Tintin et Le Secret de la Licorne

Nombreux sont les petites têtes blondes françaises à avoir découvert les joies de la bande dessinée grâce à Tintin. Hergé a réussi un coup de maître avec son petit reporter rouquin accompagné de ses fidèles Milou, Capitaine Haddock et inspecteurs Dupont et Dupond. En tant que grand fan de son univers, Steven Spielberg a bien muri son projet d’adaptation cinématographique. Depuis 1984, année d’obtention des droits de la licence, il réfléchit au meilleur scénario et à la meilleure façon de transposer l’univers de la BD à l’écran. 2011, le résultat est enfin à l’affiche.

Ce premier volet de Tintin au cinéma sous la houlette de Spielberg condense trois albums : Le Secret de La Licorne, Le Trésor de Rackam le Rouge et Le Crabe aux Pinces d’or. C’est ainsi que l’histoire débute au cours d’une brocante durant laquelle Tintin, après s’être fait tiré le portrait, tombe nez à proue avec une somptueuse maquette de bateau. N’écoutant que son cœur (Tintin un acheteur compulsif ?), il s’empresse de l’acheter, tout en négociant le prix au passage. Il ne se doute toutefois pas de la convoitise qu’elle génère, et notamment chez un homme, Ivanovich Sakharine, habitant du château de Moulinsart et possédant un bras suffisamment long pour orchestrer une véritable course aux trésors. Course durant laquelle Tintin croisera à moult reprises le tandem Dupont et Dupond, dont les égarements en feront rire plus d’un, ainsi que le chemin du Capitaine Haddock, totalement ivre dans son rafiot, volé par Sakharine et Allan, son second. D’autres personnages emblématiques apparaissent tels que la Castafiore ou Omar Ben Salaad. Oliveira de Figueira aurait dû apparaître mais le montage a eu raison de lui. Une belle brochette de personnages cultes, campés par les plus grands.

A commencer par le spécialiste de la motion capture, Andy Serkis, célèbre Gollum, King Kong et César dans La Planète des Singes Les Origines, qui donne toute son âme au Capitaine Haddock. Si l’histoire du marin est originellement torturée, Andy Serkis réussit à rendre son personnage touchant, et parfois énervant, en proie au doute. Finalement comme dans la BD. Daniel Craig – partout en 2011 puisque à l’affiche peu de temps auparavant dans Cowboys & Envahisseurs et Dream House – prête ses traits au redoutable Sakharine, fabuleux méchant mais très présent à l’écran. Un peu trop diront certains, remarquant que son charisme explose parfois un peu trop à l’écran en comparaison des autres protagonistes… L’irrésistible duo britannique Simon Pegg et Nick Frost – déjà réuni dans Shaun of the Dead et Hot Fuzz – nous proposent des Dupond et Dupont comme on les a toujours rêvés : aussi gauches qu’attachants. Même les seconds couteaux, Daniel Mays et Mackenzie Crook – respectivement Tom et Allan, matelots anciennement sous les ordres du Capitaine – ont un CV des plus convenables (Reviens-Moi, Solomon Kane, Braquage à l’Anglaise, …). Sans oublier notre cher Gad Elmaleh dans le rôle (fugace…) de Ben Salaad. Etonnamment, le premier rôle n’est pas attribué à l’acteur le plus réputé d’Hollywood puisque le reporter belge est incarné par Jamie Bell, essentiellement connu pour son interprétation de Billy Elliot dans sa jeunesse et qui livre ici une très bonne prestation en présentant un Tintin espiègle, jeune et agile. Spielberg et Jackson, tous deux producteurs du film, rappelons-le, n’ont donc pas lésiné sur les moyens pour s’octroyer une belle brochette de personnalités bien connus des cinéphiles. Mais Tintin, film réel ou film d’animation ?

Un peu des deux puisque le studio responsable des effets spéciaux, Weta, a employé la technique du « Performance Capture ». Ce procédé consiste à récupérer l’intégralité des mouvements d’un acteur pour la restituer sous forme de personnages virtuels, qui seront ensuite recouverts d’une couche de synthèse. Toute dernière méthode en vue au cinéma, elle permet comme vous l’aurez compris, de restituer au plus proche de la réalité le jeu d’acteurs. Associée à une qualité d’effets spéciaux absolument ébouriffante, elle finit d’asséner un fabuleux coup de poing visuel aux spectateurs. Tintin et Le Secret de La Licorne est la plus impressionnante démo technique depuis Avatar. Entre ses personnages absolument superbes, ses animations quasi parfaites et ses décors d’une beauté ahurissante – le film a été tourné en studio, sachez-le – il est difficile de ne pas rester bouche bée. Le parti pris du design des personnages demande un léger temps d’adaptation, avant de se révéler parfait pour cette transposition. Peu de films peuvent prétendre égaler cette finition et surtout coller autant à l’œuvre originale en terme d’image. Le long-métrage ne se veut d’ailleurs pas une copie fidèle de l’œuvre d’origine, mais plutôt un fabuleux hommage qui se permet de posséder sa propre histoire. Amusant également de découvrir l’ouverture, non seulement se faisant sur un opening qui n’a rien à envier à celui d’Attrape-moi si tu peux, mais aussi sur la caricature d’un Tintin en 3D réalisé un peintre de rue au doux visage d’Hergé. Le film aligne d’ailleurs les clins d’œil avec des fontaines en forme de crabes aux pinces d’or, des affiches d’albums placardées sur les murs ou des statues Maya.

Le nombre de clins d’œil n’a d’égal que la vitesse à laquelle va l’aventure. Pas une minute ne défile sans qu’il ne se passe quelque chose, faisant à chaque fois avancer le schmilblick, d’où peut-être l’intérêt de réunir trois histoires en une. En plus d’un jeu d’acteur brillantissime, Spielberg peut s’appuyer sur une liberté sans aucune mesure avec ce qui s’est fait par le passé. Les environnements n’étant pas réels, les mouvements de caméra se veulent osés et inédits pour certains, animant des scènes toutes plus ébouriffantes les unes que les autres, telles que les courses-poursuites (rappelant au passage Indiana Jones et la Dernière Croisade…) et le passage de la tyrolienne. Impressionnantes. Et le spectacle dure près d’une heure cinquante sans que nous nous en rendions compte, les yeux rivés sur les merveilleuses scènes se déroulant sous nos yeux. Yeux qui sont également agréablement surpris de voir une 3D correctement exploitée. Et si nous la ressentons tout au long du film, à chaque cascade ou effet de profondeur, elle se fait moins discrète pour rappeler qu’elle accompagne l’intégralité des faits et gestes des personnages. Cependant, et malgré l’armada de qualités citée plus haut, Tintin n’est pas exempt de défauts. A l’image de sa bande sonore qui ne réussit jamais à réellement s’imposer, notamment au travers d’un thème fort – Tintin dispose pourtant du sien depuis des décennies – l’enquête policière, palpitante dans les BD, ne décolle jamais réellement, laissant un peu trop la part belle aux scènes d’action. Peut-être que la connaissance de l’univers de Tintin devient dans ce cas un handicap, en tout cas, le constat est là : le film se veut moins cérébral que les bandes dessinées et l’équilibre penche un peu trop du côté de l’action.

Que conclure sur ce Tintin et le Secret de la Licorne que nous attendons depuis des années ? Eh bien que Steven Spielberg a réussi son pari en adaptant l’une des bandes dessinées les plus connues et respectées au monde. Il réussit à imposer sa réinterprétation sans jamais trahir l’esprit d’Hergé. L’univers d’Hergé et de Spielberg cohabitent et se complètent. Dommage que John Williams aux mélodies n’ait pas réussi à les mettre davantage en valeur – bien que sa patte ressort de temps en temps – et que l’intrigue principale soit sans surprise. Avec un meilleur équilibre, la licence pourrait bien devenir un incontournable du cinéma d’aventure ! Rendez-vous au prochain volet.

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