Réponse de Sega à Sony, de Game Arts à Squaresoft, Grandia a su marquer les esprits non seulement grâce à son statut de blockbuster du RPG japonais mais aussi et surtout par son formidable appel au voyage. Aidés par les superbes compositions de Noriyuki Iwadare, Justin et Feena ont su emmener les joueurs dans l’une des plus belles aventures parues sur Saturn, puis sur Playstation. N’écoutant que les appels des fans impatients de voyager à nouveau, Game Arts a profité de l’arrivée de la Dreamcast pour leur offrir la suite tant désirée et sobrement nommée : Grandia II.
Au revoir Justin et Feena, bonjour à Ryudo et Elena. L’histoire de Grandia II délaisse même totalement l’univers décrit dans le premier volet pour afficher un monde original : Granas et Valmar, respectivement emblèmes de la lumière et des ténèbres, se sont livrés une lutte sans merci qui a vu la victoire de Granas et l’emprisonnement de Valmar. Dieu soit loué. Ainsi, le monde a pu vivre dans la paix pendant de très nombreuses années. Le jeu débute sur une périlleuse mission mettant en scène Ryudo – un Geohound, autrement dit l’équivalent d’un mercenaire – et Skye, son fidèle ami volatile qui n’a pas sa langue dans sa poche. Fiers de s’en sortir indemnes, ils tombent sur une offre d’emploi : garde du corps pour l’Eglise de Granas. La personne à protéger est une jeune prêtresse chanteuse, Elena de son prénom, appelée à mener une cérémonie douteuse dans une tour qui ne l’est guère moins. Un travail est un travail. Mission acceptée et réussie… à ceci près que la cérémonie tourne mal : l’intégralité des prêtresses décède et Elena se voit dotée d’ailes noires similaires à celles arborées par Valmar. N’écoutant que son courage et la statuette en or promise pour le job, Ryudo accepte de conduire la rescapée jusqu’à l’autel du Pope Zera, grand chef de l’Eglise de Granas. Bien évidemment, tout l’intérêt de cette association tout à fait improbable réside dans les clashs entre Ryudo et Elena en raison de leurs vies radicalement opposées. D’un côté la liberté et la désinvolture, de l’autre la sobriété et la rigueur.
Sur leur chemin, ils seront amenés à croiser un joli lot d’énergumènes tous plus colorés les uns que les autres. Et si nous ne devions retenir qu’un seul protagoniste, ce serait sans hésitation celui de Millenia. Être ailé, disposant des ailes de Valmar, pulpeuses, puissantes et terriblement hautaines, elle fait une entrée fracassante dans la vie du petit groupe de héros à tel point que l’espoir de la revoir incite à progresser. Très réussie, elle catalyse tous les contraires d’Elena à tel point qu’il est très difficile de la suivre et de la cerner. Le personnage le plus réussi du jeu, assurément. Mais il ne faut pas pour autant enterrer les autres, qui, s’ils n’arrivent pas à rattraper l’excellence du premier casting, constituent une belle brochette de héros auxquels nous nous attachons très vite. Entre Mareg l’imposant guerrier, Tio la resucée de Pinocchio et Roan le garçonnet aux mille secrets, nous avons de quoi en apprendre pas mal, d’autant que le scénario recèle moult surprises qui entrainent une explosion de révélations lors des cinq dernières heures de jeu que ne renieraient pas les cadors du genre. A nouveau, Game Arts part d’un postulat très simple et complexifie tranquillement l’ensemble au cours de la quarantaine d’heures nécessaires à l’accomplissement de la tâche principale pour qu’en ressorte un scénario exemplaire. Ni trop simple, ni trop complexe : une histoire bien réglée.
A l’instar du premier épisode, elle nous emmène dans un monde inconnu que nous apprenons à visiter petit à petit et tellement haut en couleurs, que le sentiment d’évasion se retrouve être exacerbé. Pas au point d’un Skies of Arcadia sorti quelque temps plus tard, mais suffisamment pour faire oublier les tristes Evolution, EGG et autres Seventh Cross sortis jusqu’alors sur la console de Sega. Toutefois, à l’inverse dudit Skies of Arcadia, la progression libre n’est pas réellement tolérée dans le sens où la carte du monde se révèle être un ensemble de points ne nous autorisant jamais à choisir notre prochaine destination : il faut en effet se contenter d’avancer d’un point A vers un point B, à l’exception de la toute fin du jeu autorisant à naviguer sur un terrain d’entrainement pour un éventuel levelling avant d’atteindre le donjon final.
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[accordion_item title= »Des graphismes marquants »]
Même s’il a assez vite été mis à l’amende par Skies of Arcadia et les productions PS2 qui ont suivi, Grandia II a été pendant un moment l’un des plus beaux RPG sur console. Mais non content d’offrir des textures d’une netteté toute caractéristique à l’excellente sortie vidéo de la Dreamcast, il affiche des décors aux formes assez inédites. Les bâtiments présentent en effet une architecture pour le moins singulière, tout en rondeur, mêlant le métal au bois, donnant ce caché si unique aux graphismes du jeu.
Les décors sont qui plus est extrêmement colorés, confirmant cette sensation de voyager. Les personnages sont représentés en SD et l’équipe – de trois personnages – est visible en mode navigation, à l’image d’un FFVIII ; mais ne disposent pas d’un visage très détaillé. Pour pallier à cela, les développeurs ont opté pour une représentation dessinée lors des phases de discussion, très anime.
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De même, le jeu est présenté sous forme de couloir dont il est impossible de dévier. Certes, quelques impasses se présentent à nous, recelant toujours un trésor en guise de récompense, mais rien de suffisamment palpitant pour enlever ce goût de linéarité davantage dictée par la technique que par la logique. Heureusement pour lui, Grandia II propose la visite de villes, comptant inexorablement une auberge, une boutique, quatre maisons et une bâtisse plus importante – maison du maire, église, … – faisant avancer le scénario. En effet, les PNJ, autres que ceux de la quête principale, n’apportent strictement rien au gameplay puisque les quêtes annexes sont aux abonnés absents. Reste de nombreux dialogues nous en apprenant parfois un peu plus sur le passé de la ville. Les développeurs ont fait l’effort de ne pas offrir une unique ligne de réponse aux PNJ puisque les héros leur répondant presque systématiquement. C’est en cela que nous reconnaissons le soin apporté à Grandia II, en plus de celui dont transpire le système de combat.
Repris de Grandia, ce principe de semi-temps réel doit tout simplement être l’un des meilleurs systèmes de combat existant sur console, si ce n’est le meilleur. Fondamentalement, il s’agit d’un classique tour par tour, celui de chaque participant est symbolisé sur une ligne de frappe en bas de l’écran, scindée en deux parties, séparées par une barrette. A gauche, la jauge d’attente, à droite, celle d’exécution du coup. Pour qu’un personnage puisse agir, il faut que son symbole – souvent sa tête déformée – atteigne la barrette. A ce moment précis, le menu de combat s’ouvre à nous, nous proposant de nombreuses actions possibles telles qu’attaquer, frapper fort (ce qui repousse le symbole de l’ennemi touché), lancer de la magie, faire appel à une technique spéciale, s’enfuir, utiliser un objet, et autres actions fort utiles en confrontation. Les magies sont soumises à MP et les techniques spéciales à SP. MP, Magic Points ; SP, Skill Points. D’une logique implacable. L’aspect tactique débute au moment où nous nous rendons compte que les combattants n’avancent pas à la même vitesse sur la barre, faisant intervenir leur compétence Vitesse. Mais les personnages se déplaçant sur l’aire de combat, lors d’une attaque, il est primordial de prendre en compte non seulement les points de vie des ennemis, mais aussi et surtout leur position, à la fois sur le terrain et sur la barre de tour. Explications. Un ennemi est situé très loin du héros : il est préférable d’user de magie sous peine de voir Ryudo s’épuiser au bout d’un certain nombre de pas. Un ennemi se concentre pour lancer une attaque dévastatrice, peut-être est-il judicieux d’effectuer une frappe forte pour annuler son coup. La frappe forte permet un coup fort qui annule celui en cours, mais occasionne au final moins de dégâts qu’une attaque normale, plus intéressante si l’on ne se fixe que sur les HP de l’adversaire. Il faut de ce fait sans cesse réfléchir à la meilleure technique pour diminuer le nombre de tours des ennemis, sans en perdre. Mais ne surtout pas penser que l’ennemi soit désavantagé puisqu’il dispose d’exactement le même procédé et peut donc nous retourner l’intégralité de notre stratégie. Les combats face à certains boss, et notamment les derniers, en fera peut-être hurler certains tant leur coordination peut être énervante, ne nous laissant que peu de manœuvre et surtout aucun droit à l’erreur. Un système de combat extrêmement dynamique, très stratégique, et qui peut vite nous mettre à mal suite à une mauvaise décision.
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[accordion_item title= »Une OST en deux volumes »]
Afin de restituer l’ambiance du jeu, le compositeur (et sûrement l’éditeur…) a opté pour deux albums : Deus et Povo. L’opposition des jaquettes aurait pu faire penser que les albums disposeraient de deux ambiances bien différentes, que nenni, puisque Deus contient les premières pistes et Povo les dernières. Il faut donc réellement voir les deux CD comme un seul et même tout puisqu’ils ne disposent d’aucune piste en commun à l’exception de la première piste – Memory of the Gods – en version GAME dans Deus et FULL dans Povo.
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Elle est accompagnée par de multiples dialogues doublés, intervenant lors des moments forts, pour accroître encore un peu plus la tension. Entièrement en japonais pour la version nippone, ils restent désespérément en anglais pour les versions occidentales. Heureusement, certains doubleurs se sont réellement investis tels que celui de Mareg et surtout celle de Millenia.
Très joliment réalisé, au système de combat parfait et à l’ambiance tellement agréable qu’il est difficile de lâcher la manette avant le générique de fin, Grandia II constitue l’une des plus grandes réussites de la Dreamcast. Sans pour autant égaler son ainé, il montre toute la maîtrise du Game Arts des années 2000. Peut-être un peu jeune sur la console pour offrir une performance technique du niveau d’un Skies of Arcadia, plus récent et mature dans son développement, il n’en demeure pas moins une valeur sûre du support de Sega. Certains lui reprocheront peut-être son côté dirigiste et son occasionnelle naïveté mais ne sont-ce pas des singularités des RPG japonais ? A bon entendeur.
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