son pari en troquant ses verbes par une roue d’actions, très en vogue dans le point’n click moderne. Bien moins rébarbatif et plutôt efficace dès lors qu’on s’y adonne sur Playstation 4 grâce aux sticks analogiques. Une version console pas désagréable pour deux sous d’ailleurs, il faut quand même admettre que si l’on compare avec les adaptations de point’n click sur Psone, plus que pataudes, de très grands progrès ont été fait sur ce point à l’heure d’aujourd’hui, même si l’on ne pourra jamais arriver au top confort d’un PC et d’une souris. Ajoutez à cela la possibilité de mettre en surbrillance tous les objets observables et/ou utilisables du décor et l’on a plus qu’à souhaiter un chaleureux « Roulez jeunesse ! » à l’âme courageuse qui s’attaquera à cette pierre angulaire culte du genre.
Botox de tentacules traditionnels.
Âme courageuse il faut car en dehors de ça, le reste a été conservé en l’état. Certains aspects ne seront pas gênants. La musique et les voix – d’autant plus que les bruitages ont bénéficié également d’une petite cure de jouvence – restent encore très valables aujourd’hui et correspondent parfaitement au ton de l’univers. Un univers complètement loufoque doté d’une écriture également intemporelle et qu’il aurait été dommage de retoucher, quand bien même les scènes animées et dialogues pourront paraître longuets, symbole d’une époque où l’on aimait le blabla, aux plus impatients. Mais il faut admettre que voir un abruti de roadie dont la masse cérébrale est descendue jusqu’à se perdre irrémédiablement dans les abdos Kro au milieu des pères fondateurs reste toujours savoureux, de même qu’une psychotique tourner en dérision le fait qu’elle doive jouer les caniches de concours pour divertir des tentacules ou encore de voyager/transmettre son inventaire dans le temps via toilettes interposées en guise de Delorean du pauvre. Entre autres choses car d’humour décapant et délirant, Day Of The Tentacle n’en manque pas et il n’a pas pris une ride. Le tout saupoudré de petits clins d’œil sympathiques aux productions passées telles Monkey Island et Sam & Max, Ron Gilbert et Dave Grossman ayant été eux aussi embringués dans la conception à l’époque.
Ce qui pourra sans doute déboussoler les plus jeunes, habitués des mécaniques modernes plus dirigistes et bridées, c’est sans l’ombre d’un doute le déroulement du jeu et de ses énigmes. Les indications sont bien présentes pour aiguiller mais subtiles, il n’y a pas d’ordre précis des actions en général afin de voir le dénouement, tout comme les associations d’objets afin de passer les divers obstacles pas forcément évidents et logiques. Beaucoup d’observation, de triturage plus ou moins profond de matière grise et de tâtonnement sont au programme. Il serait cependant dommage de passer à côté pour ce genre de détails tant il reste intéressant de découvrir le soft pour tout son aspect littéraire et narratif. D’autant plus qu’il conserve encore assez de cachet pour qu’on prenne la peine de s’acharner.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Il faut quand même reconnaître que Day Of The Tentacle, de la même manière qu’un Monkey Island, arbore encore de beaux restes. Le ravalement de façade et la mise au goût du jour du gameplay le rend on ne peut plus pimpant. Un Remaster qui permet sans l’ombre d’un doute aux générations de gamers plus récentes de découvrir ce monument culte du point’n click sans se retrouver trop biaisé de tous les aspects rébarbatifs inhérents à son âge vu que le coup de polish a été passé avec assez de soin pour les mettre en recul, voire les évincer. Après, c’est sûr que les plus impatients trouveront l’ensemble trop mou et blablateux mais il faut aussi se remettre dans le contexte : c’était la marque de fabrique de l’époque à laquelle il serait dommage de trop toucher, de par souci d’authenticité et respect pour le travail de ses géniteurs. Ces derniers qui s’étaient vraiment donnés à fond pour nous conter une histoire délicieusement loufoque au sein d’un univers aussi attachant que grotesque. Et qui se targue encore aujourd’hui de présenter de beaux moments de franche rigolade ![/section]
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