The Secret Of Monkey Island : Special Edition

Secret-Of-Monkey-Island-Special-Edition_Jaquette[dropcaps style=’2′]On se souvient encore du grand coup de force arrivé en début d’année : les messieurs Tim Schafer et Ron Gilbert lançaient un appel aux dons via le site Kickstarter pour un projet de point’n click à l’ancienne, connu encore actuellement sous le nom de Double Fine Adventure. Le succès de la manœuvre aura été immédiat : pas moins d’un million de dollars auront été généreusement donnés en seulement vingt-quatre heures. Une véritable explosion en somme, d’autant plus qu’à la date butoir de l’appel aux dons, environ quatre millions ont été ajoutés au chiffre d’une seule journée. C’est sûr, les deux compères auront été de mystérieux anonymes, il aurait été certain que tout ceci n’aurait pas fait un tel boum. Pourtant, on en vient quand même à se poser des questions… Comment ces deux-là ont-ils pu en arriver à mendier auprès de l’assistance ? C’est vrai quoi, les deux loustics bénéficient quand même d’un sérieux CV, d’autant plus lorsqu’on parle de jeux d’aventure typés « pointez, cliquez » où ils ont su inscrire de très belles lettres de noblesse. Parmi les pierres angulaires que ces deux-là ont institué, on ne peut passer à côté de la grande ère Lucas Arts, tout particulièrement de la série des Monkey Island. C’est simple, les deux premiers volets, sortis en 1990 et 1991, sont maintenant de véritables monuments du style, deux jeux qui ont pleinement contribué à l’essor du genre, tout comme deux jeux qui ont dû nourrir une certaine influence chez certaines têtes blondes de l’époque maintenant devenus grands et professionnels du jeu vidéo. En 2009, Lucas Arts s’est décidé à dépoussiérer The Secret Of Monkey Island, suivi l’année suivante par le volet suivant Monkey Island 2 : LeChuck’s Revenge. Merveilleuse idée qu’il leur est venue là étant donné qu’il était devenu extrêmement difficile de pouvoir faire tourner ces deux reliques. Et comme la démarche a le vent en poupe – on dira d’autant plus que c’est indispensable tant les joueurs d’aujourd’hui ont tendance à saigner des yeux pour un rien et qu’ils n’ont aucun scrupules à abandonner dès lors que les deux premières secondes les rebutent – il ne s’agit pas simplement d’une re-issue mais carrément d’un remake d’où le sobriquet de Special Edition. Après, c’est bien gentil d’aller prôner les remakes à tout va mais on n’est pas si naïf au point d’occulter que parmi eux et toutes les montures surmontés par le suffixe « HD », il y a à boire et à manger. Heureusement, les responsables du projet ont été extrêmement corrects et nous ont servi probablement l’un des meilleurs remakes qu’on a pu voir dans les jeux d’aventure. En même temps, vu la carrure de la bête, c’était bien là la moindre des choses.[/dropcaps]

Légende un jour, légende toujours

Tenez-le pour dit mais le but de cette présente critique n’est pas d’aller juger le jeu en lui-même mais plutôt sa petite cure de jouvence. La raison est fort simple : qu’il s’agisse des vieux joueurs qui se font une joie de raviver leur fibre nostalgique ou les petits nouveaux qui prennent leur petit cours de culture vidéo-ludique, il ne sera guère difficile de s’accorder sur un point. The Secret Of Monkey Island n’a en effet pas pris une seule ride dans son fond. C’est toujours un grand plaisir de retrouver – ou découvrir – l’arrivée du jeune Guybrush Threepwood sur l’île de Mêlée (comme ça de façon abrupte sans même savoir comment, ça fait toujours son petit effet). Son but : devenir pirate, même si on est en droit de se demander comment puisqu’il n’a pour ainsi dire aucune qualité pour l’aider dans « son projet professionnel ». Autant dire qu’une fois face aux flibustiers nichés dans la taverne de la ville, la moquerie y battra son plein. Pourtant, il ne se laisse pas démonter et ne tardera pas à être invité à faire ses preuves autour de trois épreuves initiatiques. Dans l’une d’elles, il se retrouvera confronté au gouverneur de l’île, une certaine Elaine Marley. Et là, le coup de foudre immédiat. Mais ce sera sans compter sur LeChuck, petite terreur ectoplasmique des alentours qui en pince également pour la jeune femme. A peine le temps que Guybrush prenne congé du gouverneur, l’amour plein la tête, qu’elle se fera enlever par le pirate fantôme et emmener sur la mystérieuse Monkey Island où le grand méchant a élu domicile avec son équipage déchu en semant tellement de terreur qu’aucun quidam n’ose plus mettre les pieds sur cette île depuis considérée comme maudite. N’écoutant que son courage, le brave Guybrush s’embarquera dans un périple rocambolesque pour sauver sa dulcinée.

C’est sûr qu’à voir comme ça, le scénario ne casse pas des briques. C’est d’ailleurs cela qui caractérise The Secret Of Monkey Island, une trame banale qui se singularise grâce à sa narration. Tim Schafer qui a écrit tout ce petit bousin s’était bien fait plaisir en s’y attelant : le jeu s’avère marrant et déjanté de bout en bout. Ça l’était en 1990 mais l’humour fait toujours mouche vingt ans plus tard. En cela, on peut dire que Monkey Island est indémodable tant l’humour prône l’absurdité toute en finesse sans qu’à aucun moment il ne soit vulgaire. On est donc bien loin du trip d’un certain Saints Row : The Third et ses combats de sextoys en tenue sado-masochiste. Schafer et Gilbert ont compris l’importance du poids des mots et en ont fait une brillante démonstration. Il n’y a qu’à voir les combats devenus anthologiques où le but n’est pas de croiser le fer mais de montrer sa prestance et supériorité avec nos cordes vocales se partageant insultes et réparties. Oui, la leçon morale que vos parents vous ont éventuellement faites lorsque vous étiez enfant est tout ce qu’il y a de plus vrai : les mots feront toujours plus mal que les coups.

L’image qu’un Monkey Island aura toujours raison de vos neurones n’a pas pris une ride non plus. Même un jeune ranger de jeune génération arrivant triomphant après de multiples parties réussies sur des point’n click aux énigmes illogiques se verra vite redescendre de son piédestal, les cheveux en moins. Le défi de tout résoudre de soi-même est un enjeu de taille, celui de comprendre où le jeu veut en venir aussi d’ailleurs. C’est tordu peut-être mais à moins d’être un matheux psychorigide, c’est comme ça qu’on l’aime tant c’est cohérent avec l’univers et ses divers protagonistes pas tellement plus sains d’esprit.

Vieux jeune ou jeune vieux ?

L’intérêt de The Secret Of Monkey Island : Special Edition réside bien entendu dans son remake. Dès lors qu’on lance la partie, on ne pourra pas lui échapper puisque LucasArts a pris soin de faire une petite refonte graphique afin de lui amener un petit coup de jeune. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont sacrément bien réussi leur coup tant le résultat n’est pas dépourvu de cachet. Même si les plus conservateurs pourront grincer des dents en se rendant compte que le parti-pris réaliste de l’original a été délaissé au profit d’un style cartoon, cette représentation n’en manque pas moins de charme. Le côté cartoon s’inscrit dans la lignée des opus suivants (The Curse Of Monkey Island, Escape From Monkey Island et le petit dernier des studios Telltale, Tales Of Monkey Island), créant ainsi une plus grande cohérence avec la série dans son intégralité – surtout si le troisième opus devenu lui aussi difficile à faire tourner se voit l’honneur d’être remaké un jour – et surtout, cela lui évite le côté démodé, les représentations réalistes façon « film » limite « vrais acteurs » ayant vraiment très mal vieilli tant cela fait bien longtemps que ce n’est plus d’actualité. Quant au choix de la 2D, elle renvoie directement une image old-school du plus bel effet et pourrait pratiquement rappeler aux vieux briscards qu’une doublette de dimensions est certainement la configuration la plus pratique et agréable pour jouer à un point & click plutôt que trois. Après, le choix de ne pas avoir toucher aux animations est bien plus discutable, la saccade faisant un peu tache lors de nos premières minutes au milieu de tous ces décors nouvellement peinturlés au botox. Certains ne le verront pas d’un bon œil alors que d’autres apprécieront une fois la surprise passée tant cela ancre d’autant plus dans le old-school. Autant le dire, l’auteur de la critique fait partie de la seconde catégorie, surtout qu’en prime, l’animation n’est pas foncièrement un point d’ordre dans ce style de jeu, là où cela se serait révéler bien plus gênant s’il s’agissait d’action ou de plate-forme.

Le design des personnages s’est vu également évolué afin de coller à la nouvelle approche graphique. Si la plupart des protagonistes sont plutôt réussis, on amènera plus de réserve en ce qui concerne les deux principaux, Guybrush et Elaine. Si, à la limite, la dernière peut encore passer, le décalage entre la version originale et cette Special Edition fait office de gouffre. Ok, fini les pixels qu’amenait une représentation réaliste mais leurs deux nouveaux looks ont tôt faits de délier les langues et attiser les plaintes. Et on le comprend ardemment, même si le physique ne fait pas tout, cela leur retire un certain charme, deviennent moins charismatiques et par conséquent moins attachants – tout du moins, il faut que le temps fasse son travail. Étonnant d’ailleurs que Lucas Arts ne se soit pas décidé à reprendre un design plus proche des troisième ou quatrième opus, voire le dernier et ainsi enfoncer le clou de la cohérence encore plus profondément.

La prise en main a elle aussi été revue. La nouvelle version est exempte de la séparation disgracieuse de l’écran entre tableau et liste de verbes. Toutefois, cet esprit old-school a été conservé puisqu’on agit toujours grâce à cette liste de verbes apparaissant via un menu dédié ou via des raccourcis clavier. Qu’il en soit bien clair, c’est certainement cette maniabilité se révélant au démarrage peu ergonomique et lourde sur la longueur qui rebutera les générations les plus jeunes habituées à des softs dotés de prise en main plus simplifiée et instinctive. Toutefois, avoir conservé cet esprit vieillot n’est pas forcément un mal : cela permet pleinement de se rendre compte de l’évolution d’un genre qu’on perçoit souvent – et injustement car faux – comme stagnant depuis sa création. Malgré tout, on pourra reprocher que les verbes programmés par défaut sur les clics droit et gauche de la souris ne soient pas spécialement bien choisis tant le fait de toujours devoir y aller du clavier – oui, mémoriser tous les raccourcis clavier est nettement conseillé en terme pratique – et de la souris ne serait-ce que pour prendre un objet ou ouvrir une porte se révèle vite rébarbatif et gonflant. On vous laisse donc imaginer l’infâme lourdeur des manipulations visant à assembler des objets entre eux dans son inventaire, surtout dans des cas où la rapidité est de mise pour X raison sous prétexte de devoir recommencer…

The Secret Of Monkey Island : Special Edition se voit aussi doté, dans ses principales nouveautés, de voix. Doublage par ailleurs excellent dans la veine de ce qu’il se fait dans les point’n click du haut du panier (le style bénéficie souvent de très bons doublages, il faut l’avouer). Même si les voix sont restées en anglais, les sous-titres, eux ont bien été traduits dans la langue de Molière, ce qui ravira à n’en point douter les anglophobes qui auraient bien du mal à apprécier tout l’essence du jeu s’ils devaient s’y atteler sans rien comprendre dans la langue de Shakespeare. D’autant plus que même s’il lui arrive à de rares moments à être un peu à côté de la plaque, elle reste quand même fidèle et soignée. Là encore, un bon point pour Lucas Arts qui a décidément bien fait les choses grâce à une équipe sans doute passionnée et non pas embauchée pour livrer une version new-look à la va-vite, juste histoire d’arrondir ses fins de mois. Autre nouveauté qui ravira sans aucun doute les plus jeunes s’attelant à la découverte de ce monument vidéo-ludique par l’intermédiaire de cette version, un petit système d’aide bien fichu qui viendra sans aucun doute sauver leurs neurones de la panne sèche intempestive. En même temps, vu la différence entre les standards de difficulté de l’époque et aujourd’hui, c’était là un élément absolument indispensable pour faire passer The Secret Of Monkey Island : Special Edition comme autre chose qu’un cadeau pour nostalgiques séniles et ainsi ouvrir quelque peu l’auditoire concerné.

Et si ça ne passe pas, ça passera quand même !

Lucas Arts a sans doute pensé aux plus conservateurs qui iront de leur petite critique tant le remake a quelque peu modifié le jeu original et ce, même si son déroulement est resté le même. C’est ainsi qu’ils ont inclus une petite option fort sympathique qui n’est autre que la possibilité de jouer au jeu original qui, lui, n’a subi aucune modification. On se retrouve donc avec le même jeu que 1990 avec les mêmes graphismes, les mêmes musiques (non remixées, cela va de soi), les dialogues originaux (en anglais donc) et la même prise en main avec l’écran séparé en deux comprenant les différents tableaux d’une part et les verbes d’action d’autre part. Et autre caractéristique sympathique de l’option : les deux versions sont switchables à tout moment via la pression d’une touche de son clavier. Ce qui laisse le choix aux plus conservateurs de faire sa partie « à la vraie » ou pour les autres de découvrir le gameplay de l’époque mais aussi de se rendre compte de tout le travail effectué pour ce remake. C’est que ce dernier ne paraît rien comme ça mais une fois confronté aux deux versions, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il y en a eu d’abattu quand même et ce, de belle manière sans qu’on n’ait jamais l’impression que cette Special Edition ait été bâclée.

[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Lucas Arts nous livre avec The Secret Of Monkey Island : Special Edition une belle leçon de ce que doit être un bon remake. On modifie et rafraîchit quelque peu l’original tout en conservant une bonne dose de ses racines pour ne pas trop le dénaturer. C’est justement ce qui a été fait là et même s’il n’est pas dénué de défauts plus ou moins discutables – autant on pourra débattre sur le design de certains personnages, autant la prise en main ou les saccades des animations font pleinement parties d’éléments historiques du genre pouvant être à la fois gênants et instructifs en guise de culture vidéo-ludique – le prix de vente peu excessif par rapport à la qualité du jeu (8,99€ sur Steam hors promotion) et le fait d’inclure de toute manière la version originale finiront de faire taire les éventuels râleurs. Attention toutefois, même si la qualité est là et que l’essence du jeu n’a pas énormément vieilli, il vaut mieux s’y attaquer en étant averti : il ne faut pas s’attendre non plus à un point’n click dans l’air du temps et le jeune qui s’y attaquerait dans cette optique se verra tellement décontenancé qu’il abandonnera bien vite en criant au scandale.[/section]

 

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