Parasite Eve

Resident Evil a imposé de nouveaux standards de qualité dans le monde du jeu vidéo console, avec ses somptueux graphismes, alliant pré-calculé et 3D de façon quasi inédite, son ambiance horrifique prenante et sa bande son à vous glacer le sang. Dans sa volonté de se diversifier, Squaresoft décide de fusionner son genre de prédilection, le RPG, et le survival-horror, une façon de se lancer dans un nouveau genre tout en capitalisant sur son expérience. Astucieux, tout comme le débauchage d’une partie de l’équipe de Resident Evil 2, chez Capcom, pour leur offrir un nouveau terrain de jeu, inédit et plus original que cette suite « trop proche » de son prédécesseur – de la bouche-même de Shinji Mikami. Parasite Eve peut alors naître, et avec lui son histoire absolument incroyable.

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Si Resident Evil fait dans la série B, Parasite Eve, suite d’un roman à succès de Hideaki Sena, verse dans le beaucoup plus sérieux, voire dans le scientifique. Vous incarnez Aya Brea, jeune enquêtrice à la police de New York, suffisamment belle pour faire fondre n’importe quel homme – Tetsuya Nomura au design. Pour la nuit de Christmas Eve, autrement dit la nuit de Noël, Aya, accompagnée de son copain du moment, se rend à l’opéra de Manhattan, le Carnegie Hall, assister à un opéra. En pleine représentation, différents cas de combustion spontanée se déclarent, apparemment sous le commandement de la chanteuse, Melissa Pearce. En robe de soirée, mais tout de même munie de son flingue, Aya s’empresse de poursuivre la suspecte, apparemment plus tout à fait elle-même. Les mitochondries – ces organismes présents dans les cellules eucaryotes du corps et membres importants du processus de respiration cellulaire – de Melissa semblent avoir pris possession d’elle afin d’amener l’être humain et surtout les mitochondries à un stade bien plus avancé. C’est alors une véritable enquête policière qui débute, durant laquelle Aya sera amenée à visiter de multiples lieux de l’île. Elle y découvrira notamment pourquoi elle est la seule à être capable de résister aux assauts de Eve, alias Melissa transformée.

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Parasite Eve est, selon les mots de ses créateurs, un « Cinematic RPG ». Si en 1998, Squaresoft nous avait déjà habitués à une foule de séquences chocs blindées d’images de synthèse avec Final Fantasy VII, Chocobo no Fushigina no Dungeon ou Tobal N°1, il va ici beaucoup plus loin. Parasite Eve donne l’impression dès les premiers instants d’un titre sorti trop tôt, de ne pas apparaître à la bonne époque. Ce considérable projet affiche en effet une foule de scènes donnant l’impression de participer à un blockbuster du jeu vidéo. L’introduction, medley de scènes issues du jeu sur fond de musique hypnotique signée Yoko Shimomura, nous met aussitôt dans le bain. Chaque rencontre ou affrontement-clé se solde par une super scène en image de synthèse, le nec plus ultra du moment. Les stations Silicon Graphics de Squaresoft semblent être de plus en plus maîtrisées, un pallier a encore été franchi depuis FFVII. Le jeu n’a pas à rougir : entièrement réalisé en pré-calculé, il met à l’amende pas mal d’autres jeux d’aventure du même ton et tient le standing imposé par Resident Evil. Musée, hôpital, opéra, égouts, commissariat, ainsi que tous les autres lieux d’investigation, accessibles depuis une carte de la ville, reflètent parfaitement le New York sous la neige que nous avons tous en tête. Et si certaines portions peuvent donner l’impression d’avoir été un peu moins choyées, la grande majorité laisse pantois. Au milieu, se tient des modèles 3D tout à fait excellents, détaillés et au nombre étourdissant de polygones pour l’année. Squaresoft s’est semble-t-il donné les moyens de faire les choses en grand.

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Parasite Eve peut paraître similaire à Resident Evil, il n’en reste pas moins un RPG, ou plutôt un Action-RPG. Autant dire qu’il n’est pas question de se promener dans des dédales le fusil au bout des doigts en flippant au moindre changement de caméra. Les combats se font dans la plus pure tradition du genre, à savoir aléatoirement dans une arène close, avec jauge ATB, reprise de Final Fantasy, en sus. PE innove en revanche sur la maniabilité pendant ces phases de jeu : pas question de laisser Aya fixer les monstres et attendre gentiment qu’ils répliquent à ses attaques. Vous êtes entièrement libre de vos déplacements dans la zone délimitée par la fenêtre de l’écran : il vous est ainsi possible, et nécessaire, d’esquiver les assauts ennemis. L’utilisation du joystick, nouveauté de la récente Dual Shock, permet des mouvements millimétrés extrêmement agréables. parasite-eve-playstation-ps1-002Indispensable lors des impressionnants boss du jeu. Au remplissage de la jauge d’ATB, un menu s’ouvre vous permettant de tirer ou frapper (les armes à feu sont privilégiées mais il est possible de se battre à l’aide de matraques), d’utiliser de la magie (l’une des spécificités que ne s’explique pas Aya) ou des objets. La portée de l’attaque se fait à l’aide d’une sphère en fil de fer prenant Aya pour centre. Ce système diablement ingénieux permet de savoir immédiatement si le coup touchera ou non – et a été repris, soit-dit-en-passant dans Vagrant Story un peu plus tard. La portée est déterminée par l’arme équipée. En bon RPG, il vous est indispensable de penser au bon équipement pour votre héroïne. Deux types : l’arme et la protection. Le choix de l’arme amène donc la portée, la taille du chargeur – rechargement automatique mais long – la puissance de frappe et le nombre de tirs par tour. Un pistolet automatique tire beaucoup plus au sein d’un même tour mais occasionne bien moins de dégâts qu’un fusil à pompe. Les armes tout comme les gilets par balle pouvant être équipés, s’inscrivent dans la logique d’un polar tirant sur le réalisme de son environnement.

Ceci pour mieux intégrer des éléments surnaturels tels que la magie. Aya développe au fil du jeu de multiples sorts, consommateurs de MP, allant du classique Heal au Haste. Elle utilise majoritairement des techniques défensives très utiles afin de limiter la consommation d’objets. Ces derniers ont beau être abondants dans les décors traversés, et l’inventaire étant limité, il est parfois primordial de faire des choix. parasite-eve-playstation-ps1-004Le nombre maximum d’objets s’accroit avec l’expérience – et surtout les Bonus Points à distribuer soit dans l’équipement soit dans la vitesse de remplissage de l’ATB soit dans l’inventaire – mais requiert, sur la fin, une gestion fine. Heureusement, il est possible d’en stocker au commissariat ou, temporairement, dans les coffres déjà ouverts. La magie a de confortable qu’elle remonte petit à petit au gré des déplacements d’Aya en combat – et uniquement en combat. L’inventaire est quant à lui utilisé, en plus des objets de soin, pour les éléments indispensables à la progression tels que des clés, des charmes offerts par Maeda le PNJ scientifique de l’histoire, mais aussi des améliorations d’armes ou équipements. En complément des réels bonus, Aya trouve au cours de son périple des outils qui, combinés à son petit set du parfait bidouilleur, lui permettent d’améliorer tout équipement. Loin d’être gadget, cette fonctionnalité est vitale pour avancer sans encombre tant les armes, notamment, voient leurs statistiques grandement augmenter.

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Parasite Eve a vraiment tout du A-RPG classique. Pourtant, il ne faut pas en oublier son aspect Survival-horror : le titre de Takashi Tokita (Chrono Trigger, Final Fantasy : Heroes of Light, Final Fantasy IV : The After Years) met en scène des atrocités que ne renierait aucun autre jeu du genre. Dès le premier quart d’heure, le combat opposant Aya à un rat mutant met dans l’ambiance, une scène cinématique nous montrant la métamorphose de la bestiole. Horrible, comme ce qu’Eve fait des citoyens new yorkais ou du pauvre chien-flic dans la première moitié d’aventure. Le jeu n’est pas avare en scène marquante. Les propos sont souvent durs, eux aussi, entre expériences génétiques et le rôle de l’homme sur Terre – ainsi que son statut de virus. Le jeu fait suite au roman japonais du même nom, astucieusement abordé au travers des dialogues avec le scientifique japonais Maeda. Il faut donc voir le livre comme l’épisode 0 de la série Parasite Eve. Des morts, Parasite Eve en montre beaucoup. Des monstres, il en dévoile encore plus. Le bestiaire n’a rien à envier à celui de son modèle, bien au contraire même. Les créatures étant toutes issues de mutations génétiques chez des animaux « communs », difficile de ne pas avoir un petit pincement au cœur. Parasite Eve ne lésine pas sur les moyens pour rendre son propos crédible, lignes de dialogue plus ou moins pointues sur les mitochondries incluses. L’aventure Parasite Eve se montre pour le moins originale, servie par son scénario absolument fascinant. Et si le level design, le character design et le scénario se marient si bien au travers d’un gameplay RPG à la fois old school et inédit, il n’en faut pas pour autant oublier la bande son angoissante et toujours très à propos de Yoko Shimomura. Compositrice remarquée des années auparavant sur des perles telles que Live A Live ou Super Mario RPG, elle réussit ici à proposer une œuvre à la fois épique et dérangeante, en témoignent ces pistes typées opéra tout à fait de circonstance au milieu des musiques d’ambiance à vous glacer le sang.

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Au final, Parasite Eve accumule les qualités en faisant (presque) oublier tous ses défauts. Bien que mineurs, ils n’en restent pas moins présents. Clairement orienté donjon, PE peut paraître quelque peu répétitif aux yeux de certains. D’autant qu’un ou deux donjons – citons clairement le parc – peuvent vite se révéler ennuyeux, car immenses, et aux combats qui réapparaissent. En effet, si ceux-ci sont aléatoires, l’œil malin et avisé du joueur que vous êtes n’aura tôt fait de remarquer qu’ils se produisent systématiquement aux mêmes emplacements. Les niveaux étant présentés sous forme de successions de tableaux, il arrive fréquemment qu’en revenant sur d’anciens décors, les combats reviennent. Certes, le leveling peut aider mais ce n’est pas forcément l’élément recherché dans un Survival-horror. Cette fusion des genres, très bien menées, montre, comme ici, de petites faiblesses à l’occasion. La durée de vie relativement faible du jeu – comptez une dizaine d’heures à la laquelle il faut ajouter la moitié pour le new game + amenant un donjon secret et la véritable fin – pourra décevoir les fans de RPG, et ce malgré les 2CD. Clairement bourrés à craquer d’images de synthèse. Enfin, l’animation de marche d’Aya, en plus d’être contestable, est d’une lenteur assez étonnante, pouvant rendre les allers retours mous et désagréables.

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Malgré ces légers couacs, Parasite Eve est un pari réussi de la part de Squaresoft, l’époque où le développeur japonais réussissait tout ce qu’il entreprenait. Au terme d’une aventure passionnante, Parasite Eve nous laisse une impression de grand spectacle abouti et surtout maîtrisé. Il faut dire qu’il aurait été dommage de rater pareil rendez-vous de célébrités du métier, qui le seront encore plus les années suivantes. Un très bon et grand A-RPG, et survival-horror.

  1. Ah, Parasite Eve ! J’avais le jeu US en occasion par hasard parce qu’un pote d’un pote m’en avait dit du bien et je n’ai pas été déçu !

    Moi qui n’avait fini aucun RPG auparavant, je m’étais arrêté à la fin du premier CD de FFVII pour info, j’ai complètement accroché mais il me semble avoir buté sur l’immeuble « bonus » lors du deuxième run… Mais quel jeu !

    Dommage de ne pas avoir abordé brièvement les suites… Perso, j’ai vaguement tâté le 2 qui n’a rien à voir et l’épisode PSP, et je n’ai pas accroché… À quand une véritable suite à ce premier épisode ? Ou même une version HD, je serais preneur !


    /me a aimé lire cet article ! Merci pour tous ces bons souvenirs !

  2. Très bon premier épisode mais assez d’accord sur la suite étant bien inférieure hélas. Par contre The 3rd Birthday (l’épisode PSP) m’a enchanté avec son gameplay action maitrisé et son final WTF qui ne laisse pas indifférent. Fallait oser le faire…

  3. J’ai découvert la série au travers de Parasite Eve II, alors je ne serai pas aussi dur. Au contraire même, j’avais beaucoup aimé cette suite. En revanche, l’épisode The 3rd Birthday, que j’ai tenté en jap et en euro, ne m’a pas plu du tout. J’ai lâché l’affaire les deux fois : du TPS bourrin.

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