Tout, ou quasiment tout joueur qui tourne autour de la trentaine aura joué au moins une fois dans sa vie à une déclinaison du fameux casse-briques. Un concept vieux comme Hérode, dont on citera, avec nostalgie, les vieux croutons comme l’originel Breakout d’Atari (ses 37 ans ont d’ailleurs été fêtés par Google d’une manière tout à fait originale), Arkanoid de Taito, ou encore PopCorn, oui PopCorn, parce que c’était signé Frédérick Raynal et que cela me rappelle ma jeunesse passée sur un ordinateur blindé de jeux DOS. Qui se souvient dans l’assistance de Sopwith? C’était un chouette jeu d’avion! Et puis Supaplex et sa musique en midi… BREF! Depuis l’arrivée de Breakout en 1976, le genre s’est tranquillement vendu sans vraiment exploser le code, les ventes, ni même explorer de nouveaux horizons. Gratifions pour ça les années 2000 pour avoir relancé le Schmilblick avec de beaux objets tels Wizord, sorti il a un peu moins de deux cycles, Nervous Brickdown de feu-Arkedo, et enfin Shatter. Tiens, c’est le jeu duquel on va parler, ça tombe bien dites donc.

Shatter concrétise le paris, posé les couilles sur la table par le studio néo-zélandais Sidhe Interactive, de remettre au goût du jour le kitchissime et poussiéreux casse-briques, comme beaucoup d’autres auparavant donc et comme le feront encore une poignée d’imprudents. Mais nous avons ici un paris fichtrement gagnant, comme nous allons le voir – puis la note étoilée l’atteste déjà, sans vouloir lancer de vilains spoilers. Comme tout Arkanoid-like qui se respecte, Shatter possède un scénario, un vrai, à en faire rougir David Cage ou Hideo Kojima, avec des hommes musclés qui balancent des boules télékinétiques à la gueule d’aliens et de fées, avec derrière tout cela une grosse corporation qui rêve de régner sur l’univers tout entier en contrôlant des chatons bioniques aux miaulements attendrissants. Non, c’est pour rire. On retrouve tout de même ici, caché dans une simple cinématique, ce qui semble être une entreprise malveillante qui exploite dans ses usines des sortes de vaisseaux aux capacités rebondissantes qui s’activent jour et nuit à envoyer et réceptionner sans cesse un projectile pour produire de l’énergie. Sauf qu’un petit grain de sable – ou plutôt une anomalie – vient ruiner la machinerie bien huilée, et un ouvrier/batte parvient à s’échapper du système pour partir en quête d’une vengeance métallique et explosive. On va dire ça. Une histoire sur timbre poste, bien présente pour nous justifier un temps soit peu les mondes dans lesquelles nous allons voyager et les boss que nous allons rencontrer.

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Shatter reprend la base l’éternelle recette qui aura fait le bonheur et le malheur des amateurs de destruction et les possesseurs de la Supervision. Des niveaux, une multitude de briques aux différentes utilités et solidités à exploser, la perte d’une vie si le projectile file en dessous de votre batte, batte qui ne peut se déplacer que sur un axe bien limité. Pas question d’aller faire des folies ailleurs, vous restez bien où vous êtes et tout se passera pour le mieux si vos réflexes sont bien aiguisés et que vous surveillez la trajectoire de rebond et d’arrivée de l’obus. Sur ce point une petite aide visuelle est sans cesse disponible, ce qui est super sympa. Bon, s’il n’y a donc pas de changement dans le cœur du concept, où se cache le Colonel Moutarde? Dans la physique bien entendu! Pas vraiment celle qui nous a permis de comprendre la pochette de The Dark Side of the Moon ou de encore nous filer des maux de tête à distiller de la lavande, mais bien celle régissant l’inertie, la gravité et tout le tintouin. Avec la généralisation des moteurs physiques dans les jeux, l’idée de caler ça dans un casse-briques a le mérite d’être intéressante. Mais comment cela s’applique dans Shatter, concrètement?

C’est plutôt simple. Notre vaisseau – appelons le maintenant comme ça – possède la faculté de pouvoir agir sur ce qui se passe sur le niveau via une force d’aspiration et d’expiration (assignées aux gâchettes si vous jouez avec une manette). Entre autres, celle-ci permet d’influencer quelque peu la trajectoire du projectile qui rebondit à l’écran et de par exemple le forcer à rester dans le fond du niveau pour davantage d’efficacité et de destruction mais, à moins de ne pas voir faire exploser son score ou nettoyer les autres parties du niveau, il faudra laisser l’obus revenir un peu vers soi. En conséquence également, certaines briques disposées à l’écran se verront affublées d’une menaçante physique « réaliste » visant, on le comprendra rapidement, à pourrir une partie de la manière la plus fourbe que ce soit. Malmenées et s’entrechoquant dans un fracas du tonnerre (ou pas), elles iront parfois voir si vous avez pas suffisamment de problèmes à gérer. Un choc direct entre un objet et notre engin l’empêchera quelques secondes de bouger, ce qui pourra s’avérer fort fâcheux si jamais une balle s’approche dangereusement du bord. Des bords fatals qui ont justement quelque peu évolués avec Shatter. Fini les déplacements sur un axe parfaitement horizontal, bonjour le 16:9 et les lignes verticales, et saluons également l’arrivée de tableaux à la rondeur parfaite. Vraiment de quoi varier les plaisirs, surtout pour les vicieux niveaux aux formes sphériques, qui laissent l’illusion d’une meilleure couverture du terrain, alors que c’est tout le contraire.pc_shatter_screen_03

Si finir Shatter est une petite mission en soit, mais pas spécialement compliquée, le cœur du jeu réside bien dans l’inépuisable quête du score le plus élevé. Ce qui n’a pas été précisé plus haut est qu’à chaque brique explosée, un certain nombre de petits fragments se baladeront à l’écran, brassés par les incessants remouds gravitationnels. Une fois aspirés, ils viendront augmenter peu à peu votre multiplicateur de points et par la même occasion un pouvoir bonus plutôt dévastateur. Cumulé avec le bonus « fragments doublés », on pourra obtenir une conséquente opération mathématique… Attention cependant, nettoyer l’écran de toute briquette bouclera le niveau et effacera véritablement tout ce qui peut trainer sur celui-ci, que cela soit des bonus (comme des précieuses vies) ou ses miraculeuses petites paillettes garantes d’un joli score. De plus, le compteur multiplicateur est réinitialisé à chaque nouvelle vague, et il se verra réduit d’un point si un objet dépasse l’axe de déplacement de la batte. L’idée est donc, au final, d’arriver à gérer sa balle, les fragments, les blocs qui virevoltent, mais aussi des boss carrément originaux, qui demanderont une bonne dose de concentration et de dextérité, chacun possédant son talon d’Achille qu’il faudra exploiter au maximum, sachant qu’il est tout à fait possible de faire durer l’affrontement pour grappiller quelques points supplémentaires… Aux risques et périls des plus téméraires. Notons aussi, avant d’aborder rapidement le plan technique et d’arriver à la conclusion, qu’après chaque fin de monde, il est possible de faire exploser davantage son record personnel grâce aux niveaux bonus, où il faudra gérer le plus longtemps possible trois projectiles qui se déplacent de plus en plus rapidement à l’écran.

Un apport de nervosité supplémentaire pour un jeu qui n’en manque carrément pas. Difficile en effet de lâcher son clavier ou sa manette après avoir débuté une partie de Shatter, les vagues s’enchainant dans un rythme effréné, appuyées par des graphismes colorés et qui tiennent encore la route en 2013, avec ses agréables effets visuels et ses décors de fonds étranges et géométriques, mais aussi et surtout par une grosse… Que dis-je, une énorme… Ah, que diable! Une superbe bande-son! Il est difficile de croire sans avoir pris connaissance de tout les prix reçus par le jeu en 2010, qu’un un casse-briques, certes évolué, peut proposer une aussi excellente partie musicale. Composée par Jeramiah « Module » Ross, elle accompagnera le joueur avec ses beats électroniques soutenus et parfaitement adaptés au caractère additif proposé par le titre.

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Shatter est une franche réussite. Sans en faire des tonnes (parce que Chatterton…), Sidhe Interactive nous offre là une mise à jour du poussiéreux casse-briques dans une version next-gen du plus bel effet, nerveuse et addictive, servie par un gameplay original et très bien fichu, une partie technique irréprochable et une excellente bande-son. Le jeu n’est pas trop avare en mode de jeux, sans pour autant proposer autre chose qu’un mode histoire, un multijoueur en coopératif ou à un accès rapide au boss-attack et au grisant niveau bonus proposé par défaut à la fin de chaque monde. Voilà donc au final un remarquable titre pour lequel on reviendra faire quelques parties, histoire d’arrondir son score ou tout simplement soigner ses petites oreilles après être tombé sur le dernier David Guetta.