L’Indépendant #10

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Il faut reconnaître qu’une des grandes forces du jeu vidéo indépendant est la liberté qu’offre la scène pour les expérimentations et délires aussi bien artistiques que vecteurs d’émotions en tout genre. Moins d’argent à perdre qu’une super-production, l’indépendant offre une belle tribune à ceux qui ont des choses à dire. En cela, Vander Caballero, le directeur créatif du studio canadien Minority, en a des jolies choses à nous conter. Des choses directement inspirées de sa propre vie, fait d’une triste enfance menée dans l’ombre d’un père alcoolique, qu’il a intelligemment détourné et déformé en l’entité de Papo & Yo.

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A quoi ça ressemble ?

Totalement à la masse en terme de technique avec ses graphismes dépassés et une optimisation loin d’être au taquet, il faut quand même avouer qu’en dehors de cela, l’univers de Papo & Yo, d’un simple point de vue artistique, dispose tout de même de ses petits atouts charme. Loin de compter parmi les trips acides et complètement excentriques, on finit vite par s’attacher à cet univers directement inspiré des bidonvilles sud-américains. Fades et ternes en terme de coloration, appuyant une part de triste réalité aussi bien sociale en prenant en compte une généralité que tragique en rapprochant l’objectif du microscope sur l’histoire de notre jeune protagoniste, il demeure une certaine part de fantaisie et de mysticisme primitif propre à l’imaginaire du monde dans lequel on nous a envoyé. Beaucoup de symboles détournant la réalité, parfois avec une touchante maladresse mais souvent intelligents, et surtout une architecture d’ensemble totalement fantasmagorique avec tous ces bâtiments qu’on nous invite à déplacer et/ou empiler via des engrenages et autres clés à remonter fantômes qui servent de bases aux énigmes. Une invitation à apprivoiser cet environnement hostile pour la jeunesse, l’innocence et la naïveté du petit Quico qui se retrouve livré à lui-même à un âge où les parents sont censés recouvrir leur progéniture d’un doux cocon protecteur et leur servir de guide.

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Comment ça se joue ?

Le joystick pour se déplacer, un bouton pour interagir avec les objets/environnement, il ne faut pas être sorti de Saint-Cyr pour aborder Papo & Yo. Les énigmes, à base d’engrenages, de clés, de grenouilles et de fruits sont loin d’être compliquées non plus mais ont le mérite d’être plutôt variées. Le côté plate-forme, en revanche, se retrouve un chouïa moins gâté avec une certaine imprécision, surtout par l’intermédiaire du jetpack offert par notre ami robot Lula, qui peut parfois rendre ces phases assez laborieuses. Les checkpoints étant nombreux, cela n’offre heureusement aucune incidence sur le plaisir de jeu. Dernier point bien réel car même si le jeu n’offre aucune résistance flagrante, cette longue ligne droite s’engloutit avec autant de facilité qu’elle en est agréable, sans la moindre once d’ennui qui pointerait le bout de son nez, ne serait-ce qu’à une seule seconde de parcours.

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Pourquoi on en parle ?

Si le jeu ne pose pas vraiment de difficulté réelle, le fait qu’on ne se retrouve pas à se triturer les méninges à tout bout de champ nous permet sans mal d’apprécier l’univers, les symboles ainsi que la narration du jeu à sa juste valeur. Car si parfois, Minority nous offre des petites maladresses, cela n’entache nullement l’émotion que cette touchante histoire apporte. Une histoire de survie d’un enfant seul dans l’hostilité du monde que le père et ses vices éthyliques n’arrange pas. Une histoire banale d’ailleurs tant l’alcoolisme est une problématique malheureusement courante. Et c’est sans doute cette banalité qui nous engendre le plus d’empathie. Car cela aurait pu arriver à l’un de nos proches. Nous-mêmes peut-être. Et à ce niveau, Minority a su toucher du doigt le problème avec une appréhension des choses très juste, voire intelligente. Loin d’obéir à un schéma manichéen, le joueur se retrouve tout aussi tiraillé que ce pauvre gamin quant au monstre que l’on traîne comme un boulet enchaîné aux pieds. Tantôt touchant, entre être diminué et fada qu’il faut s’occuper comme un enfant et figure protectrice presque affectueuse qui nous épaule dans notre périple, tantôt effrayant de par sa fureur ivre et incontrôlée faisant office de véritable obstacle mortel et parfois de cruauté gratuite déchirante. Nous sommes davantage dans le gris que dans un schéma en noir et blanc. Pour arriver à une conclusion saisissante, qui nous semble pourtant évidente et essentielle et pourtant nous déchire tout autant qu’elle nous soulage. En cela, Papo & Yo est loin d’être une perfection mais se révèle marquant dans son parcours qu’on gobe d’une traite, totalement scotché à notre écran et notre pad, émotions que l’on retrouve même au travers de la rejouabilité.

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Margoth

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