Bound by Flame

Est née en France une évidente complicité entre l’éditeur Focus et le développeur Spiders. Des portages alimentaires des Sherlock Holmes en passant par les créations originales telles que Faery : Legends of Avalon ou Mars War Logs, sans oublier les sous-traitances telles qu’Of Orcs and Men, cette complicité, pourtant récente, a déjà su traverser un panel diversifié de missions. L’étape suivante, l’étape logique suivante, était la sortie d’un jeu, en boîte, avec DVD – à l’inverse de la version PC de Mars. Profitant de la fin de vie de la huitième génération de consoles et par conséquent d’un parc colossal de consoles, le duo a décidé de proposer une autre vision de la fantasy. Of Orcs and Men avait déjà su se montrer différent, mais imaginé par Focus. Bound by Flame est quant à lui une réalisation complète de Spiders. Le plus cher, le plus gros et surtout, le décalage de dates et la facilité de programmation aidant, leur premier titre Playstation 4.

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bound-by-flame-playstation-4-007Pour amorcer cette nouvelle étape, Jehanne Rousseau et ses équipes nous emmènent dans le monde de Vertiel, plus mort que vif. Dominé par les Seigneurs du Froid, de puissants magiciens ayant découvert comment accéder de manière illimitée au Coeur-Monde, il n’est plus que terres désolées et ravagées. Les guerres entre les être vivants et la Mortarmée – l’armée de morts-vivants dirigée par les Seigneurs – a fait rage, mais comment lutter contre des morts. D’autant qu’à chaque victoire, cette armée du chaos devient plus forte en enrolant les perdants. Pour lutter contre cela, l’ordre des Erudits Rouges a découvert un rituel qu’il pense capable de mettre fin à ce conflit. Nul ne sait en quoi il consiste mais il s’agit là du dernier espoir pour les espèces vivantes, humains comme elfes. C’est pourquoi l’ordre engage une troupe de mercenaires, les Lames Franches, pour assurer leur protection. Le rituel doit se dérouler dans la Tour du haut du Monde, un temple reculé. Vous incarnez Volcan, un des mercenaires engagés. Le jeu s’ouvre sur une patrouille de Volcan, durant laquelle il rencontre un éclaireur du camp adverse, annonciateur d’un futur siège. Très vite, après quelques péripéties, Volcan devra cohabiter avec l’esprit d’un démon, très puissant et semble-t-il désireux de s’accaparer toute l’enveloppe charnelle.

bound-by-flame-playstation-4-006L’histoire de Bound By Flame, en plus de vous amener à sauver le monde, vous conte le conflit qui oppose Volcan au démon. Il s’agit là d’une réelle spécificité puisque selon vos choix tout au long de votre progression, l’aspect physique de Volcan changera, tout autant que les événements survenant. La trame principale restera sensiblement la même, toutefois, les dialogues évolueront, certaines quêtes seront inaccessibles à votre version démoniaque, et vice-versa. Le jeu est découpé en quatre actes, chacun constitué de plusieurs chapitres, eux-mêmes regroupant des quêtes. En parallèle, vous aurez accès à un beau panel de quêtes annexes. D’un nombre correct et surtout variées, elles font enfin leur boulot de complément historique et non de palliatif à une durée de vie faiblarde. Elles vous permettent souvent d’en apprendre davantage sur le monde de Vertiel et sur les PNJ et compagnons qui vous entournent, finalement assez peu développés sans cela. Les gars de chez Spiders ont semble-t-il appris de leurs erreurs en proposant une meilleure fluidité et surtout des dialogues consistants, et non pas creux et stéréotypés comme dans Mars. Tant mieux. Collecte de matériaux, extermination de bestioles belliqueuses, escorte, sauvetage, leur libellé n’est rarement original mais leur efficacité est avérée. Elles constituent de plus un passage obligé pour espérer progresser sereinement dans Bound by Flame. Vertiel se veut un monde sombre et cruel, ainsi, le niveau de difficulté a été pensé avec cette logique-là. A l’heure de la série des Souls requérant une attention de tous les instants, Bound by Flame nécessite de faire très attention dans les combats.

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Assurément le coeur du jeu. Le jeu est pensé comme un Dungeon-RPG, à savoir un hub et un donjon autour. Malgré une partie exploration autrement plus poussée que dans Of Orcs and Men, et même Mars, elle demeure plutôt linéaire. Toute l’action réside donc dans les confrontations. En temps réel, elles reprennent en quelque sorte le, très bon, système de Mars en le fluidifiant de manière drastique. Coup moyen, coup fort, protection, les commandes de base sont simples. Volcan peut toutefois attaquer sous deux postures, guerrier – muni d’une arme à deux mains – ou rodeur – avec deux lames. La première, puissante, se veut extrêmement classique, intéressante contre les ennemis de base, capable de destabiliser l’autre et pouvant asséner de puissants coups quand il le faut. La seconde, utile pour de l’infiltration – pan absolument pas exploité – offre des coups extrêmement rapides et surtout une esquive. très utile contre les plus gros adversaires. Il vous faudra apprendre très vite à choisir la meilleure technique pour venir à bout des morts-vivants. Ces deux rôles peuvent être complétés par des pièges explosifs, une arbalète et de la magie. Une fois le démon hébergé, Volcan développe la technique de la pyromancie. A vous alors boules de feu, cercles de protection et armes enflammées – cette dernière technique est d’ailleurs indispensable pour espérer finir le jeu sans encombre.

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Toutes ces techniques peuvent être assignées à des raccourcis , à savoir L2/LT + une touche. L1/LB permet de voir l’intégralité des possibilités, incluant donc les objets en sus, potions de vie ou de mana. Vous ne combattez que très rarement seul : vous aurez à vos côtés un compagnon, parmi la petite troupe qui se constituera autour de vous. Et seule Sybil est guérisseuse. Votre régénération devra donc passer soit par des objets soit par des talents. Ceux-ci se gagnent au travers d’objets de quête, quelque fois, mais surtout au fil de votre expérience. A chaque niveau, 2 points leur sont alloués : vous aurez le choix entre trois arbres, représentant les deux postures et la pyromancie. A moins de vous spécialiser dans un seul arbre, vous ne réussirez pas à finir les trois arbres avant le générique de fin – à moins de passer des dizaines d’heures supplémentaires à leveller. En parallèle, 1 trait est alloué aux compétences, tel que la taille de la barre de vie ou l’artisanat. Reprenant le système de craft de Mars War Logs, le jeu permet de créer au travers de matériaux des objets ou de sertir les équipements. Volcan, à l’apparence peu personnalisable en début d’aventure, peut être habillé de la tête au pied. La plupart des équipements peut être sertie pour voir ses statistiques s’envoler. Toute partie d’équipement peut plus tard être recyclée pour espérer récupérer les matériaux utilisés à sa confection. Le système est terriblement simple à comprendre et à mettre en place.

bound-by-flame-playstation-4-009A chaque hub, ressemblant plus souvent à un camp de fortune qu’à un village, des marchants vous proposeront d’utiliser l’or glâné sur les cadavres de vos victimes ou dans les nombreux coffres – à l’apparence en fonction du décor – pour acheter du nouveau matériel. En craftant bien, il est rarement nécessaire de dépenser de l’argent, si ce n’est pour se lotir en potions de santé en fin de parcours. Bound by Flame, comme précisé précédemment, peut s’avérer extrêmement difficile, et ce dès le mode Faucon (le traditionnel Normal). L’IA des ennemis est pourtant l’un des gros points faibles du jeu. Complètement abrutis, ils n’hésitent pas à vous foncer dessus et à vous attaquer quand bien même vous préparez quelque chose. Ils n’élaborent aucune stratégie. Cela pourrait être justifié par leur état et le scénario dans le cas des squelettes, ceci est plus dommageable dans le cas des boss conscients. Et cela l’est encore plus de la part de vos compagnons, parfaitement abrutis eux aussi. En leur parlant il est possible de les orienter plus ou moins en attaque ou en défense, mais rien de très poussé, à tel point qu’ils servent essentiellement de leurre lorsque les ennemis se veulent nombreux. C’est d’ailleurs étonnant puisque l’histoire met en avant le background des personnages en vous proposant d’améliorer votre affinité envers eux – en les choisissant, en leur parlant, en leur répondant et en réalisant leurs quêtes – il est même possible de se rapprocher fortement de certains d’entre eux…

bound-by-flame-playstation-4-005Cette difficulté, correcte pendant les deux premiers actes, prend son envol dans le dernier donjon, avec des ribambelles d’adversaires qui sont capables de vous envoyer ad patres en trois-quatre coups maximum. N’espérez même pas sortir du coin d’une arène si deux monstres vous y ont coincés : les coups au sol étant autorisés. Vos coups, en revanche, n’occasionnent que peu de dégâts, amenant par moment certains combats peu intéressants à durer de longues minutes. Le boss de fin est en cela un calvaire, dont l’enchainement peut entrainer la mort et dont l’endurance écrase la vôtre. Prévoyez du temps devant vous avant de le défier. Et c’est en cela que Bound by Flame semble pêcher : le temps de test. Le jeu est truffé de bugs en tout genre, de l’ennemi qui se coince, à la scène cinématique ne voulant pas se déclencher (une recharge de sauvegarde automatique, qui se fait à chaque couloir, et c’est bon). Le dernier tiers paraît incroyablement rushé, avec des décors moins recherchés qu’au début, un level design fait pour gonfler la durée de vie, un amoncellement de combats ne servant à rien. Le pire étant le manque de récompense une fois le récit terminé. Une fois Bound by Flame parcouru, aux termes d’une quinzaine d’heures en ligne droite et un peu moins d’une vingtaine avec les quêtes annexes, seul le plaisir d’avoir vécu une charmante aventure ne restera.

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C’est d’autant plus dommage que techniquement, il est évident que Spiders a fait un bon en avant. Plutôt fin, Bound by Flame se veut assez joli, avec des univers anxiogènes au possible. L’ambiance est volontairement pesante appuyée par des décors très recherchés la plupart du temps. L’univers dépeint sort quelque peu des codes de la fantasy habituelle, ce qui constitue une agréable surprise. Ce n’était pas gagné en parcourant l’arrière de la jaquette. Sur Playstation 4, le jeu se révèle très propre, sans tearing, sans aliasing, sans ralentissement d’une quelconque sorte. Les modèles 3D sont bons et les collisions sont autrement meilleures – bien que toujours imparfaites – que dans Mars War Logs. Le moteur maison, Silk Engine, a ici bien bossé pour offrir des environnements bien plus convaincants encore que par le passé, complété par le Phyre Engine de Sony. Il faut qui plus est de nouveau compter sur une excellente bande son d’Olivier Derivière. Afin d’instaurer le sentiment de tristesse du monde, il a opté pour des compositions majoritairement chantées. Que ce soit un solo – dans le cas des lieux habités – ou des murmures – les donjons – la voix est toujours opportune. Les compositions restent elles-aussi très bonnes, amenant systématiquement la bonne ambiance aux événements.

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Malgré toute la bonne volonté du monde, Bound by Flame reste un “petit” RPG. Avec sa relativement courte durée de vie, sa progression finalement assez limitée et ses gros problèmes d’équilibrages et testing, il met en lumière le manque de moyens de Spiders et Focus. Pourtant, Spiders s’améliore et fait de Bound by Flame un meilleur titre que Mars War Logs. Il se montre ainsi bien plus ambitieux, sur le plan technique et sonore. Le petit studio – dont l’effectif a monté jusqu’à 35 personnes en cours de développement – a su proposer une aventure plus fluide et mieux maitrisée qu’à l’accoutumée. Fier d’un système de combat bien conçu – bien qu’un peu limité sur la fin – Bound by Flame fait plutôt bonne figure en tant que premier RPG en boîte sur Playstation 4. Il ne peut en aucun cas défier les mastodontes du genre mais il n’a pas non plus à rougir de son Histoire.