Dante’s Inferno

Alors que nul ne l’attendait réellement – mis à part peut-être votre serviteur qui s’est rué se le procurer le jour de sa sortie – Dead Space a su se faire connaître grâce à son succès critique. Apprécié par la majorité de la presse vidéoludique, il a permis au studio Visceral Games de se faire connaître du monde entier. Papas du Parrain et du jeu Simpson, ils n’étaient pas considérés comme le fleuron du développement chez Electronic Arts. L’incroyable réussite de leur survival horror, plus en qualité qu’en quantité vendue, a fait qu’ils se sont retrouvés sur le devant de la scène avec un minimum de pression pour leurs prochaines productions. Après la pré quel de Dead Space, nommée Extraction, les voici à l’œuvre sur un Beat’em all sur consoles de salon, Dante’s Inferno. Dead Space était excellent, en sera-t-il autant de celui-ci ?

C’est en effet la question que nous nous posons lors de l’insertion de la galette dans la machine. Dead Space a su marquer les esprits de par son ambiance, malgré son scénario vu et revu. Dante’s Inferno reprend quant à lui l’histoire de Dante, issue de la Divine Comédie. Disons plutôt qu’il s’en inspire pour le cheminement. Le point de départ de la descente aux enfers de Dante est bien différent de celui d’origine, puisque Dante est un croisé parti à la guerre pour reprendre Jérusalem. Il vit auprès de son père, Alighiero, et de sa future femme, Béatrice. Celle-ci s’est offerte à lui avant le mariage en échange de sa promesse de fidélité. Parti à la guerre, Dante fait montre de moins d’engagement le jour où il passe la nuit avec une esclave. De retour au bercail, seul, après de nombreux bains de sang, il ne retrouve que ruines et désolation. Son père et Béatrice gisent sur le sol, assassinés. C’est en pleurant les siens que Dante est poignardé. La Mort vient alors prendre l’âme de Dante pour l’envoyer en Enfer. Triste, mais pas désespéré, Dante décide de défier la Mort pour sauver sa bien-aimée des Enfers. Pour cela, il sera guidé par Virgile et pressé par Lucifer, le maître des Enfers. Ce dernier a d’ailleurs la main mise sur Béatrice et décide d’en faire sa nouvelle compagne.
A l’instar du livre original, Dante doit franchir les neuf cercles des Enfers, dont chaque zone représente un péché et donc un lieu d’emprisonnement. Il est amené à traverser le Styx, à visiter Dité et à rencontrer les géants. Le chemin est le même. Les connaisseurs retrouvent donc avec plaisir les mêmes références. D’autant que chaque temps de chargement est agrémenté d’un extrait de chants, parmi les trente quatre du livre.

Dans les faits, Dante’s Inferno est une sombre histoire d’adultère. Notre héros n’est pas si héroïque que cela, bien au contraire. Au fil des flash-backs – sous forme de cinématiques dessinées – nous découvrons qu’il tire plutôt du côté des meurtriers. Sous couvert de religion, il a participé à de nombreux génocides et actes peu pourtant peu chrétiens. L’absolution lui étant promise par l’Eglise, lui et ses camarades n’ont eu de cesse de faire tomber leurs ennemis. Il doit donc expier ses péchés et sauver Béatrice, jeune femme innocente dont la mort n’est que le résultat de l’infidélité de son compagnon. Pendant la majeure partie de l’aventure, il faut reconnaître qu’il est difficile d’avoir de la sympathie pour Dante. C’est un homme ayant péché, il ne récolte donc que ce qu’il a semé. C’est ainsi que les développeurs nous le présentent et c’est ainsi que nous le comprenons. Puis, peu à peu, la trame se découvre et les actes de Dante trouvent circonstances atténuantes. Et tandis qu’il avance dans les cercles, nous lui pardonnons ses péchés en même temps que la narration. Visceral Games a réellement réussi à nous faire changer d’avis sur le personnage principal au fil du jeu. Certes, son charisme ne monte pas en flèche, malheureusement, ses répliques ne gagnent pas en prestance, mais son aventure en devient accrocheuse. Ce qui n’était que la course d’un homme pour sauver sa promise devient une réellement quête de rédemption. Dommage qu’elle conserve tous ses rebondissements pour le combat final. En effet, l’histoire ne progresse pas énormément durant le jeu. Les bases posées, seul les révélations sur le héros font monter l’intérêt… ainsi que la découverte des lieux.

L’Enfer est un endroit fascinant. Le jeu propose les différents environnements de la Divine Comédie, ce qui inclut les limbes, les neufs cercles, Dité, les fleuves (Achéron, Styx, Phlégéthon), les marais glacés de Cocyte, et encore bien d’autres. Pas de fidélité artistique. De ce côté-là, le studio a fait en sorte de proposer, une fois encore, un cachet inimitable. Au croisement de l’immonde et du repoussant, les décors de Dante’s Inferno sont parmi les plus dérangeants existants sur console. La quasi-totalité des murs est constitué de morts pleurant à l’aide. Les poutres sont faites d’ossements, le cercle de la gourmandise pourrait servir de définition à la notion d’immondice. Un travail colossal a été assuré sur le visuel. Rarement jeu n’a aussi bien représenté l’Enfer. Il est difficile de s’y sentir à l’aise tant les innombrables détails rendent le tout désagréable. D’autant que le fond est constamment animé. Que ce soit des monstres volants, des montagnes s’écroulant, des fontaines d’or, des plates-formes se mouvant ou des aérations de feu, tout est fait pour nous donner l’impression de vie. Belle contradiction. Dante’s Inferno est donc particulièrement impressionnant sur ce point ; à l’inverse de sa réalisation finalement peu originale. Bayonetta et God of War III sont déjà passés par là, le titre d’EA ne décroche pas la palme du plus beau Beat’em all. Toutefois, il n’en propose pas moins une réalisation très fine et propre. Même en présence de nombreux adversaires, l’animation ne flanche jamais. Les ennemis sont d’ailleurs remarquablement animés, notamment les bébés non baptisés. La vidéo « L’enfantement » déblocable une fois le jeu fini, nous révèle d’ailleurs les coulisses de la motion capture. Un document particulièrement intéressant. Dante’s Inferno ne recule devant rien pour pousser le vice.

Au cours de sa descente, Dante rencontre de nombreuses âmes en souffrance. Celles-ci sont d’ailleurs des personnalités citées dans l’œuvre d’origine. Encore une fois, Visceral Games a tenté de reprendre un maximum d’éléments du livre. Ces âmes sont soit des hommes et femmes célèbres (Attila, Ponce Pilate, …) soit des connaissances de Dante. Chacun dispose d’une petite histoire, résumée lorsque nous nous adressons à eux. Dante a alors le choix entre les punir ou les absoudre. Son niveau d’affinité change en fonction de la réponse : il passe donc plus ou moins du côté obscur ou lumineux. A l’inverse d’un titre Bioware, le déroulement du jeu et des dialogues ne varie nullement, seuls les points de compétences changent. Dante dispose d’un arbre scindé en deux parties : l’impie et la sacrée. Chacune possède sept niveaux, chaque niveau permettant d’apprendre des techniques différentes ou d’augmenter ses statistiques (vie, magie, capacités). Les chemins sont donc différents, les gains également. Il est nécessaire de correctement alterner entre l’impie et la sacrée pour bénéficier d’un personnage puissant. A noter que si nous choisissons l’absolution, un mini-jeu survient demander d’attraper les péchés de l’âme perdue ; celui-ci amenant vers un gain de points. En réalité, ses points sont des âmes. Mais si ce choix se présente pour les personnages rencontrés, il se présente aussi durant les affrontements.

Les adversaires peuvent être tués normalement (à grands coups dans leur face) ou attrapés. A ce moment-là, nous avons un bref instant pour choisir leur fin. Ces techniques font alors pensées à des fatalities souvent du meilleur effet (amputation, égorgement, etc…). Amoureux de la finesse bonjour. Mais pour en arriver, nous disposons de tout un panel de coups répartis sur trois touches. Une pour les coups faibles, une pour les forts et une pour les lointains. Etant donné qu’il aurait été cocasse de placer une arme à feu au temps des croisades, les développeurs ont pensé à une croix de lumière. Son pouvoir étant considérable en Enfer, elle permet d’envoyer des rayons en forme de croix sur les ennemis. Pratique et incroyablement puissant en fin de partie, une fois la capacité améliorée. A cela, s’ajoutent les classiques touches d’esquive et de parade, ainsi que celle combinée à celles d’action, permet d’user de la magie. Les sorts se déverrouillent d’eux-mêmes après la défaite de boss. Ils peuvent renverser une situation du tout au tout, donc à ne jamais négliger. D’autant que des fontaines régénératrices de vie et de « pouvoir » (comprendre magie) sont disséminées un peu partout dans le jeu. Autant dans les difficultés élevées elles ne sont pas de trop, autant en fanatique, l’équivalent du normal, elles permettent de savourer l’aventure sans trop se prendre la tête. En cas de mort répétée, une première astuce vient vous aider et enfin une diminution de la difficulté nous est proposée. Malgré son titre, Dante’s Inferno n’essaie jamais de bloquer le joueur. La difficulté est savamment dosée, au point que rien n’est insurmontable. Les confrontations face aux boss demandent une certaine approche, requérant souvent un ou deux premiers décès le temps d’assimiler la bonne façon de procéder. Au fil du jeu, la montée en puissance de Dante et l’accumulation de reliques – objets à équiper boostant les capacités du héros et susceptible de gagner de l’expérience – font que la fin du jeu se veut un peu trop simple. Les plus courageux décideront de changer cela en relançant une partie dans les niveaux de difficulté débloqués. Ceci arrive assez rapidement puisque huit petites heures, sans se presser, sont requises pour voir la scène de fin. Le plaisir est donc de courte durée.

Pourtant, ceci aurait bien pu se transformer en cauchemar si nous en croyons les premières minutes de jeu. Celles-ci n’ont rien de dramatique si ce n’est qu’elles révèlent l’énorme supercherie du titre : le gameplay est un copier coller de celui de God of War. De la maniabilité en passant par le principe, le déroulement et logique. Tout est repris du titre de Sony. Le studio nous avait déjà fait le coup avec Dead Space, titre qui ne réinventait finalement que peu de choses mais qui savait allier toutes ses références. Dante’s Inferno mélange ouvertement GoW et Devil May Cry, sans toutefois les égaler dans la jouissance des affrontements. Toutefois, il est difficile de lui reprocher grand-chose tant il s’en sort bien dans tout ce qu’il fait. Punchy et prenant, il accumule les bons points. Le seul bémol que nous pourrions lui reprocher, et il est de taille, est son manque d’âme. Autant les titres sus-cités propose une ambiance unique, de part leurs personnages, décors ou gameplay, autant Dante’s Inferno ne peut s’affirmer que sur ses décors. Et si ceux-ci sont réussis, ils n’en demeurent pas pour autant inédits. Beaucoup de titres avant lui nous ont donnés des visions convaincantes de l’Enfer. Il le fait bien, il est vrai, il le fait mieux, certainement, mais il pêche sur le reste. Artistiquement, il est bon ; mais psychologiquement, il manque un petit quelque chose qui donnerait au titre toute son identité.

Beau, puissant, rythmé et prenant, Dante’s Inferno constitue une incursion réussie dans le monde des Beat’em all pour les géniteurs de Dead Space. Malheureusement, un peu à son image, Dante’s Inferno manque quelque peu d’identité propre. Il fait très bien son travail sans non plus se détacher de la masse autrement que par la renommée de ses créateurs. Nous aurions très certainement appréciés plus de personnalité, à la fois dans le gameplay et dans l’histoire. Heureusement, l’ambiance extrêmement glauque constitue un argument suffisant pour s’y intéresser. Nous en ressortons satisfaits. Il n’y a plus qu’à patienter jusqu’au numéro deux annoncé en fin de partie. Un peu plus de singularité et nous détiendrons un nouvel acteur majeur du genre.

  1. J’ai essayé ce jeu, et j’y ai vite accroché. Je l’ai fini puis revendu. Mais que je l’ai en téléchargement sur le live, je me suis dit, harf, j’y rejouerais bien encore!!!
    Finalement, je l’ai repris et depuis j’y rejoue comme la première fois!!!
    Autant dire que l’ambiance du jeu est bien faites, et l’histoire bien ficelé.
    Je regrette quand même qu’il soit un peu court et l’absence de multi-joueur!

  2. Eh bien, il y a justement un DLC (Trials of St Lucia) qui propose un mode deux joueurs, en coop. Je ne l’ai pas essayé donc je ne peux pas te dire si c’est sympa ou non ; mais sur le papier, c’est alléchant. Peut-être pourrons-nous le tester ensemble d’ailleurs !

  3. Bonjour,
    Je suis professeur à l’Université de Mons (Belgique). Je viens de terminer un ouvrage sur Dante. Puis-je avoir l’autorisation de reproduire l’image « La Cité de Dité » sur la couverture du livre ? Signalez-moi les coordonnées de l’auteur à indiquer sur la quatrième de couverture.
    Parution prévue : janvier 2017 – Editions L’Harmattan.
    Mon adresse mail : vincentrovato@hotmail.com
    Bien à vous,
    Vincent TROVATO

    1. Bonjour, les images sont la propriété des sociétés Electronic Arts et Visceral Games. Il vous faut donc plutôt vous rapprocher d’eux pour utiliser les images sur la couverture de votre livre. Bien à vous,

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