Mars War Logs

Avant de s’appeler ainsi, Mars War Logs s’appelait juste Mars. Ambitieux RPG du jeune studio Spiders, le titre n’a jamais pu trouver éditeur et encore moins les fonds nécessaires. Son univers atypique, ses choix de game design tranchés et son ambiance horrifique n’ont pas conquis le public professionnel, à défaut de celui des joueurs. Cet Action-RPG made in France disposait pourtant de tous les arguments pour s’imposer comme un ovni dans le paysage du jeu vidéo. Cinq ans ont passé depuis son annonce, Mars est donc devenu un RPG orienté action nommé Mars War Logs

mars_war_logs_screen_002L’aventure prend place sur la planète rouge. Les hommes ont su la coloniser des dizaines d’années auparavant. En raison d’un changement d’orbite, les liens entre Mars et la Terre ont été rompu. Depuis ce tumulte, les colons sont désormais livrés à eux-mêmes. La principale denrée rare étant l’eau, elle est devenue la principale monnaie d’échange. Le pouvoir se partage, notamment, entre deux grandes entreprises, Abondance et Aurora, toutes deux disposant de leur propre gouvernement et armée privée. Nous contrôlons Roy, alias Temperance de son vrai nom, né dans le camp Aurora, camp dans lequel chacun obtient un nom de vertu, incarcéré dans le Camp 19 tenu par l’armée d’Abondance. Il y rencontre un jeune garçon, Innocence Smith, jeune recrue de l’armée d’Aurora, fait prisonnier. L’arrivée d’Innocence va permettre à Roy de mettre en exécution son plan d’évasion. Bien évidemment, ce ne sera pas si simple, d’autant que la prison est tenue par deux membres de la caste des Technomants, des humains utilisant des technologies terriennes anté-tumultiennes, leur octroyant de prodigieux pouvoirs.

mars_war_logs_screen_001Sur ce postulat pas banal, Jehanne Rousseau et le studio Spiders ont décidé de nous donner leur vision du RPG. A l’image, Roy, le héros, accompagné au départ par Innocence, son nouveau meilleur ami relatant toutes leurs mésaventures dans un journal. Il est d’ailleurs notre voix off entre chaque chapitre, au nombre de quatre, pour préciser les transitions. La navigation se fait de manière similaire à un Star Wars Knights of the Old Republic, dans un environnement à taille humaine, au paysage très chargé. Mars n’est pas une planète hospitalière et les habitations, souvent plus proches de la favela que de la villa, transpirent la saleté. Que ce soit le Camp 19 ou le Have D’Ombre, une des villes, et les différents lieux visités, les décors martiens ne laisseront personne indifférent. C’est d’ailleurs ce qui étonne d’entrée de jeu : la direction artistique très racée. La poussière suinte de l’écran et instaure immédiatement une ambiance dérangeante. La direction artistique de Mars se veut claire et Camille Bachmann, designer chez Spiders, s’est également permis d’offrir à Mars des protagonistes pour le moins singuliers. Les Technomants resteront un moment dans l’esprit du joueur, tout comme la plastique de Mary, particulièrement originale dans le paysage rougeâtre du jeu. Il n’y a pas à dire, l’univers de Mars restera dans les esprits un moment.

mars_war_logs_screen_006Sans compter que son contexte géopolitique n’inspire pas spécialement la quiétude, avec de multiples conflits et vendettas à chaque coin de rue. La plupart fait écho à une mission annexe, pour inhiber l’impression de linéarité et étoffer quelque peu les statistiques du héros. Il faut dire que Spiders, sûrement conscient de la qualité de son système de combat, n’a pas lésiné sur leur nombre. Chaque quête entraine son lot d’échauffourées, plutôt corsées sur la fin de l’aventure. L’orientation A-RPG prend ici tout son sens avec un Roy effectuant en temps réel chaque action commandée par le joueur, directement au travers des touches et non d’un menu classique. Roy peut en effet attaquer – normalement ou fortement, la différence se faisant logiquement sur l’impact mais également sur la vitesse d’exécution – bloquer, effectuer des roulades, utiliser des objets ou lancer des sorts. Très vite, Roy fera montre de talents proches de ceux des technomants (no spoiler), permettant d’étoffer de manière significative la palette d’instructions. Spiders a fait en sorte de laisser le joueur maître de son personnage, notamment grâce à un cercle de compétences, où chacune d’entre elles se débloque au fil des niveaux. Roy peut se spécialiser dans la magie ou privilégier le corps à corps. Certaines portions à débloquer demandent au joueur de choisir entre deux aptitudes, en sachant qu’une fois l’une choisie, il sera impossible d’apprendre la seconde.

mars_war_logs_screen_007Cette logique est également présente dans le craft puisqu’il est possible d’améliorer ses armes et armures à l’aide de matériaux. Ceux-ci, à même les cadavres et les planques du décor, ou à la résolution d’une quête, peuvent aussi être récupérés d’autres équipements. Le système amène vite le joueur à privilégier un inventaire restreint mais optimisé. Des boutiques sont bien évidemment présentes mais ne proposent que les habits de base, très vite dépassés par les victuailles issus d’ennemis. Toujours dans le souci de proposer un maximum de personnalisation, Roy reçoit à chaque niveau d’expérience des traits, traits servant à apposer un job et débloquer des fonctionnalités supplémentaires, telles que de meilleures créations d’armes. Spiders a fait, autant que faire se peut, un titre ouvert, jusque dans les choix en cours de scénario. Jusqu’à un twist de milieu de parcours, la trame principale ne reste que légèrement perturbée par les choix du joueur. Passé ce twist, l’histoire offre clairement deux embranchements distincts, aux événements et surtout dénouement différent. Le « petit » A-RPG propose ainsi une durée de vie un peu plus conséquente pour celui que voudrait tout vivre, passant d’une douzaine d’heures – missions annexes comprises – à plus d’une quinzaine, si toutefois une sauvegarde ait été judicieusement pratiquée au bon moment. L’épilogue rappelle d’ailleurs que Mars War Logs a été pensé comme un premier épisode, à l’histoire finie mais à la fin ouverte.

mars_war_logs_screen_005Mars semble donc sur le papier un A-RPG de grande qualité, sa nationalité étant la cerise sur ce très bon gâteau. Malheureusement, la génération PS360/PC a mis en exergue les différences entre un AAA et un petit titre. Créé tel un indépendant, Mars War Logs souffre toutefois de plusieurs tares très certainement dues à un budget réduit et/ou un temps de développement trop court. Les multiples bugs de collision et d’affichage, malgré les mises à jour, n’ont jamais tous disparu. Déjà utilisé pour Of Orcs and Men, le moteur affiche ici quelques limites, compensées par la direction artistique. Redondants, les combats génèrent surtout une certaine dose de frustration tant certaines confrontations, dans des lieux étroits, amènent les ennemis à vite vous inonder de coups ne vous laissant même pas le temps de répliquer : le coup au sol est en effet de rigueur. Si nous devions continuer dans les petits « moins » qui font beaucoup, il serait de bon ton d’ajouter des dialogues parfois peu inspirés, des environnements à l’architecture inutilement compliquée, des menus peu ergonomiques – heureusement des raccourcis sont paramétrables – et un doublage anglais pertinent uniquement après mis à jour. Il reste cependant le plus gros morceau, la tare du jeu : le rythme. Déjà présente dans Faery Legends of Avalon, le premier titre du studio, la surabondance de quêtes annexes parfaitement inutiles noie le récit. Leur exécution a beau être facultative, elle reste importante pour une bonne progression du joueur, l’expérience des principaux combats ne faisant pas tout. Il faut de plus bien comprendre que les missions demandent régulièrement d’aller voir un péquin A, renvoyant vers un péquin B, lui-même nous envoyant vers un C qui requiert une discussion avec A pour finalement affronter D et rendre compte à C. Cet exemple volontairement exagéré existe pourtant dans le jeu, et ce genre de schéma se reproduit malheureusement très souvent.

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Sans compter que malgré sa douzaine d’heures, le scénario de Mars War Logs ne restera pas forcément très longtemps en tête. C’est d’autant plus dommage, qu’encore une fois, l’univers, lui, marque. Spiders est dans le vrai, mais utilise encore des routines archaïques de rallongement de durée de vie. Le jeu aurait fortement gagné à être peut-être plus court mais moins poussif dans son déroulement. Il en résulte un A-RPG charmant, à la direction artistique très identitaire, au système de combat très bien pensé et à l’univers original. La french touch ne se sent pas réellement, à l’inverse de cette envie de sortir des codes traditionnels du genre. En revanche, Mars War Logs trébuche dans son rythme et dans ses dialogues, finalement assez plats et affichant, par instant, trop de clichés pour un vétéran du RPG. Il reste à croiser les doigts qu’il ne s’agisse bel et bien qu’une entrée en matière avant un titre de plus grande ampleur.