Blood Omen : Legacy of Kain

Le sang de mon prochain

Genre
Action-Aventure
Développeur
Silicon Knights / Crystal Dynamics
Éditeur
Crystal Dynamics
Année de sortie
1997

Visiblement quelque peu lassé du carcan de jeux hybrides qu’il réalisait pour le compte de Strategic Simulations, Silicon Knights, alors humble studio issu des contrées froides canadiennes, et bien avant son Eternal Darkness : Sanity’s Requiem, se décida au milieu des années 90 à ce tourner vers de nouveaux genres et opportunités créatives. Leurs nouvelles idées, ils iront les présenter à un certain Crystal Dynamics, qui était toujours en recherche de nouvelles créations à ajouter à son catalogue d’éditeur. Parmi elles, ce qui sera largement plus tard le TPS de science-fiction mythologique Too Human, jugé peu vendeur à ce moment là, et un concept prenant place dans un univers sombre de fantasy, avec une forte teneur en vampirisme, bien plus banquable, et qui donnera naissance à une saga culte encore très appréciée et citée de nos jours malgré qu’elle n’a pas connu de nouvel opus depuis bientôt une vingtaine (!) d’années : Legacy of Kain. On l’aura compris, nous allons parler de Blood Omen, premier épisode de la série, et le seul développé par Silicon Knights et à sa tête Denis Dyack, après pas moins de trois ans et demi avec l’assistance de Crystal Dynamics pour les derniers mois (les crédits prenant bien le soin de le préciser), avec Amy Hennig parmi les personnes sollicitées. Un projet imaginé pour et créé sur la longueur dont la qualité ne démérite pas aujourd’hui, bien au contraire, même si les méfaits du temps sont bien présents.

Alors qu’il cherchait un endroit où loger pour la nuit, Kain, éloquent gentilhomme, est sauvagement et lâchement assassiné par une bande de brigands à la sortie d’une auberge d’un coin reculé d’un pays lointain. Son noble passé et ces quelques faits d’armes : réduits à néant. A moins que ? On aurait pu le croire parti pour l’au-delà, mais Mortanus Le Nécromancien, qui s’immisce alors dans sa funeste destinée, lui propose de quoi rebattre les cartes : en effet, celui-ci offre à Kain la possibilité, en devenant un vampire, de revenir de parmi les morts, et d’exercer la vengeance qu’il souhaite envers ses meurtriers. Kain, logiquement remonté à bloc, accepte sans trop se douter que ce futur et froid règlement de compte ne sera qu’une façade pour un plan plus ambitieux, et visiblement intéressé, concocté le mage. En à peine une heure, c’est bouclé : les tueurs sont massacrés, et la véritable histoire de Blood Omen, elle, commence. Car on s’en doute, ce n’est guère la grande joie dans les contrées forestières de Nosgoth : le Cercle des Neuf, gardiens des éléments composant le monde et dont Mortanus fait parti, n’est plus que celui des huit : Ariel, gardienne de l’équilibre, a trépassée, elle aussi victime d’un vil dessein. Âme errante, elle confie à Kain la quête de remettre de l’ordre dans tout ça et de comprendre l’origine de la corruption qui gangrène Nosgoth. Quitte à aller défaire les dits gardiens, de puissants mages, guerriers et alchimistes, pour restaurer un semblant de tranquillité. Ce qui va amener notre héros, en conséquence, à voyager de villes et villages, et d’explorer mine de rien pas mal de monstrueux donjons.

Globalement, ce Blood Omen, dès son introduction et tout au long de son déroulé, baigne dans une ambiance des plus sombres et des plus malsaines. Les antagonistes y sont pour beaucoup, avec leur cupidité qui leur est tellement propre, mais Kain a ici un statut plutôt particulier : il reste le héros, mais ses actions, en particulier liées au fait qu’il est devenu un vampire, vont le mener à lutter voir ceux qu’il protégeait auparavant. Puis après tout, vu qu’il n’est plus humain, pourquoi se soucier de l’humanité en somme toute mortelle ? Cette dernière par ailleurs, semble être elle aussi tombée bien bas, comme on peut le voir au détour de certaines arrières salles ensanglantées d’officines où hommes et femmes sont enchaînés, agonisant de douleur. L’univers de Nosgoth se veut solide, plutôt bien travaillé, suffisamment mis en scène pour pousser à la découverte et à la progression dans l’histoire, avec beaucoup d’ambitions pour préparer une épique saga. Au gré de l’aventure, pas mal de cinématiques et de dialogues viendront illustrer les moments clefs, avec une version française disons… Aléatoire. Aucun problème pour Kain, plutôt convaincant quand il s’agit de décrire une nouvelle contrée, une arme ou un objet d’un ton pesant et macabre, mais pour les personnages non joueurs, et en particulier côté ennemis, on va du correct aux hilarantes interprétations où le doubleur semble s’être mis une pince à linge sur le nez. Difficile de ne pas esquisser un sourire durant l’introduction du jeu, alors que visuellement – qualité des modélisations mise à part – c’est quand même bien gore. Notons aussi que quelques échantillons sonores n’ont pas été traduits. Pas grand-chose au final mais cela surprend quelque peu.

Manette en main, Blood Omen se présente comme un typique jeu d’aventure avec une bonne teneur en jeu de rôle. Une sorte de Zelda en somme, pour une architecture de gameplay similaire et un monde à explorer où des chemins jonchés d’obstacles et d’ennemis prêts à tâter de la lame font le lien avec des villages où les gens errent sans but et des donjons assez bien conçus aux pièges mortels et où se planquent un bon lot de boss. On démarre l’aventure dans le tombeau de Kain avec à disposition une épée et une armure des plus basiques ainsi que des statistiques concernant la vie et la magie au niveau minimum. Être un vampire offre, on va le voir rapidement en visant la crypte, pas mal d’atouts, comme celui notamment celui d’acquérir de nombreux pouvoirs létaux et de transformation en diverses formes, ainsi que d’utiliser des objets diaboliques pour combattre divers ennemis… Mais surtout, celui de devoir boire le sang des humains pour se recharger en vie. Car dehors les dangers rôdent, et ils ne seront pas nécessairement humains, notre héros craignant le soleil et particulièrement l’eau. C’est donc une chose que l’on fera que l’on fera beaucoup, non sans une certaine délectation malsaine : quelques coups pour assommer, et hop, le précieux fluide pourra être absorbé. Il s’agit avant tout d’une nécessité, les potions n’existant pas dans ce bas monde.

Les péripéties de Kain se dérouleront de manière plutôt linéaire, avec pour point de départ les fameux Piliers de Nosgoth, symboles des gardiens, où l’on sera brièvement aiguillé sur la prochaine destination. S’en suivra une visite de courtoise de citées parfois gardés (parfois non) où il ne sera pas vraiment possible de tailler la causette vu l’hostilité ambiante mais qui sera l’occasion de looter toutes sortes d’objets et de récupérer les forces avec le sang de malheureux villageois, puis d’arriver au donjon du gardien à déloger pour une exploration en bonne et due forme, avec enchaînement de combats et résolutions d’énigmes simplistes. De temps à autres, et pas nécessairement dans ces zones dangereuses vu les nombreuses grottes et autres endroits secrets disposés dans Nosgoth, on gagnera de nouveaux pouvoirs et équipements. Pas de système d’expérience sur la galette : on trouvera ici et là des éprouvettes pour accueillir davantage de sang, et des orbes pour augmenter les capacités magiques. Il sera essentiel d’en trouver un maximum, tout comme les objets à utilisation limitée, car le jeu ne pardonne pas par sa difficulté. La sensation de puissance est pourtant là, surtout avec les magies et objets létaux, dont l’efficacité est à la hauteur des effusions de sang et de gore visuel qui en résulte. Du côté des armes plus classiques, tranchantes ou contondantes, il faudra faire avec leurs particularités, avec notamment celle d’être dans l’impossibilité d’utiliser des sorts, comme c’est le cas de l’arme la plus puissante du jeu. Elles restent nécessaire notamment pour accéder à de nouvelles zones jusqu’alors bloquées. De l’autre côté, des ennemis frappent fort, souvent de loin, et la maniabilité assez raide qui oblige à bien se positionner pour taper juste peut parfois rendre les affrontements crispants. Évidemment, quand Kain est touché, il est projeté vers l’arrière, ce qui peut le précipiter vers des pièges ou d’autres adversaires.

Signe des temps, la maniabilité ne sera cependant pas la chose la plus agaçante dans Blood Omen. Parlons technique. Visuellement tout d’abord : pour un titre du milieu des années 90, c’est plutôt pas mal. Le moteur 2D propulse un jeu détaillé, avec des décors qui regorgent de détails et d’effets visuels du plus bel effet, en particulier sur la gestion de la lumière environnante qui réagit aux actions de Kain des personnages présents à l’écran. Pas beaucoup de choses réagissent à nos coups, mais qu’importe, surtout avec un cycle jour / nuit et une météo qui viennent dynamiser tout ça. Son appréciation reste cependant assez limitée : l’imposant HUD prend un bon quart de l’écran, et il faudra jongler entre deux niveaux de zoom pour l’exploration, avec utilisation à la longue du plus éloigné, celui-ci permettant de bien mieux voir ce qui se passe. Mais à la limite, là, ça va. Bien pire, et ce qui avait déjà été critiqué à l’époque : les chargements. Blood Omen, c’est. Des. Chargements. Tout. Le. Temps. Nouvelle zone ? Chargement. Affichage d’un menu ? Chargement. Accès rapide aux sorts ou aux objets ? Petit chargement. Un changement d’arme ? Il faut passer par un menu. Chargement. La sauvegarde est terminée ? Chargement. La carte du monde ? Menu, donc chargement. En moyenne, vu qu’un accès disque dure de 3 à 5 secondes et le jeu une quinzaine d’heures, on doit passer un temps non négligeable à patienter qu’un écran s’affiche, ce qui brise indéniablement le rythme du jeu et provoque de nombreux soupirs durant certaines séquences qui obligent à alterner entre différentes armes. Rien d’insurmontable, mais vraiment de quoi refroidir les plus impatients, tant cela nuit à l’expérience globale du jeu.

Blood Omen : Legacy of Kain
Appréciation
Avec son univers toujours aussi solide mais sa technique aujourd'hui assez discutable et un brin crispante, ce Blood Omen reste tout de même un passage conseillé pour les personnes désirant découvrir cultissime saga Legacy of Kain. Le gameplay reste agréable, jouer les vampires est toujours cool, et l'histoire se suit avec un certain interêt, non sans esquiser quelques rires par rapport à certains doublages... À condition d'accepter de (beaucoup) patienter entre chaque écran de jeu. On a typiquement le genre de titre qui mériterait un gros remake. Comme énoncé plus haut, il s'agira du seul épisode conçu par Silicon Knights. En effet, suite à un capharnaüm juridique et malgré les protestations du studio, la licence bascula entre les mains de Crystal Dynamics, qui reprendra le lore imaginé jusqu'alors pour partir dans une toute autre direction avec, pour le coup, tout le succès qu'on lui connaitra, puisque que ce Blood Omen fera suite, en 1999, à l'ambitieux et (encore ?) somptueux Soul Reaver.
Points forts
Jouer les anti-héros
Univers solide
Ambiance gothique et gore à souhait
Encore sympa à jouer
Points faibles
Chargements intempestifs
Version française inégale
Quelques soucis de lisibilité