Ces pnjs qui nous prennent par la main

« Quelle douce voix! »

Pour revenir au thème principal de ce dossier, à savoir le fait que le joueur/héros soit souvent accompagné, il est impossible de ne pas évoquer la tendance qu’ont beaucoup de jeux à nous mettre en contact radio tout au long de l’aventure.  Ces guides omniscients sont véritablement rassurants pour le protagoniste. Metal Gear Solid, dont le deuxième opus officiel paru sur Ps One, a intégré totalement à son scénario le codec via lequel toute une équipe accompagne Snake jusqu’au bout du suspense. Sam Fisher semble nourrir le même intérêt à cette technologie. Il est amusant de voir les deux approches radicalement opposées qui utilisent pourtant le même dispositif : chez Kojima le Codec sert de balise dramatique dans le déroulement de l’histoire, donnant lieu à des vraies interruptions. Alors que le pari d’Ubisoft pour Splinter Cell fut, au contraire, de proposer un déroulement complètement fluide et ininterrompu : les rebondissements et les twists sont opérés en temps réel, sans jamais couper la progression du joueur. Même mécanique, utilisations différentes.

Quelques années plus tard, Isaac de Dead Space écoute du début à la fin du jeu la voix de Kendra, dont le son constitue un havre dans cet enfer mécanique bénéficiant d’une ambiance sonore tout simplement ultime. La chose pourrait paraître presque forcée au début de Dead Space 2. On y retrouve Isaac dans un asile, traumatisé qu’il est par sa première aventure. Je vous laisse découvrir comment une radio-oreillette lui tombe littéralement du ciel et qu’on se retrouve dans le même train-train connu et rassurant de la voix féminine qui va lui dire quoi faire. A ce propos, on trouve dans ce jeu une redondance du dispositif qui à tendance à me taper sur le système tout en coupant mon immersion. En effet, après plusieurs heures, on finit vraiment par s’habituer à la routine de la « narration par dialogues radio ». Avec une vraie répétition de l’enchaînement : nouvelle salle, mini-loading de sauvegarde, Kendra nous explique où on est et quoi faire. Et ça n’arrête pas. Au final il s’agit peut être d’un cocktail efficace, mais utilisée paresseusement, cette mécanique a tendance à créer une répétitivité assez lassante dans l’enchaînement des phases et des objectifs.

Isaac ! Et si on avançait tout seul, comme un grand ?
Enfin, comment ne pas parler de Batman qui, lors de sa très longue nuit blanche dans les couloirs malsains de l’Asile d’Arkham (et plus tard dans tout Arkham City), bénéficie de l’aide d’Oracle, fille du commissaire Gordon, tout en trouvant le temps de jouer à distance avec l’Homme-Mystère. Ce passionnant jeu de piste est un prétexte de choix à la découverte des lieux, la compréhension du level design et l’intégration astucieuse de beaucoup d’éléments de l’univers du comics. Cette exposition du caractère de Batman épaulé par un élément bienveillant (Oracle) puis malveillant (l’Homme Mystère) permet à la fois de développer la personnalité de ce Batman, et d’introduire astucieusement des détails et des précisions sur l’univers.

Parmi tous ces partenariats, la relation entre le joueur et son interlocuteur radio, dans Bioschock, constitue, à mon sens, l’itération ultime de cette configuration. Atlas fait office d’opérateur improvisé (comme le Al Powell de Die Hard 1), qui donne des précisions sur la progression avec un objectif on ne peut plus humain en tête : sauver sa famille. Sa présence est bienvenue en ce sens qu’il connait Rapture, alors que le joueur la découvre totalement. Il est à noter que le point d’orgue de cette relation, bien que classique dans le fond, relève, à la fin du jeu, d’une tournure scénaristique de génie par la façon dont la chose est amenée… Chut! Me souffle-t-on… D’accord.

Et pour, enfin, arriver à mon exemple de départ, Lara Croft, elle, s’est dégonflée (façon de parler) à partir de l’épisode Legends dans lequel elle a décidé d’avoir deux contacts en permanence, vidéo et audio. Et c’est là que se joue le décalage que je dénote en début d’article. Dans les anciens Tomb Raider, les salles gigantesques ont ceci d’immersif qu’on y évolue seul, coupé de tout contact. Notre appréhension de l’environnement et de nos objectifs dépend de nos seules facultés à analyser ce qui nous entoure. D’où un sentiment de solitude, voire même d’inquiétude qui opère. C’est une qualité qui demeure chez Tomb Raider et qui manque, cruellement selon moi, à Uncharted, son descendant direct. Or l’épisode Legends avait tendance à briser cette solitude par un contact quasi permanent avec une équipe qui voyait tout ce que l’on faisait et parlait à chaque moment-clé. Manifestement, on s’est rendu compte de ce défaut chez Crystal Dynamics, puisque dès l’épisode Underworld ce dispositif disparaissait. C’est la grande force de la série, pour autant que je sache. Gageons que cela perdure.

Quand c’est la fête chez les Croft…