The Dark Knight rises

Why 2h40 ?

Soyons clairs : ces 2h40 m’ont semblé interminables. Pour deux choses principalement. D’abord, on est bien d’accord, Batman Begins et The Dark Knight ont bâti leur réputation sur l’aspect réaliste avec lequel ils présentaient ce Batman. On nous explique pourquoi et comment il maîtrise les arts martiaux. On nous montre bien que la Batmobile n’est pas un « concept art » tombé du ciel, mais bien un char tout terrain issu du département recherche de la Wayne Corporation. Bref, pendant ces deux films tout est expliqué, crédibilisé. Cet aspect novateur dans l’approche du film de super héros a conditionné un nouveau souffle dans le business que sont les adaptations de comics depuis 20 ans. On en avait un peu fini avec l’époque où faire évoluer un super héros à l’écran était une bonne opportunité de proposer une démonstration d’effets spéciaux et de gros budget à vocation 100% divertissante. Il y a eu un avant et un après Batman Begins, à ce niveau-là. Le film de super héros intelligent, crédible, pesé, réaliste. The Dark Knight Rises est donc le troisième opus de la série qui a posé ces bases.

Sauf qu’il ne va rien respecter de ses aînés en déballant une orgie d’incohérences, d’ellipses faciles et de ressorts tous plus fumés les uns que les autres. Cela va d’énormités matérielles comme la facilité avec laquelle Bane et ses sbires parviennent à pirater l’équivalent de Wall Street (une clé USB branchée à un ordinateur, et le tour est joué) ou de la colonne vertébrale de Bruce Wayne en miette qui guérit toute seul pendant qu’il reste suspendu à une corde durant plusieurs jours après un traitement de choc :  un bon crochet dans la gueule de la vertèbre qui dépasse et le tour est joué.

Parce que c’est ça The Dark Knight Rises. Un film dans lequel on prend du temps pour nous expliquer « scientifiquement » des choses fausses et insensées (la perfusion dans le cadavre de l’avion du début pour fausser l’identification du mort, le mécanisme de la bombe à l’origine du problème,etc…) mais qui néglige des ressorts gigantesques en reposant sur sa réputation et son habillage ultra classe pour nous faire gober n’importe quoi. Un Batman en armure qui tient debout sur la glace fragile d’un lac en hiver, alors que ça fait une heure de film qu’on voit des gens y tomber et mourir rien qu’en y posant le pied. Bruce Wayne diminué physiquement et sans argent se retrouve dans un désert qui, selon toute vraisemblance,  doit se trouver au minimum sur un autre continent étant donné la chaleur torride qui y règne pile à l’heure où l’hiver est particulièrement rigoureux et glacial à Gotham. Il rentre comme si de rien n’était à Gotham, isolée du monde car seul subsiste un unique pont (blindé de policiers et de militaires, donc plutôt difficile à passer discrètement) laissé intact par les terroristes qui ont fait sauter tous les autres passages permettant de rallier l’île. Je ne vais pas énumérer les points complètement abusés, parce qu’il y en a trop. Simplement, je tiens à dire que des incohérences de cette nature ne sont pas, dans l’absolu, imputables à n’importe quel film. Mais il ne faut pas déconner. Quand un film conclut une trilogie qui base sa réputation sur son aspect crédible, réaliste et que l’essentiel de ses 2h40 vont à des explications, expositions de thèses, dialogues et  sentiments sérieux en tout genre, ceci me paraît impardonnable.

Et c’est là que le style de Nolan opère, dans toute sa splendeur : la forme est tellement classe, que tout à coup The Dark Knight Rises devient un « blockbuster pas prise de tête » ou une « simple adaptation de comics » pour les défenseurs du film. On comprend alors tout le génie de la démarche : les Batman post-Begins sont donc des films d’auteurs intelligents et réalistes, tout en pouvant se permettre toutes les absurdités et autres ressorts complètement nawak car ce sont des films de divertissements. Il n’y a pas un problème quelque part ? Je veux dire, quand on voit une chauve-souris géante enflammée tout en haut d’une pile de pont…. Si on était dans Batman&Robin de Schumacher, ça ne poserait pas de problème. Mais, personnellement, quand on m’a tout expliqué en détail réalistes depuis 8 heures et le début de Batman Begins… Comment ne pas penser que ce n’est pas très crédible, un Batman avec un pinceau et un bidon de fuel suspendu je ne sais comment, en train de dessiner un symbole géant, avant d’aller trouver Gordon ? Evidemment, en laissant couler un fil d’essence au bout duquel il va bien prendre la pose pour lancer la réplique qui tue et tendre un briquet au commissaire ?

D’ailleurs pour parler de choses d’ordre plus esthétique, on sent que la recette « réaliste mais comics quand même » trouve ses limites et flirte sans arrêt avec le kitsch bricolé. Car si Batman a toujours plus ou moins évolué dans des environnements sombres, au cinéma surtout, il y a bien une raison. Le design du costume, l’attitude, sa manière de se mouvoir. On se rend bien compte que cette esthétique qui fonctionne parfaitement dans les jeux d’ombre manque cruellement de classe en plein jour. J’ai vraiment eu l’impression qu’en pleine journée, voir Batman se battre est beaucoup moins impressionnant et donne une sensation de banalité presque parodique. Idem pour le costume de Bane, que je trouve raté dès qu’on l’aperçoit en plan moyen. Question de goûts personnels.