Arrietty : le petit monde des chapardeurs

A l’image des Contes de Terremer, Karigurashi no Arrietty s’appuie sur une oeuvre existante : The Borrowers, de Mary Norton. Le roman et par extension le film nous fait découvrir l’univers des Karigurashi, un peuple de créatures lilliputiennes, proches des minipouss dans l’esprit, vivant dans l’ombre des humains. Tout contact avec les Hommes est formellement interdit, ce qui jusqu’à l’arrivée de Shô ne gênait guère Arrietty. Celui-ci atteint par une grave maladie au cœur, a besoin de repos. C’est pour cela qu’il est convié à passer un moment dans la maison de campagne familiale, où vit une domestique assez peu aimable et finalement peu concernée par les problèmes du jeune garçon. Lors de son arrivée, Shô va remarquer une présence assez peu commune dans le jardin de la maison. Ses doutes vont se confirmer quand il va tomber nez à nez avec Arrietty…

De ce scénario finalement très simple, nait une ambiance dont seule le studio Ghibli a le secret. Le style du studio se reconnaît dès les premières secondes, au point de nous transporter dans ce coin de verdure sans même nous demander notre avis. Tout y impeccable, affectueusement peint et coloré. Bien qu’il s’agisse du premier film de Hiromasa Yonebayashi (seul le scénario a été rédigé par Hayao Miyazaki), celui-ci maîtrise les techniques de ses aînés. A ajouter à cela l’incroyable bande son, très orientée celtique et composée par Cécile Corbel, harpiste celtique française (ceci expliquant cela). Envolées lyriques côtoient morceaux plus tristes mais dans une fluidité remarquable. C’est à se demander s’il ne s’agit pas là d’une des plus belles partitions délivrées pour un Ghibli. Karigurashi no Arrietty effectue un impressionnant sans-faute technique et artistique, reléguant les œuvres européennes à des années lumière derrière.

Mais toute cette perfection est mise au service d’une histoire bien plus pauvre que prévue. En 1h40 de film, il ne se passe finalement que bien peu de choses. Certains objecteront que là n’est pas un problème pour les Ghibli, mais la sensation de découvrir la fin alors que l’on cherche encore l’action principale est tenace une fois le générique digéré. D’autant que le réalisateur s’offre quelques raccourcis assez dérangeants, donnant l’impression de sauter des pans entiers d’un scénario initialement écrit. Résumer un roman en une heure quarante est un sacré défi, beaucoup s’y sont cassés les dents, mais de la part de Ghibli, nous en attendions davantage. L’enchainement des faits contraste véritablement avec la fluidité de la bande son et de la réalisation – l’animation y étant absolument divine, vous vous en doutez bien.

Les sentiments d’Arrietty varient également de manière un peu trop prononcée, comme si, encore une fois, des ellipses nous avaient privés de cette gradation. Les valeurs prônées dans Karigurashi no Arrietty tranchent avec les précédentes du studio puisque le fatalisme et le destin sont au cœur de l’oeuvre présentée. Peut-être que le roman en était déjà imprégné, mais les Ghibli ont pour habitude de déposer un sourire sur n’importe quelle lèvre déprimée. Ici, c’est plutôt de la tristesse qui emplira le cœur des spectateurs. Il serait impoli de dévoiler l’histoire mais sachez qu’il ne faut pas espérer ressortir de la salle de cinéma empli de bonnes idées. A contrario, les personnages, en eux-mêmes, sont plutôt enjoués – les difficultés arrivent lors des interactions. Le studio Ghibli fait, comme toujours, très fort en proposant peu de protagonistes, mais tous réussis. Entre la mère d’Arrietty qui en fera rire plus d’un, son père à la fois impressionnant et calme, Shô d’une gentillesse sidérante, et surtout Arrietty, alliant espièglerie, beauté et délicatesse, le « casting » demeure un excellent cru.

Karigurashi no Arrietty laissera très certainement une impression partagée aux fans du Studio Ghibli. D’un côté, la bande-son incroyable et sa technique irréprochable font qu’il s’agit encore une fois d’un chef d’œuvre visuel et auditif. De l’autre, en revanche, ce qui est inhabituel tient dans son scénario imparfait, sa narration en dent de scie et son pessimisme dans beaucoup de situations (pas dans toutes, rassurez-vous). Il n’en reste pas moins un bon film, peut-être moins enjoué et plus sérieux que d’autres oeuvres majeures de Ghibli, loin d’être parfait, mais qui laisse une forte impression grâce à ses personnages hauts en couleurs. Arrietty peut prétendre à figurer parmi les meilleures héroïnes de Ghibli, sans l’ombre d’un doute.

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