Batman Arkham Asylum

Malgré son statut de super-héros, Batman n’a jamais été le héros de super jeux. Ceci est vrai pour la plupart de ses congénères mais il était tout de même dommage que pareil individu soit cantonné aux titres de seconde zone. Apparemment du même avis, Rocksteady a décidé d’offrir aux fans le jeu dont ils ont toujours rêvé. Celui qui donnerait ses lettres vidéoludiques de noblesse au chevalier noir.

La traque est terminée. Le Joker est menotté et en passe de devenir l’un des résidents d’Arkham, l’asile psychiatrique de Gotham. Tout a toutefois été trop simple. Batman décide de l’accompagner jusqu’à sa cellule. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme chauve-souris a eu du nez puisque le psychopathe s’échappe, épaulé par sa complice Harley Quinn. Tandis que l’intégralité des cellules s’ouvre, un coup d’état est mené vis-à-vis de la direction de l’établissement. Le Joker devient le nouveau maître des lieux, et en profite pour s’accorder les faveurs de super criminels que Batman connait bien. Bane, L’Epouvantail, Poison Ivy, Zsasz et Killer Croc sont autant de grands noms que l’homme chauve-souris rencontre au fil de son avancée dans l’asile. Très vite, les desseins du Joker s’affichent et Gotham est réellement à deux doigts de sa destruction…

Imaginée par Paul Dini, déjà scénariste de la série Batman des années 90, l’histoire de cet Arkham Asylum se veut aussi fidèle à l’œuvre d’origine que possible. Les développeurs de Rocksteady ont d’ailleurs fait leur maximum pour restituer l’univers mais également l’ambiance et la mythologie. Au travers des dialogues mais également des enregistrements audio disséminés sur le terrain de jeu, le joueur est sans cesse plongé dans ce monde mystérieux et sombre. L’ambiance se pose dès l’introduction, immersive au possible, rappelant avec hommage celles de Half-Life et Riddick. Elle s’appuie sur une technique absolument remarquable. Batman Arkham Asylum utilise avec brio l’Unreal Engine, offrant de glauques environnements intérieurs et de voluptueux décors extérieurs. Les temps de chargement sont astucieusement camouflés au travers de l’ouverture des portes. Mis à part peut-être les personnages secondaires, détaillés mais au nombre de modèles limité, les protagonistes ont également bénéficié d’un soin certain. Poison Ivy a rarement été aussi désirable, tandis que Batman reprend l’esthétique présentée dans les deux films de Christopher Nolan, avec une carrure autrement plus impressionnante que celle de Christian Bale. Le costume du justicier se détériore au fil des événements majeurs de l’aventure, nous rappelant en fin de parcours à quel point ce dernier a été compliqué.

Et si l’avancée n’est pas un modèle de liberté, elle démontre une étonnante maîtrise du rythme et de l’illusion. Impossible de sortir du chemin décrit par les développeurs, pourtant, les multiples techniques de meurtre et l’excellence du level design font qu’il est aisé de « nettoyer » une salle de manière inédite. Oscillant entre l’action et l’infiltration, Arkham Asylum se permet de donner quelques cours de discrétion à des ténors tels que Solid Snake ou Sam Fisher. Des cours musclés puisqu’éliminations discrètes, pendaisons, assassinats dans l’ombre, montées dans les conduites d’aération, courses dans les faux planchers et étourdissements via Batarang sont au programme. Chaque ennemi vaincu – et trésor ramassé – amène de l’expérience, nécessaire pour débloquer davantage de compétences. Les gadgets de Batman se peuplent ainsi par la même occasion. Que ce soit le Batarang, la Bat griffe ou la tyrolienne, il est difficile de ne pas savourer leur utilisation. Débloquer ces outils petit à petit amène le joueur à revenir sur des lieux déjà parcourus pour en visiter tous les recoins. Rocksteady l’utilise d’ailleurs comme prétexte pour justifier certains allers-retours un peu laborieux. L’environnement de l’asile évoluant pas mal, heureusement, les décors varient suffisamment pour ne pas nous irriter. L’alternance phase intérieure – phase extérieure est suffisamment bien dosée pour que la pilule passe sans nous faire sourciller.

Tout comme l’étonnant système de combat. « Tu sais te battre contre six hommes, tu vas apprendre à te battre contre six cents ». Cette promesse promulguée au début de Batman Begins (pléonasme ?) tient ici tout son sens. Batman ne demande que deux touches pour se battre, une pour frapper, l’autre pour contrer. Viennent ensuite s’y greffer l’étourdissement par la cape, l’évitement et le Batarang, au point de rendre chaque affrontement particulièrement jouissif. A chaque coup, le compteur de combos s’incrémente, donnant accès à des coups spéciaux à différents paliers. Très vite, l’intérêt des joutes tient à ne pas faire retomber ce nombre, ce qui amène Bruce Wayne à pratiquer des chorégraphies toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Le bruit des coups et les ralentis nous confirmant que la puissance de notre héros. Les adversaires n’hésiteront pas à s’équiper de conduites, d’armes à feu ou de poignards pour venir à bout de la chauve-souris. Même si les ennemis ont tendance à avoir la mémoire courte, l’intelligence artificielle n’a pas à rougir face à celles de la concurrence. Un corps retrouvé et les gangsters se déplaceront deux par deux, dos à dos. Plusieurs corps retrouvés, et leur sérénité en prendra un coup, au point de les faire sursauter et appuyer sur la gâchette à la moindre conduite qui crie. Batman dispose par ailleurs d’un mode « Détection » lui dévoilant la santé mentale de ses interlocuteurs, sans oublier tout élément avec lequel il peut interagir et la présence d’ennemis à plus d’une centaine de mètres à la ronde, par delà les murs. Rocksteady profite de son système pour proposer au joueur de brefs passages d’investigation, rappelant ceux du premier Condemned sur Xbox 360 et PC.

Tout comme ce modèle, l’ambiance sonore est, elle aussi, une des qualités du titre puisque les musiques savent très bien se montrer discrètes ou stressantes au besoin. Que vous parcouriez le repaire de Killer Croc ou le cimetière d’Arkham, vous serez toujours bien accompagné. Comptez également sur les nouveaux directeurs de l’asile pour commenter votre progression. La plupart des doubleurs de la série animée ont répondu présent, nous donnant ainsi des adversaires charismatiques et un Joker absolument stupéfiant. Toutes ses interventions – et dieu sait qu’elles sont fréquentes, de l’ordre d’une par salle – sont justes et très souvent amusantes, car teintées d’un humour noir très caractéristique. A côté de lui, comme dans les films finalement, Batman fait malheureusement pâle figure. Trop terre-à-terre et manquant cruellement de fantaisie, mais profondément sûr de lui à tel point l’issue d’Arkham Asylum ne fait aucun doute. Celle-ci survient une douzaine d’heures après avoir inséré le disque dans la console. Comptez bien trois à quatre heures supplémentaires pour trouver toutes les reliques laissées par l’homme-mystère – omniprésent tout en étant absent, avant de remontrer le bout de son nez dans Arkham City – et ainsi prétendre avoir exploré toute l’île. Sans compter qu’une fois le titre achevé, il reste encore les différents défis débloqués à finir, des défis combat et des défis prédateurs (comprendre d’assassinats silencieux).

Rocksteady ne s’est donc pas fichu des fans en développant Batman Arkham Asylum, bien au contraire. Le titre entier transpire la passion du studio pour l’homme chauve-souris et le travail bien fait. Avec sa réalisation extrêmement impressionnante et sa richesse, qu’elle soit dans les combats, les dialogues ou dans les phases de jeu, il ne déçoit jamais. Il y aura toujours des pinailleurs qui remarqueront les animations rigides des personnages secondaires, l’IA pas parfaite et certains allers-retours camouflés, mais ils seraient bien mal avisés de descendre une telle production pour de pareils détails. L’une des plus belles surprises de l’année 2009 et très certainement l’une des adaptations les plus sidérantes que les mondes du jeu vidéo, du comics et du cinéma aient connu.