Tearaway – Avis de Margoth

tearaway-jaquette-5270f064b50ca[dropcaps style=’2′]Même si les fondateurs de Media Molecule ne sont pas des débutants puisqu’ils proviennent de Lionhead Studios (l’ancien repère de Peter « folie des grandes promesses jamais tenues » Molyneux), il n’empêche qu’il est encore bien tôt pour les porter aux nues. Après tout, qu’ont-ils fait ? LittleBigPlanet, très bon jeu de plate-forme qui a su apporter sa petite révolution à sa sortie de par son parti-pris très ancré sur le communautaire. Puis, le second opus qui ne fait que reprendre les mêmes pour mieux recommencer, avec une certaine paresse tant il n’apporte pas grand-chose de plus par rapport au modèle fondateur. On aura beau dire : Media Molecule reste encore un tout jeune poulain qui a encore beaucoup à prouver car ce n’est pas qu’avec une licence, bien que réussie, qu’on peut montrer toute l’étendue de son talent. Bien au contraire, se cantonner à un unique jet ne peut que réveiller les langues de vipère : la chance du débutant, rien de plus. Alors, voir le studio britannique passer le relais Sackboy à d’autres afin de se concentrer sur de nouveaux projets tout neufs, ça ne peut laisser indifférent. Tearaway est donc leur second essai de preuve d’incursion dans le monde des grands. Et histoire de pimenter un peu les choses, Media Molecule se targue même de laisser tomber la PS3 au profit de la Vita.[/dropcaps]

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Vou ne variez pas d’un iota

L’histoire du jeu est on ne peut plus simple : faire en sorte de mener un messager jusqu’au destinataire de ce qu’il transporte. Le messager, nommé Iota (s’il est mâle) ou Atoi (si féminine est-elle), c’est à nous de le contrôler afin qu’il réussisse sa mission au travers des mondes visités envahis de vilains scraps, sales petites vermines apparues de nulle part dont la seule préoccupation est de foutre le bordel dans ces contrées pourtant si paisibles… Et nous mettre des bâtons dans les roues au passage, cela va sans dire. Et le destinataire ? Eh bien, c’est Vou… Enfin, nous, le joueur habituellement planqué derrière nos consoles. On se demande bien pourquoi on est resté aussi discret dans tous ces jeux menés puisqu’il s’avère que Vou – enfin, nous – se révèle être une bien puissante entité. Divine ou effets secondaires d’une quelconque brisure dimensionnelle, très difficile d’émettre une réponse précise tant cela balance selon les autochtones rencontrés. En attendant, si le joueur peut être flatté qu’on lui prête tant d’importance, ce n’est que pour mieux le berner en lui quémandant de participer aussi. Car oui, ce petit messager n’arrivera jamais jusqu’à Vou, matérialisé(e) par notre trombine collée en plein milieu du soleil, sans qu’on mette également la main à la patte. C’est qu’après tout, il serait bien malpoli de notre part d’exiger qu’un frêle petit messager se tartine une pléiade de kilomètres non dénués de dangers et de se la couler douce en attendant. Alors qu’on pourrait très bien se retirer les doigts des fesses afin de les balader joyeusement sur la surface de sa console, histoire de filer un coup de main. Parce qu’il en soit bien clair Vou comme Iota (ou Atoi) doivent s’entraider tant les deux sont interconnectés.

Même si l’univers est bien différent d’un LittleBigPlanet, il n’y a pas à dire : la patte Media Molecule est frappante. Si les brics et les brocs sont abandonnés au profit d’un monde en papier, il y règne une ambiance et une sensibilité fort communes. Et ce n’est pas le ton global et la narration détournant le principe du conte qui dénotera ce constat. A croire que l’obsession de la matière a été le point de départ de la création du studio, un fil conducteur et connecteur inter-œuvres même s’il est encore trop tôt pour le dire. En tout cas, bien que similaire, le charme propre aux univers déployés par Media Molecule opère toujours. Petite bouffée de nouveauté aidant, il aurait même tendance à être davantage présent que les secondes pérégrinations de Sackboy. C’est bien simple, les formes, les couleurs, une formule très enfantine : on ne peut qu’être en émoi face à notre écran, en proie à une poésie onirique certaine. Et pour les plus terres-à-terres chez qui le syndrome de Peter Pan n’a aucune emprise, le concept lui-même fait qu’on s’amuse de se retrouver face à un jeu fait par des mecs et des nanas qui devaient avoir au moins 5 grammes dans chaque œil. Attendez, voir sa trombine dans un soleil, ça fait très Télétubbies. Et les Télétubbies, c’était un programme qu’on regardait en fin de soirée arrosée (si ce n’est pire pour les plus mauvaises graines) à 6h du mat’ sur Canal +. Les seules fois où l’on comprenait réellement le délire d’ailleurs c’est bien connu.

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Atoi de jouer !

Tearaway se présente sous la forme d’un jeu de plate-forme on ne peut plus classique en ce qui concerne le contrôle du petit messager. Media Molecule a abandonné cette fois l’horizontale de LittleBigPlanet pour du full-3D qui aurait sans doute été plus convaincant si certaines perspectives étaient mieux gérées. En effet, quoi de plus blasant que de louper une phase simplement à cause d’un petit caprice où le jeu est plus fautif que le joueur. Mais en dehors de cela et quelques rares ralentissements – notamment lors d’un niveau de type poursuite, cela ne pouvait pas plus mal tomber – Tearaway s’en sort plutôt bien, n’oubliant pas d’enrichir son propos au fur-et-à-mesure de son avancée (notamment avec un appareil photo ou un accordéon) histoire de varier les plaisirs. De cette recherche de variété, on ne peut pas dire qu’on est en proie à l’ennui, ne serait-ce qu’une fois.

Mais si vous avez bien compris, le gameplay du soft ne s’arrête pas là. La plus grande particularité du nouveau bébé de Media Molecule est de reposer sur deux niveaux distincts : celui du messager, classique dans l’esprit, et celui du Vou. Et c’est par ce dernier aspect que le titre puise toute sa force avec un argument de poids. Celui d’utiliser au mieux toutes les fonctionnalités de la Vita, partant de l’appareil photo jusqu’aux deux pavés tactiles en passant par le micro. Si ce dernier est plutôt du simple bonus pas spécialement important, les deux premiers sont néanmoins essentiels pour notre bon cheminement. En particulier le côté tactile où nous sommes amenés très régulièrement à en usiter afin d’interagir avec l’environnement pour que le messager puisse continuer son chemin. Que ce soit le pavé arrière de la console, certains sols pouvant laisser passer nos gros doigts boudinés pour faire de la bouillie de scraps et déplacer certaines plates-formes ou la présence de tambours servant de trampoline de fortune dès lors qu’on tapote l’arrière de la console. Et bien entendu l’écran de la console qui nous servira à faire exploser un certain type de scrap, dérouler des sortes d’autocollants qui bloquaient notre petit héros en l’état où ils étaient présentés et autres petites subtilités, tels que dessiner et découper des éléments manquants à des autochtones – une couronne pour ce petit distrait d’écureuil royal qui avait perdu la sienne par exemple – une manière de se donner bonne conscience d’avoir briser la félicité des mondes visités. Même l’inclinaison de la console peut influer sur la position de certaines plates-formes, c’est dire si rien n’est laissé au hasard. L’appareil photo sera aussi beaucoup utilisé, ne serait-ce que donner une apparence concrète au Vou – par principe, notre tête, la vraie, celle qui est dotée d’un charisme de loutre – ou bien photographier certains éléments du décor du jeu, par demande de PNJ ou de collecte annexe de trucs ayant perdus leurs couleurs, voire même de choses de notre propre réalité qui seront par la suite réutilisés au sein même du jeu (la robe d’un élan ou certains panneaux d’affichage par exemple). Au final, pas mal de choses, pas forcément gérés avec perfection – le pavé tactile arrière peut parfois se montrer un brin capricieux mais cela s’arrange toujours rapidement – mais fortement bien foutues et abouties.

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De Vou Atoi

Car il faut bien le dire, les plus grandes difficultés du jeu ne proviendront pas de perfectibilités techniques mais bel et bien du joueur et de sa capacité à gérer deux niveaux de gameplay. Chose à laquelle le jeu vidéo ne l’a jamais forcément habitué jusqu’à maintenant. Et chose que Tearaway fait fort bien, l’amène avec beaucoup de talent et surtout de cohérence vis à vis du background. Après, les plus sérieux pourront pester que cela se fasse dans un contexte fort mignon et enfantin, il demeure qu’un tel part-pris où la maturité est vraiment mise au fond d’un placard est très bien choisi. A mon sens, Tearaway fait office d’expérimentation vidéo-ludique. Alors certes, l’expérimentation, on en bouffe à toutes les sauces, de la grosse production – citons au hasard les jeux de Quantic Dream au monde plus modeste de l’indépendant Dear Esther, Journey et bien d’autres encore – mais il faut reconnaître que les développeurs se sont toujours davantage focalisés sur l’extrémisme vidéo en règle générale. Media Molecule, lui, fait pencher la balance clairement vers le côté ludique. Et en cela, rester dans sur une sensibilité puérile ne peut que lui donner raison dans le sens où la recherche quasi-systématique de ludisme dans une activité, quelle qu’en soit sa nature et domaine, est propre à l’enfant.

Avantage d’un tel parti-pris : une très grande accessibilité, d’un public jeune aux plus vieux qui se retrouveront sans doute aussi envoûtés que les pré-pubères. Le joueur est en effet sans cesse invité à interagir de différentes manières, ce qui fait que l’ennui n’a même pas lieu de pointer le bout de son nez. Certes, les plus expérimentés pourront pester contre cette trop grande facilité, effet indésirable inhérent à ce désir de large accessibilité, qui fera qu’ils viendront très (voire trop) rapidement le bout de l’aventure mais force est de constater qu’on la mènera avec une frénésie des plus hypnotiques. Et où il y a fort à parier qu’on se laissera porter par une régression infantile plus facilement et intensément qu’on pourrait bien le penser grâce à une ambiance et univers bien maîtrisés.

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[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Même s’il est perfectible sur quelques subtils détails techniques, Tearaway est une excellente surprise. Une pépite qui inciterait à elle seule l’investissement dans une Playstation Vita d’ailleurs. Media Molecule confirme avec sa nouvelle franchise un savoir-faire certain dans la mise en œuvre de concepts révolutionnant le petit monde du jeu vidéo en se focalisant sur le ludisme. Alors que bien d’autres préfèrent s’acharner sur l’axe vidéo, une solution devenue au fil de l’évolution technologique moins surprenante, trop évidente. Peut-être même plus facile d’ailleurs. On ne peut que saluer Media Molecule de réussir sur ces terres instables où il est très facile de se péter la gueule tant on aurait l’impression que le jeu vidéo aurait livré toutes ses cartes « ludiques » au travers des années. Alors qu’il n’en est pourtant rien, la preuve.[/section]

 

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