The Dark Knight rises

Pourquoi tant de twists ?

Les plots twists.Le second gros défaut du film que je vais aborder avant de conclure. Dans ma critique d’Inception je trouvais que ce cinéaste avait tendance à oublier les enjeux de son intrigue, souvent pertinents, pour une surenchère de plot twists, sursignifications et effets stylés en quantité telle que l’indigestion arrive dès la moitié du film. Dans The Dark Knight Rises, tout est faux. On perd du temps à recevoir foules d’informations qui seront toutes remises en question d’une façon ou d’une autre dans les 10 minutes. C’est insupportable.

Allez,  je ne vais pas tout évoquer, je vais juste m’intéresser uniquement au grand gagnant des twists foireux qui ont transformé la simple déception qu’aurait pu être le film en vaste blague de 3 heures. Et bien mauvaise, la blague… On le sait, un grand schéma classique des comics, c’est le principe selon lequel le méchant que doit affronter tout super héros lors d’une aventure est un alter ego qui est lié, d’une façon ou d’une autre, au personnage principal. De l’exact contraire (thèse étudiée de manière magistrale dans Incassable de Shyamalan) à un simple trait de caractère personnifié, voire même une allégorie de la peur primitive du gentil. Parfois, le rival de l’histoire est le résultat d’une aventure passée, ou un vengeur d’un ennemi antérieur. D’autres fois le vilain possède l’arme qui précisément exploite la principale faille du héros, qui va devoir résoudre cette faille et ainsi devenir meilleur. Il y a toujours une raison à la présence du méchant, un écho dans la psychologie du héros qui va nécessiter une introspection, un cheminement mental et physique de celui-ci. Voie au bout de laquelle le salut sera trouvé,  l’épreuve surmontée et le super vilain bouté.

Et franchement, pendant plus de 2 heures j’ai laissé une chance au film, car derrière son story telling complètement foireux, l’idée de Bruce Wayne qui doit repartir de zéro et refaire – revivre –  la « vie » de son rival afin de comprendre et devenir assez fort pour le tuer, était plutôt bien tenue. Marcher dans les pas de son ennemi pour développer une force de la même nature et rivaliser. J’aime bien l’idée. Même si pour le coup ça nécessite que Batman ait totalement désappris son expertise en arts martiaux sur laquelle insiste bien Begins, et devient impuissant face à un ennemi particulièrement lent qui signale chaque coup de poing qu’il va porter par une phrase qui dure des plombes. Au point d’avoir besoin d’utiliser une espèce de petit pétard pour déconcentrer l’ennemi. Soit.

Sauf que le parcours que va faire Batman n’est pas celui de Bane. C’est la première fois que je vois ce thème décliné d’une manière aussi mal branlée. Un super héros qui va suivre son parcours initiatique et devenir assez fort pour… que dalle. L’ennemi dans les pas duquel il va marcher pour se forger n’est pas celui qu’on croit. Batman va devenir plus fort pour rien, en fait. Le méchant n’est pas Bane. Ce n’est même pas Batman qui va tuer cet espèce de second couteau  que devient ce Dark Vador version clodo sitôt le plot twist opéré. Honnêtement, arrivé au dernier quart du film, ça ne m’aurait plus étonné que Batman colle une mandale à Catwoman en lui criant : « Qu’est ce que t’as fait ?? J’ai auto-régénéré ma colonne vertébrale, remonté ce foutu puit, marché dans le désert, nagé sous la glace pour revenir à Gotham, et tu le butes à ma place avec MA moto ? C’est quoi ce bordel ? »

On aura compris. Ce ressenti personnel presque répulsif avec ce film fait que peut être je manque d’objectivité. Mais quand même. On se fout véritablement des capacités de réflexion du grand public toutes les cinq minutes en lui donnant des informations destinées à être assimilées pour baliser l’intrigue. Tout en pensant que les spectateurs auront tout oublié cinq minutes après. Comme si on comptait sur le fait qu’ils seront  incapables de refaire les connexions qui, d’habitude, donnent un semblant de corps, de crédibilité et de réalisme à une intrigue à vocation sérieuse. C’est en constatant que ça m’a pris quinze secondes de plus qu’à l’accoutumée pour comprendre que la bombe allait exploser au-dessus de l’océan que l’estocade a été portée à mon esprit. C’est la première fois depuis des années qu’il ne m’était pas arrivé de ne pas comprendre immédiatement une scène parce que les informations dont je dispose à l’instant « t » font, qu’objectivement, ce qui est en train de se dérouler sous mes yeux est impossible. La durée du compte à rebours restante (1 minute et 30 secondes au moment où Miranda meurt), le rayon d’explosion de la bombe (10 kilomètres), le pilotage automatique qui ne fonctionne pas,etc… Pourquoi nous exposer tous ces détails  de manière aussi pompeuse et appuyée si c’est pour en faire un tel délire improbable et absurde ? Pourquoi teaser pendant des mois sur le discours de Bane dans le stade, si l’idée de la fameuse expérience « sociologique » (hum hum) n’est qu’une sous-intrigue bidon ? Pourquoi préparer pendant toute la promotion du film ce duel entre Batman et Bane, le sbire de la vraie méchante qui disparaît négligemment (comme un merde, disons-le) du film direct après le « pan pan » fatal?!

A propos de la vraie ennemie, Miranda (Marion Cotillard), et des femmes en général, la pauvre Rachel doit se retourner dans sa tombe. Car The Dark Knight traitait d’une manière assez magistrale le sempiternel problème des héros : ne pas pouvoir s’attacher à une personne. La relation impossible, l’amour torturé,etc… Du classique bien fait dans le film précédent : Rachel qui choisit Dent, Alfred qui brûle la lettre pour laisser Bruce vivre avec l’illusion de l’amour. The Dark Knight Rises flingue tout ça avec une efficacité déconcertante : Alfred balance à Bruce Wayne ce qu’il avait omis de lui dire intentionnellement (Rachel avait choisi Harvey Dent), on ne sait trop pourquoi… Et en plus, voilà que Bruce se met, tel le James Bond en rut, à coucher avec 100% des femmes qu’il va côtoyer. Même si ça ne fait que Miranda et Catwoman au compteur, j’ai quand même eu du mal à assimiler à quel point les problèmes sentimentaux du super héros sont bien un vague souvenir dans le coeur de Wayne qui, sitôt Miranda morte (couic !), se rabat sur l’autre être humain de sexe féminin disponible dans les environs. « Dark  007, pour vous servir » (grosse voix).

 

Conclusion :

Voilà, comme d’habitude, je voulais faire court sans y parvenir. En même temps, les films de Nolan créent un tel évènement culturel et de telles manifestations d’amour (comme de haine) qu’il est difficile d’envisager de proposer un papier crédible sans un minimum d’arguments. Surtout quand on n’est pas du tout client et qu’on se prend sans cesse dans la gueule la « hype anti Nolan » comme fer de lance des débats animés qui entourent des films comme Inception ou le présent Dark Knight Rises.

Je pense que je fais partie des gens déroutés par une absence totale de hiérarchie dans la signification des séquences, des émotions et des informations distillées dans ses films. Tout est montré en grande pompe, la moindre ligne de dialogue, la moindre posture de personnage, la moindre séquence alternée suggérant une ellipse : tout est sursignifié, magnifié, ultra-important. D’où une impression de too much, la sensation d’être assommé et en overdose de solennité dans le traitement d’une narration sans équilibre qui cherche à moraliser et bluffer sans répit. Et le sentiment de ridicule décuplé dès lors qu’une incohérence ou qu’un évènement injustifié se pointe à l’écran. J’en suis ressorti fatigué, mais d’une manière désagréable.

Une chose est sûre : personnellement j’ai un bon souvenir de The Prestige (meilleur film de Nolan à mes yeux), et j’avais beaucoup d’affection pour The Dark Knight. Or les excellentes bases du second sont tellement piétinées et bafouées dans les 2h40 qui constituent sa suite que désormais seul The Prestige reste, pour l’instant, un opus sympathique pour moi. Celui dont le sujet colle le plus avec la forme lourdingue et « fausse » du cinéma de Christopher Nolan.  J’apprécie beaucoup des blockbusters comme Transformers ou d’autres « grosses Bertha » à 300 millions de dollars. Mais ceux que j’aime sont les films qui ont au moins le bon goût, quitte à nous casser les oreilles ou nous prendre un peu pour des noeuds, de ne pas trop se prendre au sérieux. Pointe d’auto-dérision totalement absente des films de Christopher Nolan à l’heure actuelle qui a livré un film brassant beaucoup trop large.  Beaucoup. Trop. Too much. Tinnnnnntinnnnnnn….