[dropcaps style= »2″]Succès marquant et justifié de la fin de l’année 2012, Hotline Miami a marqué les esprits par son ultra-violence, l’exigence et la nervosité de son gameplay, ainsi que sa bande-son, indiscutablement excellente. Une popularité quasi unanime qui poussa rapidement Jonatan Södeström et Dennis Wedin à remettre le couvert pour une suite, avec l’aide, encore une fois, de Devolver Digital à l’édition. Mais pour eux cependant, c’est en revanche très clair : ce second épisode sera l’ultime volet de la série. Une conclusion très surveillée par les fans de la première heure, rapidement mais doucement teasée quelques mois après la sortie du jeu par lequel tout a commencé, notamment par la diffusion d’un comic numérique. Du coup, est-ce que ce bouquet final pas mal hypé valait-il la peine d’être attendu? Assurément… Oui. Allez, il est l’heure de remettre son masque et de monter le son.[/dropcaps]
Attention, il est vivement recommandé d’avoir terminé Hotline Miami premier du nom avant de débuter la lecture du présent article, qui contient de légers spoilers. Passez directement au paragraphe “Decade Dance” en cas de doute.
DUST
Hotline Miami 2 : Wrong Number débute juste après les évènements du premier épisode : le dérangé antihéros “Jacket” est arrêté sans heurts, non sans avoir auparavant massacré la moitié de la mafia russe de Miami en exécutant machinalement les ordres émanant de mystérieux messages laissés sur son répondeur téléphonique. Sa notoriété s’est répandue comme une trainée de poudre sur l’ensemble du territoire des États-Unis, apportant pas mal de crainte et de dégoût, mais également pas mal d’interrogations, d’inspirations et de déviances pour une poignée d’individus aux tendances parfois malsaines. Ainsi ce second épisode ne s’attarde pas sur un seul protagoniste, mais bien sur pas moins d’une douzaine : on suivra, entre autres, ce groupe de « fans » du Jacket, masques d’animaux à l’appui, qui s’occupent de jobs crados mais visiblement bien payés et suffisamment fun pour y risquer leur vie, un écrivain qui compte porter le papier l’histoire du célèbre serial-killer, ou encore un flic psychotique aux méthodes plus que douteuses pour mener ses investigations. Il arrivera également que de temps à autres, nous soyons catapultés dans les années 70 en pleine jungle avec un groupe de mercenaires qui se battent contre une armée russe puissante et à priori triomphante dans le coin.
Il va sans dire que Wrong Number propose un scénario bien plus étoffé et travaillé que dans le premier épisode, qui s’attardait davantage sur la psychologie légèrement déstabilisée d’un héros réduit à l’état d’exécuteur sans âme, que sur tout l’univers qui l’entourait. Ici, nous allons un peu plus loin : les personnages agissent de leur propre chef, ont des agissements plus ou moins justifiables, si bien qu’il est bien difficile de s’attacher à certains d’entre eux tant leurs actions sont parfois poussives et sordides. On passe du connard au justicier de l’extrême sans interruption et avec une cohérence parfois déstabilisante. Le jeu s’amuse sans vergogne à aller et venir dans différentes époques, et se délecte parfois de balancer des moments où l’on se demande si on assiste à une scène de la réalité ou bien une hallucination sortie de l’esprit dérangé d’un personnage. Ces nombreuses histoires ont intimement liées les unes aux autres, et il arrivera que certains destins se croisent pour le bien du scénario et surtout pour nous, joueurs que nous sommes. Cette narration explosée, fortement assumée et au final bien construite une fois le puzzle résolu, ne plaira cependant pas à tout le monde : certains y verront un brillant et dérangeant micmac tandis que d’autres scanderont l’incompréhension prétentieuse. Mais tous s’accorderont à dire que ce second épisode va encore plus loin dans la violence avec son ambiance bien plus corrosive et malsaine, qui habille un hallucinant univers toujours hypnotique et gore. Tout le monde – l’humanité et le joueur en particulier – en prend plein la tronche. Enfin, on notera l’excellente mise en scène et un final ne manque vraiment, mais alors vraiment pas de panache et de génie.
DECADE DANCE
Ceux qui ont parcouru Hotline Miami ne seront pas perdus en découvrant le gameplay de ce numéro deux qui, malgré quelques changements plutôt importants, ne change finalement pas dans le fond. Il s’agira toujours, pour chaque niveau, d’aller massacrer du mafieux et autres crapules à coup d’armes contondantes ou tranchantes et d’armes à feux diverses et variées. Notre personnage ne dispose que d’une quantité limitée de vie, puisqu’au moindre coup ou après généralement deux balles dans le buffet, il tombera à terre dans une marre de sang. Pas de panique cependant : le jeu adopte un système de die and retry si à la mode actuellement par la frustration qu’il peut engendrer et pour le sentiment de victoire une fois un passage délicat passé avec brio… Non sans s’y être pris une vingtaine de fois auparavant. Une mort ? On recommence au début de l’étage aussi rapidement qu’un battement de paupière. Pas de changements de ce côté la donc : Wrong Number ne pardonnera pas les rêveurs et impatients qui veulent que ça aille vite. Pas de modification au niveau des contrôles : à la manette ou à la sourie, le jeu reste assez étrange à prendre en main au départ mais est maitrisé au bout d’une petite heure d’entrainement, à enchainer échanges de tirs et échanges d’armes à la volée dans la frénésie la plus totale.
Le principal changement dans ce second épisode est une conséquence de l’étoffement du mode histoire : on ne contrôle plus un seul personnage mais bien plusieurs alternativement. Il ne faudra plus donc compter sur son masque préféré pour passer un niveau. Rappelons que les nombreux masques constituent la pierre angulaire d’Hotline Miami, puisque ceux-ci conféraient à leur porteur une capacité particulière qu’il devait utiliser durant toute la durée de la mission. Dans Wrong Number, on n’offrira plus qu’un choix limité de masques – qui ne sont plus revêtis par tous – d’accessoires ou d’armes en début de mission. Ainsi, il ne sera plus question de faire l’intégralité des niveaux avec la même capacité, ce qui obligera les joueurs, anciens comme nouveaux, à s’adapter aux quelques choix qu’on leur imposera… Les adorateurs du masque du tigre seront les premiers étonnés. Ceci évidemment est à associer avec le level-design de l’ensemble qui a également subit des changements : niveaux plus grands et souvent moins fournis en protection, utilisation plus aboutie des différents éléments du décor, avec une assuétude presque maladive et vicieuse de mettre des vitres partout, synonyme qu’un meilleur repérage de la part des ennemis. Si les niveaux du premier épisode étaient franchement bien pensés, ceux de cette suite sont encore mieux construits, et offrent une large palette d’angles d’attaques et de sournoises possibilités pour le joueur, tout en augmentant d’un cran les passages piégeux et machiavéliquement frustrants. Un véritable travail d’orfèvre. On notera également que l’IA a été modifiée dans le bon sens, puisqu’elle est bien plus agressive, et réagira bien plus différemment qu’auparavant… Même si il sera toujours possible de profiter de sa bêtise pour du massacre en règle et du combo.
Hotline Miami 2 : Wrong Number reste donc un titre plutôt difficile, voir encore plus avec ces petites rectifications de gameplay. Il demeure en revanche incroyablement jouissif et addictif pour les amateurs d’action sans interruption, mais aussi et surtout de scorings serrés. Terminer ce jeu particulièrement exigeant n’est en effet qu’une partie de l’expérience : étudier la conception des niveaux et le pattern des ennemis afin de réaliser l’enchainement le plus optimisé possible pour viser les meilleures notes et le score parfait… ÇA c’est absolument génial. Ce côté arcade pur et dur où viser les rangs A+ et S et afficher son pseudo en haut des classements n’est certes pas nouveau, mais il est poussé à l’extrême dans les Hotline Miami. Pour les plus fous, les développeurs ont mis à disposition un mode Hardcore : plus d’ennemis, plus d’agressivité, plus de difficulté. Un défi de taille en somme, surtout quand la longueur du jeu a été multipliée par deux. On notera aussi qu’un éditeur de niveaux est également prévu, mais celui-ci n’a pas pu être terminé à temps pour la sortie du jeu en mars 2015 : il sera disponible durant l’été de la même année et devrait à priori permettre à tous de s’amuser à imaginer n’importe quoi et même à agrémenter ça de dialogues que l’on imaginera savoureux. On en reparlera lors sa diffusion pour juger de la qualité de l’engin.
IN THE FACE OF EVIL
Ceux qui n’avait pas apprécié le trip graphique de Hotline Miami seront déçus d’apprendre qu’absolument rien n’a changé pour ce Wrong Number. On retrouve ce moteur 2D tout plein de pixels, avec cette patte particulièrement hallucinée composée de couleurs fluo, de flashs et de sang… Plein de sang. Les développeurs n’ont en effet pas lésiné pour cette suite par l’ajout de nouveaux petits détails : plus de démembrements, plus de gore, plus d’effets physiques et de lumières, des niveaux plus vastes et plus fournis en éléments de décors délicatement déposés (on le rappelle) pour surtout embêter et embrouiller le joueur… En résulte, une fois encore, une ambiance visuelle qui baigne dans les années 90, bien crade et oppressive… Avec des effets VHS en veux tu en voilà. Et c’était sans compter sur la musique pour appuyer tout cela…
En effet, ne pas aborder la bande-son d’Hotline Miami 2 : Wrong Number serait une énorme faute de goût tellement cette dernière est une fois encore indissociable du jeu. Pour ce second, les développeurs se sont fait bien plaisir, puisque c’est pas moins de trois heures de son qui attendent d’être balancés à fond dans nos oreilles. C’est une musique pour accompagner chaque niveau et presque chaque interlude. Et pardon pour la vulgarité, mais… BORDEL. DE. MERDE.. Dans son ensemble, cette O.S.T. est juste divine. D.I.V.I.N.E.. C’est une sélection absolument pointue et variée que nous offrent Jonatan Södeström et Dennis Wedin, et un choix adapté aux nombreuses ambiances et situations du jeu. On se croirait vraiment face à une soundtrack pour un film underground, mais il s’agit bien là d’un jeu. On sera ainsi content de retrouver des artistes déjà entendus et appréciés dans Hotline Miami, comme on appréciera les petits nouveaux : aux mélodies plutôt calmes de M|O|O|N et Scattle se mêleront notamment les compositions corrosives de Magna, Carpenter Brut ou El Tigr3, sans oublier les rythmes endiablés et très portés ’80 de Pertubator et Mitch Murder. Hey! Il y a même Dubmood! Meilleure bande-son de 2015 ? C’est bien parti pour.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Toute bonne chose a une fin, et Hotline Miami 2 : Wrong Number boucle cette jeune série d’une superbe manière. Deux fois plus long, toujours aussi exigeant avec son gameplay revu et corrigé, le titre de Dennaton Games s’avère être une suite furieusement réussie, surtout lorsque l’on s’attarde sur son violent univers, son scénario bien plus abouti, et ses personnages, aussi variés que barrés, qui nous accompagneront dans cette descente aux enfers, qui baigne une fois de plus dans une ambiance psychédélique et gore à souhait, que ça soit sur le plan graphique ou musical. Plus qu’un défi de choix pour les amateurs de scoring : une bien belle et violente conclusion.[/section]