The Cave

The-Cave_Jaquette[dropcaps style=’2′]C’est l’été, il fait beau et il fait chaud. Si Serge Gainsbourg sautait sur l’occasion – de son vivant en tout cas, bien que rien n’empêche qu’il puisse encore festoyer aujourd’hui au fond de sa tombe – pour un langoureux « Sea, Sex And Sun », il en va sans dire que les geeks que vous êtes ne voyez pas les choses de la même manière. Allons, n’allez pas jouer les mijaurées, depuis quand vous sortez de chez vous de toute manière ? Surtout pour exhiber votre cul blanc dégoulinant d’écran total, on ne vous en tiendra pas rigueur : vous rendez même un fier service à l’humanité à rester enfermés dans votre piaule les volets fermés, à plat ventre au sol à la quête d’un brin de fraîcheur pouvant bien atténuer l’immonde vision de votre peau pâle moite et autres auréoles de transpiration odorante. Par chance pour vous, Ron Gilbert, éminent visionnaire dans l’âme, arrive tel un sauveur. Il vous propose l’aumône dans sa caverne, sobrement nommée The Cave, bien au frais et, bonus non négligeable, loin du reste de l’humanité. Une aubaine n’est-ce pas ? Ne criez pas victoire trop vite pour autant, le monsieur a beau s’être hissé au rang légendaire de votre petit univers impie, il n’empêche qu’il y a toujours le risque que cette généreuse invitation ne se révèle être, au final, qu’un odieux cadeau empoisonné.[/dropcaps]

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Mais… Elle parle ???!!!???

Comme je ne doute pas que vous êtes plus du genre à survoler rapidement ce qu’un malheureux rédacteur peut bien écrire – ne niez pas l’évidence et vous y prenez encore plus plaisir depuis que vous savez que chez Archaic, on se casse tous le cul à mettre au point des textes qui tiennent à peu près la route – j’imagine que vous n’avez pas fait attention à mon petit avertissement précédent et que vous vous êtes précipités dans la caverne en question.

« Bienvenue. N’ayez pas peur de ma voix chaude et mystérieuse. Depuis des centaines… Non, des milliers d’années… Non, non, non, des dizaines de milliers d’années, des visiteurs sont venus à moi en quête de leurs désirs les plus profonds. Peu d’entre eux ont trouvé ce qu’ils cherchaient. Certains ne sont même jamais repartis. Bienvenue dans la caverne ! C’est moi. La caverne. Oui, oui, je suis une caverne qui parle. Ce qui rend la drague assez difficile. »

Vous voyez, vous ne lisez pas, vous n’écoutez personne, vous, gamers dans l’air du temps qui ne jurez que sur l’action, avez fait ce que vous savez faire de mieux : foncer tête baissée sans réfléchir. Et voyez maintenant dans quelle situation absurde vous vous retrouvez ? Enfermés dans les tréfonds d’une caverne en manque d’amour qui parle. Et encore, Ron Gilbert reste sympathique, vu le manque flagrant d’atouts physiques de cette « créature de roche » en chaleur, il aurait limite pu vous faire ramasser la savonnette. En tout cas, moi je dis que vu la bêtise que vous avez fait preuve à vous précipiter comme ça, vous l’auriez bien mérité. Mais bon, le ‘sieur Gilbert est bon et généreux contrairement à moi. Il l’est même tellement que ce n’est même pas votre pomme qui allez risquer votre vie contre les dangers qui peuplent cette caverne pas si hospitalière que cela. A la place, vous aurez le choix entre trois chairs à canon parmi les sept proposées.

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Sept héros, une caverne… Maniac Mansion, m’entends-tu ?

Ces sept malheureux qui auront la (mal)chance de se paumer dans la grotte, qui sont-ils ? Un bouseux de paysan qui recherche un amour non réciproque – les Franchouillards que nous sommes s’amuseront du petit côté « L’amour est dans le pré » qui résonne vaguement au loin – une scientifique sur le point de faire une découverte qui révolutionnera le monde – ou le mènera à sa perte, rayez la mention inutile – un moine avide de pouvoir, des jumeaux tout mignons – mais ô combien turbulents, sales fripouilles – une aventurière cupide, une voyageuse temporelle assoiffée de vengeance et un preux chevalier en quête obsessionnelle de gloire. Je me passerais de développer davantage le background de chacun sous peine de spoiler bêtement. Vous remarquerez juste que chaque tête est loin d’être très angélique, chacune ayant des choses à se reprocher. Voilà le principe de la caverne : mettre ses protagonistes devant leurs défauts et les inciter à commettre l’irréparable. Mais en échange, on vous tend la carotte de voir tous ses désirs les plus profonds assouvis… Autant dire que le prix n’est peut-être pas forcément si cher payé par rapport à la récompense tendue sur un plateau d’argent. Après, le tout est de savoir si vous êtes réellement prêts à le payer ce prix en question… Et là, ce n’est pas aux personnages de faire leur choix mais bel et bien vous-mêmes d’en décider pour eux.

Outre le fait de vous faire faire un choix cornélien dès le départ, choisir tel ou tel personnage change la donne de chaque partie. En effet, chaque protagoniste bénéficie tout d’abord d’un pouvoir propre. C’est ainsi que le fermier s’avérera être un Jacques Mayol des campagnes (peut donc respirer plus longtemps que les autres sous l’eau) ou bien l’aventurière pourra se la jouer Indiana Jones aux crochets qu’on pourrait éventuellement voir traîner au plafond par exemple. Et, surtout, chaque personnage a son niveau dédié au sein de la caverne, une tranche de son histoire dévoilée que seul le concerné pourra déverrouiller. A comprendre que vous ne pourrez jamais jouer le niveau du fermier si vous ne l’avez pas choisi en début de jeu. Ça paraît évident et logique c’est sûr mais ça ne fait pas de mal de mettre la chose sur le tapis.

Sept héros, chacun possédant une aptitude particulière, le choix entre trois afin de visiter un seul et même édifice. Pour sûr, les vieux briscards penseront tout de suite à Maniac Mansion. A la différence que les protagonistes ont changé ainsi que l’édifice en question. Mais bon, Ron Gilbert ainsi que l’ombre de Schafer – étant donné que The Cave est signé Double Fine, rappelons-le – traînent dans les parages, autant dire que l’emprunt est très loin d’être innocent. De toute manière, son créateur a catégorisé The Cave comme une sorte d’hommage aux racines des vieux point’n click, ceux qui fleurent bon l’âge d’or de Lucas Arts.

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Quand le manoir Edison se téléporte sur l’île du singe…

« 99 bouteilles de rhum sur un mur, 99 bouteilles de rhum… » nous entonne la voix suave de notre narrateur de caverne à un moment donné de l’aventure. Rajoutez à cela des clins d’œil divers comme des distributeurs de grog et vous saurez que Monkey Island non plus n’est pas très loin en terme d’influence dans The Cave. Plus nettement encore, on remarquera que le doubleur choisi pour nous narrer nos exploits n’est autre que celui qui jouait déjà le narrateur des récents remakes des deux premiers Monkey Island.

En restant sur le narrateur, on reconnaît la patte Gilbert à plein nez en terme d’écriture : The Cave est l’absurdité même à bien des égards et même si on peut trouver dans l’histoire de chaque personnage un but moral gentiment détourné, il faut admettre qu’elles sont toutes plus grotesques les unes que les autres. Et c’est heureux car parcourir les chemins rocailleux dans la joie et la bonne humeur, passant du simple rictus au plus généreux éclat de rire, ajoute un capital sympathie certain au soft. Mais on ne s’en arrête pas qu’aux textes vu que notre avancée même signifie qu’on est confronté à des énigmes aux solutions des plus déjantées. Car oui, The Cave, c’est de l’énigme et de la réflexion, pas de l’action décérébrée. Après tout, le jeu est censé trouver sa base dans les racines du point’n click non ?

Malgré tout, que les mous du cerveau se rassurent, ils ne se retrouveront nullement blousés dès le premier obstacle. The Cave est un jeu à destination du grand public, on est par conséquent bien loin de la difficulté des point’n click d’antan. Le jeu est même plutôt facile, certains – notamment les plus vieux et braves aventuriers – diront même trop facile. Mais bon, les énigmes étant par ailleurs bien ficelées, on ne lui en tiendra pas trop rigueur pour autant. Elles reposent pour ainsi dire toutes sur le principe de coopération. Car il est évident qu’on n’a pas choisi trois personnages pour faire joli. On a donc trois chairs à canon en stock pour avancer et à nous de bien les contrôler, utiliser éventuellement leur capacité propre si besoin est. A titre d’exemple, on pourra en utiliser un pour actionner un levier ouvrant une porte deux mètres plus loin pendant qu’un autre s’engouffrera dans la brèche ouverte par son camarade afin d’actionner un autre levier qui maintient également la porte ouverte. Et ainsi, les deux autres pourront passer. Bref, c’est tout con comme vous pouvez le constater mais rassurez-vous, le jeu fait quand même preuve de plus d’imagination afin de varier les plaisirs et éviter la répétitivité. Et puis, comme dit plus haut, certaines solutions sont tellement absurdes que les plus logiques d’entre vous risquent de buter un peu. Oui, même si le jeu est censé être facile et grand public.

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Du point’n click ? Loupé, c’est du platformer !

Malgré tout, le but de The Cave n’était pas pour autant de faire du vieux avec du vieux… On dira plutôt que le résultat tente de faire du vieux avec du jeune. Le point’n click, ça doit sembler terriblement ringard pour le grand public alors autant le caresser dans le sens du poil. C’est ainsi que Ron Gilbert a choisi de revoir sa copie. C’est ainsi qu’on se retrouve face à un indépendant dans l’air du temps, un platformer. Parce que le platformer et le metroidvania, on en connaît à toutes les sauces au sein de la scène indépendante, il faut bien l’admettre. Toutefois, ce caractère sied plutôt pas mal à The Cave tant c’est bien mis en place. Cela reste maniable, on ne pestera pas contre de mauvaises chutes à tout bout de champ dues à des caprices techniques. D’autant plus que le platformer intervient plus afin de rallier un point A à un point B, l’avancée se tournant bien plus autour de la résolution d’énigmes à grands renfort de matière grise plutôt que grâce à des réflexes de plate-forme pure et dure. A mon sens, ce parti-pris est un atout certain, surtout si un public plus jeune se penche sur le jeu. Il faut reconnaître qu’une faiblesse des vieux point’n click était ses déplacements souvent lents où on n’avait pas grand-chose à faire hormis regarder son personnage bouger bêtement (et mollement) jusqu’à arriver à destination. Et puis, les innombrables allers-retours d’un bout à l’autre d’une map… Au moins, The Cave a été pensé pour ne pas être gêné sur ces points, d’autant plus qu’on ne se retrouve jamais à faire des allers-retours fastidieux bien longtemps. Autant dire, une cure de jouvence plutôt salvatrice lorsqu’on observe les choses de cette manière.

Notons également que pour suivre l’air du temps, il y a la possibilité de jouer à plusieurs à The Cave, chacun incarnant un personnage. Parce que c’est vrai que la mode est de jouer avec son prochain par les temps qui courent. Malheureusement, il est clairement conseillé de s’abstenir de le faire et jouer les associables dans ce cas précis : il n’y a strictement aucun intérêt de le faire. Hormis prendre la tête et mener les autres en avant – ces derniers jouant souvent plus le rôle de vulgaire chewing-gums collés au cul – il n’y a pas grand-chose à faire de plus. Ce qui revient pratiquement au même de jouer seul, d’autant plus que ça évitera de s’énerver bêtement contre un mou du cerveau n’ayant pas forcément compris de prime abord que c’était à lui de prendre les devants afin de pouvoir avancer. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, c’est bien connu… De plus, le multijoueur est assez mal branlé, surtout face à des candidats comme LittleBigPlanet qui ont amélioré beaucoup de choses en terme de confort de jeux à plusieurs (impossibilité de s’éloigner des autres notamment car tout le monde a le droit à la même caméra, même en ligne, quelle plaie).

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