Alice : Retour au pays de la folie

Alice-Madness-Returns_Jaquette[dropcaps style=’2′]Étonnant de voir que le jeu vidéo soit encore si frivole au fait de proposer des œuvres plus ou moins considérées comme contes de fées en version glauque voire trash. Ce n’est pas faute de le voir au cinéma, à la télévision, en musique même. Voilà pourtant un bon concept et nul doute qu’avec le pouvoir d’interactivité du jeu vidéo, le résultat ne pourrait être que des plus intéressants. Heureusement, un certain American McGee a eu un jour l’idée de mettre un petit coup de pied dans la fourmilière et de proposer sa vision d’Alice aux pays des merveilles par le biais d’American McGee’s Alice. Sorti en 2001, il avait même su trouver son public, surtout composé de joueurs anti-conformistes, se situant bien loin du caractère convenu et politiquement correct voire pseudo-politiquement incorrect des blockbusters. Malgré tout, il restait quand même relativement restreint, la bête n’étant sorti que sur PC, mettant ainsi tous les consoleux sur la touche. Dix ans plus tard, sa suite débarque avec, roulements de tambour, une promesse bel et bien tenue de rattraper le tir en sortant sur PC et consoles de salon. Et que tous les consoleux frustrés essuient leurs larmes, une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, la sortie d’Alice : Retour au pays de la folie se voit accompagnée par l’occasion d’un portage console du premier opus sur les plate-formes de téléchargement de Sony et Microsoft. Elle est pas belle la vie ? Enfin bon, ravalez tout de même vos grandes dents apparentes derrière ce sourire déployé jusqu’aux oreilles parce qu’Alice version McGee, croyez-moi, risque de vous faire passer l’envie de rire pendant un moment. Voyez un peu pourquoi…[/dropcaps]

Une production indigne de son temps…

Ce n’est pas Alice : Retour au pays de la folie qui ira concourir au concours des prouesses techniques. Ça saute directement aux yeux : Spicy Horse s’est vraiment foutu de notre gueule sur ce point-là. En même temps, les petits gars n’ont fait que reprendre le moteur du premier volet. Non, mais attendez les gars, le premier American McGee’s Alice, il date d’il y a dix ans quoi ! Depuis le temps qu’une suite aurait pu – et au vu du rendu, aurait dû peut-être ? – voir le jour, vous auriez pu faire un effort. De l’eau a coulé sous les ponts et on a quand même changé de génération de consoles entre temps… Et ce qu’on voit dans ce second Alice ? Oui, c’est quand même un joli jeu pour une PS2… Ah bah mince alors, on est sur PS3, c’est vrai ! En gros, graphiquement, le jeu est quand même ce qu’on pourrait catégoriser de mocheté et ce ne sont pas les soucis de clipping et d’affichage à gogo qu’on peut croiser tout le long de notre route qui iront prétendre le contraire.

Mais d’un côté, les graphismes suivent à merveille le principe du jeu. On est là dans de la plate-forme/action telle qu’on pouvait la voir durant l’ère 128 bits. Ce qui lui donne un petit côté bâtard qui n’est pas vraiment à son avantage en terme de séduction des masses : trop vieillot pour correspondre à l’ère où nous nous trouvons mais encore trop récent pour bénéficier du cachet old-school si représenté dans les sphères indépendantes ou certaines grosses productions récentes comme Rayman Origins. Malheureusement, c’est un peu la malédiction de l’ère 128 bits en général qui se retrouve actuellement dans un statut qui a le cul entre deux chaises et, à la limite, qui ne se retrouve reléguée qu’au malheureux statut de « pseudo retro-gaming pour les pauvres ». Pourtant, c’est un peu dommage qu’elle en soit arrivée là dans les esprits car cette génération avait du très bon à offrir. Même si les deux jeux n’ont rien à voir, Alice : Retour au pays de la folie, dans son principe, se rapprocherait de Prince Of Persia : Les sables du temps dans le sens où les deux softs se voient construits de la même manière avec des phases de pures plate-forme entrecoupées de moments dédiés uniquement au combat. Dans de grandes arènes et tout et tout pour ce dernier point, c’est qu’on ne mégote pas. Et même si Assassin’s Creed a tendance à amener un foutu syndrome d’amnésie aux foules, il faut quand même rappeler que ce reboot de Prince Of Persia a vite été considéré comme une référence incontournable dans le style.

Après, la comparaison avec le Prince de Perse s’arrête là. Alice : Retour au pays de la folie propose d’un côté d’avancer dans son univers en étant confronté à pour ainsi dire tous les pièges qu’on a pu voir dans les jeux de plate-forme, sa seule et unique particularité étant de proposer une héroïne capable de faire des triple-sauts – elle est vraiment trop forte cette Alice – en lieu et place des double-sauts habituels. Sans compter les différentes recherches d’éléments plus ou moins cachés, apportant soit des bonus (les bouteilles), des petits compléments plus ou moins directs de scénarios (les souvenirs) ou tout simplement l’auto-satisfaction d’avoir les 100% de chaque niveau avec des trucs qui ne servent finalement pas à grand-chose (les roses à colorer). D’un autre côté, on se retrouvera aussi face à la « faune » locale qui ne se gênera pas pour sortir leurs gros bras afin de nous éliminer. Un bestiaire assez restreint mais qui peut donner du fil à retordre à certaines occasions. Heureusement, de multiples armes comme un couteau de cuisine, un moulin à poivre ou même une théière nous prêteront mains fortes pour nous sortir de ces mauvais pas. Différentes armes pouvant en parallèle (et c’est fortement conseillé) être améliorées grâce aux dizaines de milliers de dents disséminées sur notre chemin. Une esquive entre deux coups et le tour est joué ou presque. Bref, vous l’aurez compris, rien de bien nouveau sous le soleil. Le jeu a beau rajouter quelques séquences plus exotiques pour varier son propos telles des phases plates-formes 2D, shoot arcade de sous-marin en scrolling horizontal ou des puzzles typés taquins entre autres selon les niveaux, on ne peut pas dire que le titre de Spicy Horse apporte quelque chose de nouveau au genre. Malgré tout, Alice a tout pour plaire aux nostalgiques ou plutôt « faux nostalgiques » si je puis dire… Après tout, l’ère 128 bits, ce n’est pas encore retro !

En plus de son côté assurément classique, le soft se permet même d’être techniquement inabouti. Il est peut-être loin d’être désagréable à parcourir mais notre périple se voit obscurci par de vilains petits problèmes pouvant se révéler agaçants par moments. En plus d’être moche, les bugs sont fréquents. La plate-forme se voit gênée par des soucis de caméras par moments tout comme une maniabilité pas toujours très précise, notamment au niveau des sauts. Même si on finit par faire avec et s’y habituer, c’est parfois frustrant de s’y reprendre à cause du fait qu’on a du mal à se rendre compte des distances des sauts. De même que les problèmes de caméras suscités peuvent se retrouver en combat où elle peut se révéler vraiment capricieuse au point qu’on se retrouve souvent dans une situation où on se voit combattre à l’aveuglette sans même avoir la chance de voir notre ennemi à l’écran. En cela, les combats, pourtant bien rythmés, finissent vite par se révéler brouillons, ce qui est assurément dommage car la prise en main dans ces phases est plutôt bien faite. Il n’y a pas à dire, la technique, ce n’est pas le fort de Spicy Horse, loin de là !

… Paradoxalement sublime

Ce serait pourtant bien dommage de s’arrêter à la surface de la carcasse car Alice : Retour au pays de la folie a bien d’autres choses à offrir par delà ses défauts. Il n’y a d’ailleurs pas besoin de chercher bien loin tant ça crève les yeux : le jeu a beau être moche, il est à côté de cela sublime. Derrière la finesse graphique d’un autre temps se cache une dimension artistique de haute volée qui a de quoi faire des émules qui finiront vite par faire oublier le saignement oculaire de départ. De toute manière, une fois l’effusion de sang passée, notre périple sera jonché d’envoûtement sur le plan visuel. Après, qu’il en soit bien clair, le level-design est assez épars, passant d’univers vraiment somptueux à des lieux beaucoup moins tape-à-l’œil, même si ces derniers savent tirer leur épingle du jeu via d’autres éléments auxquels on s’attardera plus tard dans cette critique.

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  1. Et bien en voilà un beau papier, bien dense ! Merci.

    Pour ma part voici l’un des jeux que j’ai préféré en 2011. Je trouve que tu est très très dure sur l’aspect technique.
    Voilà les conditions dans lesquelles je l’ai fait : version PC et mode difficile. Et bien je n’ai pas arrêté de m’exclamer sur le beauté du jeu. Je préfère 1000 fois un jeu qui a un moteur un peu vieillot mais une direction artistique aussi aboutie, qu’un jeu full Unreal Egine 3 avecc la direcion artistique d’un Gears of War ou Call of:p

    Ensuite je pense qu’il faut louer sa durée de vie. A notre époque, un jeu de platefome/aventure qui se boucle en 15 heures en moyenne (18 heures pour moi), ce n’est pas du luxe.
    Et enfin je trouve que ce jeu comporte des idées de gameplay lumineuses, dont on parle peu, à cause de cette foutue catégorisation des genres. J’ai trouvé les combats plutôt pêchus et stylés globalement, et le fait de pouvoir faire tanker les petits lapins, entre autres, donne une façon d’aborder les combats que personnellement je n’avais jamais vue ailleurs.

    Il ne faut pas oublier qu’American McGee a débuté en tant que level designer chez ID Software, sur des jeux précurseurs comme Doom ou d’autres monuments de ce genre. Son jeu comporte beaucoup plus d’idées de gamedesign, level design et gameplay que ce qu’on pourrait croire. Le genre « classique » auquel appartient le jeu, fait passer ses mécaniques comme du déjà vu. Mais éculés comme propres au jeu, ces mécanismes forment un tout d’un niveau conceptuel vraiment rarement atteint sur cette génération de consoles.

    Je pense que c’est typiquement le genre de jeu dont la réputation souffre de la catégorisation des genres. Moi je l’ai pris pour ce qu’il est, et j’ai passé 18 heures de rêves à traverser des univers, des décors, des niveaux différents, tout en prenant mon pied sur des combats pêchus, aussi agréables à jouer qu’à regarder.
    Dommage que tant de gens soient passés à côté, comme d’habitude.

  2. Je dois avouer que j’hésite toujours à me lancer dans ce jeu tant je me suis emmerdé sur le premier épisode.

    En tout cas, bon papier, même s’il ne m’encourage pas forcément à passer le pas.

  3. J’ai eu énormément de mal à rentrer dans la critique étant donné les fautes, oublis de mots ou encore les répétitions, mais je salue malgré tout l’effort d’avoir rédigé un aussi gros billet.

    De la même manière que Céd, je te trouve particulièrement dure au niveau de la technique de Madness Returns (dans le cas du premier opus c’est largement compréhensible, il était atrocement laid), car outre la patte artistique absolument sublime que je n’irai pas confondre, il y a aussi de très belles utilisations de l’Unreal Engine 3 pour le coup. Je pense notamment aux éclairages, lumières diffuses, effets de smoke ou encore de particules. La modélisation en elle même correspond a une utilisation assez basique de l’UE3, mais elle reste dans la moyenne des jeux de cette génération. Le seul aspect qui pêche peut-être un peu à mon sens concerne l’animation, mais ce n’est pas non plus particulièrement notable.

    Du reste je rejoins les paroles de Céd concernant le gameplay. Il y a bien plus à voir et à apprendre que ce que l’on pourrait croire, notamment en terme de Level Design et de rythmique des affrontements, sans parler de la balance puzzle/plateforme/combats très bien équilibrée.

    Enfin une chose à noter aussi et pour laquelle peu de joueurs sont au courant : L’histoire d’Alice et l’univers des jeux sont en réalité partiellement inspirés de l’histoire d’American Mcgee lui même. Lorsqu’il avait 13 ans, son père complètement ivre a tenté de le tuer en l’étranglant et en lui crevant les yeux, et par dessus le marché sa mère avait aussi plus ou moins un grain. Du côté la série n’a clairement pas volée son identité, et ça se ressent d’ailleurs très rapidement.

    > Mogfa : Sincèrement Madness Returns n’a juste rien à voir avec le premier d’un point de vu rythme, maniabilité, affrontements, et surtout artistiquement parlant. Du coup tu devrais plutôt le voir comme un nouveau jeu à part (ou presque).

  4. @ Altraum : Alors, quand j’ai vu ton commentaire, je suis restée perplexe et après avoir relu le billet, je le suis d’autant plus. Je suis peut-être aveugle mais je ne vois pas spécialement de fautes comme tu l’as dit, hormis un ou deux passages avec répétitions (que je vais corriger d’ici pas longtemps). Enfin, je me trompe peut-être, qu’on n’hésite pas à le dire si je me trompe et que la critique est truffée de fautes :sweat: Mais autrement, merci pour ces informations complémentaires que j’ignorais. Après, j’avoue que le côté « fidélité » avec l’esprit originel de l’œuvre, je le voyais beaucoup pour la pédophilie abordée, Lewis Caroll ayant été fréquemment pointé du doigt avec cette accusation à cause d’une certaine fascination pour les jeunes filles qui ont découlé sur des clichés lui ayant valu des rumeurs non-fondées de pédophilie.

    @ Altraum et Lced : Le jour où mon avis sera irréprochable sous tout rapport hein :mrgreen: … A vrai dire, si j’ai commencé à parler de la technique, c’était dans le but qu’on n’y prête pas une importance capitale (le fait d’avoir tout le reste après noie quelque peu le poisson si je peux dire). D’ailleurs, mon appréciation au final ne s’en ressent pas spécialement, ce qui signifie que je n’étais pas si dure que ça par rapport à ce point. Après, j’admets que la demi-étoile qui l’éloigne de l’appréciation maximale provient bien d’un problème technique qui m’a gêné tout le long du jeu : cette foutue caméra durant les combats qui m’a vraiment tapé sur le système jusqu’à ne pas apprécier à leur juste valeur toutes ces phases d’affrontement. Pour les autres bémols techniques pointés du doigt, ils sont bien là mais n’obscurcissent à mon sens pas le jeu dans le sens où même si ça choque quelque peu au début, on finit néanmoins par faire avec et s’y habituer. Bref, j’ai peut-être dénoncé le plan technique, il ne faut tout de même pas en faire une telle fixette, je l’ai fait car on ne peut cacher que ça crève les yeux mais de mon côté, cela n’a pas eu autant de poids dans le constat final comme ça a pu l’être ailleurs (« c’est moche, c’est vieillot, le jeu est donc pourri » pour résumer grossièrement ce que j’avais pu voir parfois).

    Après, pour le reste de ce que vous dites, je n’irai pas vous contredire mais je vous l’avoue très franchement : ça m’importe peu. Je suis quelqu’un qui prête importance au feeling dès lors que j’ai la manette en main mais pas à toutes ces subtilités techniques et de gameplay que vous me citez là. Ce qui est d’autant plus vrai avec un tel jeu où je me suis laissée entraînée émotionnellement parlant très loin au point que mon attention s’est principalement porté là-dessus. Bon, après, vous pourrez aller dire que ça fait de moi une gameuse en carton mais j’assume cette perception du jeu vidéo un peu particulière que j’ai et qui est vraiment éloignée d’autres perceptions qu’ont les joueurs qui s’attardent bien plus sur ces domaines que vous traitez. Choses qui, je l’avoue d’emblée, me semblent bien abstraites contrairement à vous.

    Mais bon, il me semble Lced que tu avais prévu de faire toi-même une critique du jeu. Si c’est toujours d’actualité, c’est l’occasion de développer bien plus ton point de vue – et satisfaire sans doute Altraum 😉 – et t’en donner à cœur joie étant donné que je t’ai laissé des brèches béantes de points à aborder qui ne l’ont pas été ici (ou qui n’ont été que partiels).

  5. Ah ah, pour un peu tu me donnerais envie. Altraum nous avait déjà largement fait la publicité du jeu à l’époque de sa sortie mais je n’avais pas sauté le pas. Tant de choses à faire et si peu de temps, en somme.

    Le seul problème que je pourrais avoir, c’est avec les bugs et autres soucis de finition et d’affichage. Ensuite, être d’un niveau technique équivalent à celui de la PS2 n’a jamais empêché un jeu d’être une tuerie, j’en veux pour preuve d’innombrables jeux PS2 ou Deadly Premotion. Mais tout ce qui est tearing et compagnie, ça nuit sérieusement à mon immersion. Ca n’est pas trop prononcé ?

  6. Bonne relecture d’un conte que l’on pensait reconnaître! Le jeu n’est en soi pas si convivial que cela (un peu répétitif) mais l’ambiance est imbattable. Comme quoi, il est toujours possible de se réapproprier les contes pour enfants!
    Je me souviens qu’il y avait eu un film en projet réalisé par Wes Craven il y a quelques années. J’aimerais bien voir ce que cela pourrait donner même si le risque est d’en faire un film d’action sanglant stupide.

    A propos, un troisième jeu intitulé Alice in Otherland est en projet! Une pétition a été lancée : http://www.thepetitionsite.com/372/809/248/make-american-mcgees-alice-in-otherland-a-reality/

  7. Sincèrement, quand il est sorti, j’ai beaucoup hésité sur le fait que je devais le prendre ou non. En lisant ton article, je suis assez contente de ne pas l’avoir fait… Maintenant, je pense que ça dépend des goûts de chacun.

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